"Une catastrophe environnementale" : pourquoi l'opposition grandit autour d'un projet de barrage hydroélectrique en Isère

L'opposition s'organise contre un projet de barrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas, en Isère. Le collectif "Stop au barrage Rhonergia", regroupant 80 personnes dont des habitants de la commune, sera officiellement créé ce lundi 27 novembre contre le projet porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

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Un collectif citoyen se lance officiellement contre un projet de barrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas, ce lundi 27 novembre, en présence du maire de la commune, également opposé. "Stop au barrage Rhonergia", c’est par ce nom que le collectif souhaite peser lors de la concertation publique menée par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), porteuse du projet, dans les prochains mois.

"L'idée de la création d'un collectif était dans l’air depuis (...) la réunion publique le 30 septembre", explique Clément Pradier qui fait partie du noyau dur des opposants. "On va naître officiellement ce soir." Le collectif citoyen, qui se veut apolitique, regroupe 80 personnes présentes à une pré-réunion il y a près de quinze jours.

Il dénonce le projet de construction d'un barrage qui s’inscrit dans le programme des travaux de la CNR dans le cadre de la loi visant à prolonger la concession du Rhône jusqu’en 2041. Concrètement, la compagnie est actuellement mandatée par l’Etat pour étudier l’opportunité d’un aménagement hydroélectrique entre les communes de Loyettes (Ain) et de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère). Le tout afin de participer à l’accélération des énergies renouvelables dans les territoires, dont la part est fixée à 33 % d'ici 2030.

La construction du barrage entraînerait un réaménagement du Rhône. "Une catastrophe environnementale", exprime le maire de la commune, Jérôme Grausi (sans étiquette), opposé à ce projet. "On déplace le lit du Rhône pour un projet imaginé en 1935", regrette l’élu. En effet, dans le dossier de la concertation préalable de la CNR, le secteur de Loyettes avait déjà été identifié, à cette époque, comme intéressant pour construire un barrage.

Ils vont déporter le lit du Rhône.

Jérôme Grausi, maire (sans étiquette) de Saint-Romain-de-Jalionas

à France 3 Alpes

L’énergie décarbonée réalisée par ce projet ne doit pas se faire "à n’importe quel prix et à n’importe quel endroit", exprime le maire. Le lieu exact de l'emplacement de la centrale est encore inconnu. Deux scénarios sont envisagés, une construction dans la commune iséroise ou celle de l'Ain.

Le maire explique : "Ils vont déporter le lit du Rhône. C’est un projet qui va avoir une influence sur 26 km environ. Ils vont être obligés de bétonner pour sécuriser les berges." Dans le dossier de la concertation préalable écrit par la CNR, il est mentionné que le lit serait "modifié sur 15 kilomètres environ,11 km en amont et 4,4 km en aval de l’usine hydroélectrique." Pour la construction du barrage, une chute d'eau serait constituée.

Dans sa pétition, le collectif évoque "un massacre de la dernière partie sauvage du Rhône (espace naturel sensible) et [d'un, NDLR] patrimoine archéologique exceptionnel". Clément Pradier évoque des questions concernant les ressources en eau pour le territoire et les autres en aval, dans un contexte de "tensions de plus en plus fortes" sur ce sujet. "L’avis des scientifiques nous donne à voir que ça ne va pas s’arranger dans les années à venir."

Autre sujet évoqué par le collectif, celui de la pollution au PCB, les polluants organiques persistants. Il y a "une documentation dans les années 90/2000 sur ce secteur-là précisément du Rhône. Il y a eu une pollution détectée sur la faune aquatique, mais également sur les sédiments. Demain, si on vient curer le lit du Rhône, il pourrait y avoir cette pollution qui se retrouverait dans les communes en aval. C'est une question absente."

Par ailleurs, les travaux pourraient avoir des conséquences directes sur le paysage et la biodiversité du fait de la modification du lit et du débit du Rhône, mais également sur le patrimoine archéologique, craint Jérôme Grausi. "Il y a des vestiges gallo-romains à cet endroit-là. La ViaRhôna où est passé Jules César" longe la commune. 

Une concertation publique démarre en décembre 2023

La CNR met en avant les capacités de production du barrage. Il produirait l’électricité consommée chaque année par une ville de 60 000 habitants, soit une puissance de 40 mégawatts. Le maire s'oppose à cet argument et fait la comparaison avec les réacteurs de la centrale du Bugey en amont. Cela représente seulement "1 % de ce que produisent les quatre EPR en amont", compare-t-il. 

Par ailleurs, Jérôme Grausi n'est pas non plus persuadé de l'intérêt économique. Estimé à 280 millions d’euros en janvier 2018 par la CNR, le coût de construction du barrage, revu à la hausse, s'élève désormais à 330 millions d'euros, indique la CNR. L'élu affirme que la "durée vie d’un barrage est de 75 à 100 ans". Il imagine un budget pouvant encore augmenter et difficilement amortissable sur la durée de vie de l'ouvrage. Par ailleurs, il évoque la difficulté à renouveler un barrage qui "ne se démonte pas comme des panneaux salaires."

Clément Pradier met en avant un "projet de rendement énergétique assez faible du point de vue du coût. On s'interroge si ce chiffre de 330 millions est actualisé au vu de l'inflation".

Le maire sera présent ce lundi soir pour exprimer sa position lors de la réunion de lancement du collectif. De son côté, la CNR, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions ce lundi, présentera la concertation préalable du projet lors d'une conférence de presse ce mercredi 29 novembre.

Pour rappel, la concertation publique doit démarrer début décembre 2023 pour une durée de trois mois. Le collectif souhaite ainsi s'"approprier le dossier" en "proposant des alternatives". "On a l’idée qu'avec cet argent public, on peut mener plein d’autres projets", souligne Clément Pradier. L'État prendra position pour la poursuite ou non du projet d'aménagement hydroélectrique courant 2024.

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