Des trailers qui viennent de s'élancer sur la course phare de 160 km de l'Ut4M, sont suivis par le laboratoire Grandeur nature, en partenariat avec l'Inserm et le CHU de Grenoble. Objet d'étude : l'impact de la course sur la santé articulaire de leurs genoux et sur leur glycémie pendant l'effort.
Ils se sont préparés pendant des mois pour réaliser l'épreuve reine de l'Ut4M, le 160 Xtrem. Cette course de 169 km (pour être précis), dont le départ a été donné vendredi 16 juillet à 16 heures, va mettre leur corps à rude épreuve et leur demander de repousser toutes leurs limites. 11 300 mètres de dénivelé positif sont au programme entre Vercors, Belledonne, Taillefer et Chartreuse.
Les meilleurs mettront sans doute moins de 28 heures pour faire l'ultra tour des quatre massifs qui ceinturent Grenoble, les autres mettront presque le double et passeront plusieurs jours et nuits en montagne pour rallier l'arrivée. A chacun sa science de course.
Quarante coureurs "cobayes"
L'Ut4M 160 Xtrem sera aussi une course pour la science. Environ quarante trailers ont accepté d'être les cobayes des chercheurs : 20 sur la course de 40 km et 20 sur la 160 Xtrem.
Depuis plusieurs mois, ils répondent à des questionnaires, font des tests, passent des IRM pour le laboratoire Grandeur nature : une plateforme de recherche co-créée par l'Ut4M, le laboratoire HP2 de l’université Grenoble Alpes (INSERM) et l’unité́ sports pathologies du CHU Grenoble Alpes, il y a déjà plusieurs années, pour mener cette étude scientifique de longue haleine.
"On étudie, en particulier, comment les vaisseaux et la qualité du sang sont modifiés par un effort extrême en montagne et comment va s'opérer la récupération dans les semaines à venir", explique Samuel Vergès, directeur de recherche au sein du laboratoire Hp2, lui-même ancien sportif de haut niveau. Dans une salle de consultation de l'hôpital de Grenoble, on procède à une échographie de l'artère fémorale "pour regarder la réactivité vasculaire".
"On veut voir l'épaisseur du sang avant et après la course et la réactivité des artères, deux facteurs importants de performance mais aussi de risques cardio-vasculaires", indique le docteur Stéphane Doutreleau, responsable du pôle thorax et vaisseaux du département sports et pathologies du CHU Grenoble Alpes.
Des tests avant, pendant et après la course
Avant le départ ce vendredi après-midi, les trailers-cobayes ont effectué une prise de sang et de tension. Ils sont également équipés de capteurs transcutanés pour mesurer leur glycémie dans le sang en temps réel et en continu sur la course.
"La glycémie va surtout nous permettre de donner des conseils aux coureurs et nous faire avancer parce que nous n'avons pas beaucoup de données sur la glycémie sur des sujets qui s'exposent à des phases d'endurance intenses et longues comme les trailers de l'Ut4M", indique le Dr Stéphane Doutreleau.
"Depuis que le trail se développe ces dernières années de façon très forte, on se pose beaucoup de questions sur l'impact sur la santé d'une telle pratique", renchérit Samuel Vergès. Et notamment sur la santé de l'articulation la plus précieuse du coureur : son genou.
Le genou dans le viseur
Les chercheurs s'interrogent car ils ont rarement l'occasion d'étudier les impacts sur l'articulation avant, pendant et après un effort de cette ampleur. "Est-ce que cela va favoriser la survenue d'arthrose à long terme ? Est-ce que cela abîme le cartilage ?" Autant de questions qui intéressent le Dr Stéphane Doutreleau, impatient de passer les articulations à la loupe.
Une fois la ligne d'arrivée franchie, les coureurs devront opérer un dernier sprint pour rallier le centre hospitalier grenoblois et subir une IRM "dans les quatre heures suivant l'épreuve". Leur auscultation ne sera pas finie pour autant.
"On va les revoir un mois plus tard pour refaire une IRM du genou, pour voir si le cartilage a récupéré ou s'il y a encore des séquelles. Voir si l'on voit encore des stigmates de cette course", dit-il.
Un coureur sur trois blessé ou malade en raison du trail
D'ores et déjà, les chercheurs disposent des données des questionnaires remis à 550 trailers. 34% d'entre eux déclarent avoir été blessés ou malades dans l’année écoulée en lien avec la pratique du trail.
"La fréquence des blessures n’apparaît pas différente en fonction du nombre d’heures et du kilométrage d’entraînement, toutefois, elle est plus élevée chez les trailers réalisant moins de 1 000 mètres de dénivelé par semaine", relève le laboratoire.
"Il apparaît également que la pratique sur des terrains aux dénivelés importants n’augmente pas forcément le risque de blessures, ce qui est plutôt rassurant pour les trailers constamment en train de gravir des cols de montagne. Il existe aussi un lien entre les blessures et certains comportements nutritionnels inadaptés, apports énergétiques insuffisants et entraînements trop intenses", estime Samule Vergès.
Prévoir des mesures d'accompagnement
Ces recherches globales entamées depuis plusieurs éditions de l'Ut4M visent à accroître la connaissance sur les versants physiologiques, biomécaniques, psychologiques, sociétaux ou matériels.
"Notre rôle, c'est de montrer quelles sont les contraintes et les sollicitations importantes de la pratique du trail en montagne mais aussi de montrer quelles sont les meilleures mesures d'accompagnement et de prévention que l'on peut mettre en place pour que cela se fasse dans la meilleure santé possible", conclut le directeur de recherches en physiologie.