Pris à la gorge par les factures de matières premières et d'électricité, un couple de boulangers avait tiré la sonnette d'alarme face à Olivier Veran sur France 3 Alpes fin février. Rien n'y a fait. Ce week-end, la boulangerie Metay au Touvet, en Isère, a déposé le bilan, dans la tristesse et la colère.
Au Touvet, une ville d'un peu plus de 3000 habitants au nord-est de Grenoble, la boulangerie Metay a baissé le rideau. Sur la porte, Maurice, le patron, explique en quelques lignes sur une affichette "avec beaucoup d'émotions et de regrets", les raisons de la fermeture définitive de son commerce.
"Cela fait maintenant deux ans que je suis dans une situation difficile, que je ne peux plus avoir de rémunération, et comme vous vous en doutez l'augmentation des matières premières, des charges de fonctionnement, le tout couronné par l'explosion du prix de l'électricité, n'a rien arrangé".
"Après plus de 25 ans auprès de vous, je suis très peiné aujourd'hui de devoir arrêter comme cela", regrette le boulanger.
"Un commerce comme le mien est devenu invendable"
Maurice Metay cherchait un repreneur depuis deux ans. Mais "avec les augmentations, le coût de l'énergie, ça a tué beaucoup de commerces comme moi et ça devient invendable aujourd'hui", dit-il.
"On avait déjà du mal à recruter des jeunes donc cela veut dire qu'il y a moins d'acheteurs. C'est beaucoup plus difficile à transmettre, sans compter l'augmentation des matières premières, le coût de l'énergie", explique-t-il.
Je suis dévasté, c'est triste de finir comme ça, mais je n'avais plus le choix
Maurice Metayboulanger, contraint au dépôt de bilan
Le coup de grâce est arrivé à la mi-mars avec une facture impossible à honorer : 5456,90 euros pour deux mois, "aides pour les TPE incluses", détaille Isabelle Guillot, sa compagne. "Sinon la facture aurait même été deux fois plus importante".
En janvier, les boulangers du Touvet avaient alerté la presse. Fin février, sur le plateau de France 3 Alpes, Isabelle Guillot avait interpellé Olivier Veran, le porte-parole du gouvernement, demandant un bouclier tarifaire.
"Le bouclier tarifaire concerne tous les commerces qui ont un compteur inférieur ou égal à 36 Kwh et nous nous sommes à 70 Kwh. Nous avons eu droit à des aides, l'aide de la région de 3000 euros et des aides fiscales, mais cela ne suffit pas", regrette-t-elle.
Des aides minimes face aux augmentations
"Ce sont des aides minimes quand vous avez plus de 400% d'augmentation sur une facture d'électricité. Il y a l'électricité mais il y a aussi les matières premières. Il aurait fallu augmenter nos prix par trois ou quatre. La baguette classique à 1 euro, il aurait fallu la mettre à 3 euros minimum, ce n'est pas possible", s'insurge-t-elle.
"Je suis dévasté, c'est triste de finir comme ça, mais je n'avais plus le choix", indique Maurice Metay, sous le choc. Il nettoie sans énergie son four, qu'il a dû éteindre définitivement.
"Ce four, je ne le rallumerai plus, ça me fait beaucoup d'émotions. J'ai du mal à dire ce que je ressens, il y a un peu de colère aussi. J'aurais préféré transmettre mon affaire avec le four encore allumé, passer la main à un jeune ou à un collègue".
Colère et tristesse après 26 ans d'activité
Isabelle Guillot s'est démené pour tenter de sauver le commerce. "Nous, on s'est battus pendant quasiment cinq mois, on ne nous a pas entendus. J'ai mis beaucoup d'implication et d'acharnement pour lancer ce cri d'alerte, pour dire que la fermeture était imminente. Ce sont 26 ans de travail, 26 ans d'acharnement, 26 ans que Maurice travaille jour et nuit, les jours fériés, les week-ends, tout le temps. Il s'est donné corps et âme pour son affaire et aujourd'hui les politiques ne nous écoutent pas. Je suis en colère et triste", dit-elle, les yeux embués.
"Je perds beaucoup. J'ai beaucoup investi, de par mon travail, physiquement et tout, pour finalement partir avec rien...", conclut le boulanger, qui espère quand même voir un jour son four être rallumé, "pour les gens du Touvet", grâce à un repreneur.