Voici sur l'épidémie, le regard croisé de quatre générations d'une même famille, quatre générations de femmes : l'arrière-grand-mère Jeanine, Martine, la grand-mère, la mère Marie-Céline, et ses deux filles Léane et Nina évoquent avec nous cette année si singulière
Comment ont-elles vécu la brutalité du confinement le 17 mars 2020, il y a tout juste un an? Comment traversent-elles, chacune à sa façon, la crise sanitaire ? Quels enseignements tirent-elles de cette année qui vient de s'écouler?
Nous sommes allés à la rencontre de la famille Salomon à Saint-Martin-d'Uriage en Isère. Quatre générations de femmes au sein d'une même famille, qui confient leurs doutes, leurs espoirs, et leurs sentiments sur cette année 2020 hors du commun.
Autour de la table ce 16 mars 2021, à l'heure du thé, les quatre générations sont réunies : l'arrière-grand-mère, Jeanine, 91 ans. Martine, la grand-mère, 70 ans. La mère, Marie-Céline, 44 ans et ses deux filles : Léane 17 ans et Nina, 14 ans.
Toutes ont réagi très différemment à l'annonce du confinement : Jeanine la doyenne a "très bien réagi, j'ai connu ça pendant la guerre, alors ça m'a pas changé" aux antipodes de sa fille Marie-Céline : "on avait jamais vécu ça, il y a eu un peu de peur, comment on va faire? Comment on va s'organiser?"
Martine, la grand-mère, s'est d'abord imaginée que ce ne serait qu'un sale moment à passer : "je crois qu'à ce moment-là j'ai pensé qu'on allait être confinées un mois, ou un peu plus, quelques semaines, puis que ce sale virus allait mourir de sa belle mort"...
Au fil des semaines, chacune a appris à vivre entre 4 murs. Marie-Céline, enseignante, a découvert le télétravail,Léane a poursuivi ses études à distance et Martine...: "Euh, je sais pas si je peux utiliser ce terme, mais j'ai beaucoup glandé, j'ai découvert le fauteuil, moi qui ne suis pas du tout habituée à ça, je crois que j'ai été un peu anesthésiée par tout ça".
Les jeunes étudiantes de la famille ont fait "autrement", Léane a ré-imaginé et reconstitué une bulle :"Je me souviens qu'avec certains de mes amis, on s'appellait tous les jours, tous les jours, on essayait de recréer une ambiance de journée de cours, une journée de classe, un travail de groupe etc, et je pense que c'est ça qui a fait qu'aucun de nous a décroché".
La palme de la productivité revient à Nina, qui a écrit son deuxième roman en quelques semaines "ça permettait de mieux vivre le confinement, on pouvait se dire, tiens aujourd'hui je vais à Budapest, alors qu'on ne peut pas le faire physiquement".
Comme de nombreux Français, la famille a aussi fait face à la maladie. Ce virus chinois, qui semblait si lointain, est brutalement devenu réalité lorsque Marie-Cécile et Jeanine ont été grièvement atteintes par le Covid.
Pour Jeanine, ce fut le trou noir : "Des débuts je me rappelle pas, j'étais dans le coma, j'me rappelle de rien des débuts et finalement...ben je m'en suis sortie"...
Les souvenirs assombrissent le regard de la mère de famille Marie-Cécile : "ça a été la panique dans le sens où on était toutes les deux malades en même temps, Mamman a 91 ans, il fallait s'en occuper et moi je ne pouvais pas".
L'épisode a marqué la famille : "C'est là que finalement je me suis rendue compte que ça changeait beaucoup d'habiter loin de ses grands-parents du coup, alors qu'avant c'était pas un souci, on allait les voir régulièrement, mais là du coup, on ne pouvait plus sortir" lâche avec une certaine gravité Nina.
Avec le recul elles ont toutes retenu des leçons différentes de cette épreuve, qui a tant bouleversé leur quotidien : Martine, la grand-mère a du mal à retrouver son ciel bleu, et se sent fatiguée : "J'ai un sentiment de lassitude, l'impression qu'on ne voit pas le bout du tunnel, l'impression d'être sous une cloche, une parenthèse qui est pas enchantée du tout".
Léane, du haut de ses 17 ans, a découvert un sentiment jusqu'alors étranger : "Maintenant, quand on se sent seule, on est encore plus seule, parce qu'on ne peut pas se prendre dans les bras, après, du point de vue positif ça apprend à se débrouiller, puis on a encore plus la gnaque".
Nina la benjamine confie: "Aujourd'hui on se parle beaucoup plus qu'avant le confinement même si avant on se parlait quand même mais globalement ça nous a beaucoup rapproché"
Et la suite? "Eh bien moi mon objectif , c'est d'arriver à 100 ans, et on fera une belle fête, et je vous inviterai."... conclut Jeanine, dans un grand éclat de rire collectif d'une famille joliment ré-unie.