TEMOIGNAGES. "Même si c'est un ramadan sans saveur, ça reste un ramadan avec beaucoup de solidarité"

Pour la deuxième année consécutive, les musulmans de France vont devoir passer le ramadan à la maison. Alors que le mois "sacré" de l'Islam débute ce 13 avril, certains fidèles, en Isère, y voient l'occasion d'apporter un soutien aux plus fragiles. 

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Les mesures sanitaires se sont à nouveau invitées à la table du ramadan. "On attendait cette période avec impatience pour se rassembler, pour aller manger en famille ou entre amis", se désole Hinda, mère de deux enfants. Le souvenir de repas du ramadan bien garnis et en grand comité est lointain pour cette Grenobloise. "D'habitude, on se déplace, on va en Savoie chez ma mère, ou chez ma sœur."

Pour Linda, mère de deux garçons âgés de 7 et 11 ans, c'est également une période marquée par le partage et la solidarité. "Le ramadan ce n'est pas juste se priver de nourriture, arrêter de fumer, etc. Le sens du Ramadan est plus large. C'est aussi de se mettre à la place des personnes démunies." Comme chaque année, elle entame le mois de ramadan avec sérénité. Une période considérée comme "sacrée" dans l'islam durant laquelle les musulmans observent un jeûne tous les jours.

Malgré un confinement plus souple cette année, le ramadan perd en convivialité et la crainte du Covid reste présente selon Hinda : "on fait très attention, on ne va pas cuisiner avec les amies ou la famille".

 

On s'appelle par Whatsapp comme pour les apéros en visio, mais là c'est pour le ramadan.

Widad


"C'est compliqué avec le confinement, mais comme pour les chrétiens avec Pâques ou Noël", explique Widad, qui a trouvé une solution pour garder contact : "on s'appelle par Whatsapp comme pour les apéros en visio, mais là c'est pour le ramadan".   

 

"Leben avec les dattes, c'est son péché mignon" 

Même appréhension chez Linda, pour qui la vaccination n'empêche pas de maintenir certaines précautions : "mes parents ont reçu le vaccin Moderna, c'est un soulagement, mais ils peuvent toujours être porteurs alors on fait attention"

Mais dans le même temps, Linda souhaite également maintenir le lien avec ses aînés. Certaines traditions familiales, pour elle, restent indétrônables : "je ramène toujours Leben [lait fermenté. ndlr] de la ferme à mes parents. Avec les dattes au moment de la rupture du jeûne, c'est le péché mignon de mon père".  

 

"La faim n'a pas de frontière" 

Habituellement, que ce soit dans les maisons de quartiers ou au sein d'associations, plusieurs femmes se retrouvent pour cuisiner en grande quantité. L'objectif étant d'apporter un repas chaud aux musulmans n'ayant pas les moyens de se l'offrir. "On ressent la faim quelques heures seulement, c'est ce que ressentent toute l'année certaines personnes", déplore Samira, habitante du quartier Jouhaux, à Grenoble.

Dans la mosquée de Teisseire, la "chorba pour tous" qui offre un repas aux plus démunies, s'est adaptée avec les mesures sanitaires. "Les repas sont cuisinés dans la journée. Tout le monde porte des masques, des gants, pour préparer jusqu'à 500 repas." Avant le couvre-feu, les plateaux sont distribués et pour les personnes ne pouvant pas se déplacer, la livraison a été organisée. "Ce n'est pas que pour les musulmans, c'est pour tout le monde. La faim n'a pas de frontière", conclut Samira.  

Malgré les difficultés à se rassembler pour cuisiner, l'engagement se poursuit dans beaucoup d'associations. Avec un souci particulier pour les étudiants isolés. "Ils sont éloignés de leurs familles depuis longtemps et certains n'ont pas les moyens de se payer de quoi manger", explique Hanan, présidente de l'association Help Étudiant à Grenoble. 

Pour la première fois, cette année, l'association a organisé une collecte de denrées alimentaires afin de constituer des boîtes de repas de ramadan. Ce 13 avril, la première distribution s'est déroulée entre 16 heures et 18 heures. "On a déjà 95 étudiants inscrits", précise Hanan.

 

"L'année dernière, je l'avais mal vécu parce que c'était brutal de se retrouver isolé aussi rapidement. Aujourd'hui, il a plus d'associations pour aider les étudiants, alors en cas de besoin, je sais vers qui m'orienter", explique Anissa, qui vit dans la résidence étudiante Berlioz, à Grenoble, dans une chambre de 12 m². Cette étudiante débute son second ramadan, loin de sa famille et en période de confinement. 

À Echirolles, mêmes mouvements de solidarité. Une distribution de paniers repas a été mise en place par l'association ANH (Association nouveaux horizons). Grâce à une levée de fond et plusieurs dons, l'association propose soupe, fruits, eau, dattes, pâtisseries, plats cuisinés pour les "nécessiteux". Ce 13 avril, 140 personnes se seraient inscrites, selon l'association, pour la distribution qui a lieu devant un restaurant du quartier La Luire, à Grenoble. 

"C'est du bouche à oreille dans le quartier. On donne un point de rendez-vous et les femmes amènent des plats cuisinés qui sont ensuite donnés à ceux dans le besoin", décrit Linda. "Le quartier, c'est aussi cette générosité pour ceux qui ont faim. Même si c'est un ramadan sans saveur, ça reste un ramadan avec beaucoup de solidarité." 

 

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