Marie Rabatel est handicapée et porte-parole de ceux qui se taisent ou dont on minimise les propos. Les handicapés victimes de violences sexuelles. Sa vie est un combat tout entier tourné vers les autres. Elle sillonne la France pour témoigner, accompagner, expliquer à quel point il est important de se faire entendre. Une cause chevillée au cœur, un combat politique.
Le chignon noir impeccable, le regard caché derrière des lunettes teintées, c'est une femme élégante qui apparait à l'image. Et quand elle parle, c'est d'une voix sûre. Alors, on l'écoute. Parce qu'elle a la classe et les mots de celles qui en ont trop vu, trop subi. De celles à qui on ne la fait plus.
Marie Rabatel, 44 ans, autiste, présidente de l'AFFA (association francophone des femmes autistes) est une survivante. Survivante de son enfance, raillée dans les cours d'école où on la traitait de "débile", survivante d'un viol à l'âge de douze ans par un voisin de ses grands-parents, survivante du silence des adultes qui l'ont traitée de "folle" quand elle a dessiné ce qu'elle venait de subir. Alors, elle s'est tue pendant plus de 20 ans. Et s'est réalisée dans le sport, le malheur enfoui quelque part.
" Mes comportements un peu décalés étaient gommés par ce que je représentais à leurs yeux : une sportive et non plus une débile"
Marie Rabatel
Au collège, un prof d'EPS lui propose le lancer de disque : " Quand je lui ai dit que je n'y connaissais rien, il m'a répondu : c'est simple, tu imagines que tu mets une forte claque. Alors, j'ai claqué tous ceux qui m'avaient harcelée, moquée, salie et j'ai été plusieurs fois Championne de France."
De son passé de sportive de haut niveau, elle a gardé la carrure et la niaque. Et les valeurs aussi, dont la plus importante est le respect. C'est ce qu'elle explique lors de ses visites dans les clubs handisports, les institutions, les plannings familiaux, aux politiques. Le respect des autres qui passe par le respect de soi, par le respect de l'intégrité physique. Elle l'explique sans relâche, répétant aussi souvent qu'il le faut : " Quand on nait avec un handicap, on nous apprend à être soumis à la voix de l'adulte (parent, éducateur, etc). On nous enlève le pouvoir de décision. Et même en tant qu'adultes, d'autres parfois, pensant bien faire, décident à notre place. Chacun doit pouvoir décider pour lui-même."
C'est pour cela qu'elle se bat jusqu'au Sénat et à l'Assemblée Nationale. Marie Rabatel est membre permanente de la CIIVISE (commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants). Forte de son expertise et de son travail de terrain, elle a amené la CIIVISE à porter une attention particulière aux enfants en situation de handicap. Chaque année en France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Les enfants déficients intellectuels ont cinq fois plus de risque d'être des victimes. La commission rendra ses conclusions fin 2023.
Marie Rabatel intervient aussi auprès des forces de l'ordre souvent démunies lorsqu'il s'agit de prendre le témoignage de jeunes handicapés abusés. Avec les gendarmes, elle travaille sur un protocole d'audition des victimes handicapées. Ce protocole est en cours d'élaboration.
Entre sa vie de famille et ses déplacements, Marie est toujours en mouvement. Un quotidien parfois compliqué : "Ça me coûte de l'énergie, mais c'est important de sauver une personne".
De l'énergie et du stress. Dans sa valise, il y a toujours des peluches et dans ses mains un doudou. Une petite chose rose qu'elle ne lâche jamais. Une petite chose douce qui lui permet de canaliser son stress. "Le doudou, il voyage avec moi et est sur toutes les photos dans les ministères", dit-elle en riant.
En France, 250 000 handicapés adultes et 100 000 enfants handicapés sont placés en institutions.
"Cassée debout" est le témoignage d'un combat quotidien dont on parle (trop) peu. Un film remarquable par sa sobriété et son humanité. Un film indispensable pour parler de l'inimaginable.
" Cassée debout " de Franck Seuret et Yann Rineau, coproduit par Cicada Production et francetv Aura sera diffusé sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes le jeudi 1er juin à 23H45 dans la case documentaire, la France en Vrai et déjà vsible sur france.tv