Une école primaire de l'Isère accueille le tournage d'un clip et d'un film visant à sensibiliser le public au harcèlement scolaire. Selon une enquête du ministère de l'Education nationale, 5% des élèves de primaire en seraient victimes, mais le sujet reste tabou.
A 11 ans, Anaïs a été victime de harcèlement scolaire dans son ancien établissement. Violences verbales et physiques à répétition de la part de camarades étaient son quotidien jusqu'à l'année dernière.
"Je me faisais insulter, taper à longueur de journée sans que j'en parle à un adulte parce qu'ils me menaçaient, donc je ne l'ai dit à personne. Je restais renfermée dans mon coin", raconte la fillette. "Je me sentais triste, je me sentais seule aussi. Même maintenant, je me sens seule. (...) Je vais à l'école, mais j'ai toujours peur que ça se reproduise."
Voyant Anaïs changer, se replier sur elle-même, son entourage a alerté les parents, démunis. "On ne sait pas comment réagir. Malheureusement, en France, il n'y a aucun accompagnement psychologique de ces enfants. L'Éducation nationale ne nous propose rien en tant que parents, ne nous écoute pas nous ni la souffrance de notre enfant. On nous dit de le changer d'école", regrette Nathalie Roux, la mère d'Anaïs, qui appelle à "libérer la parole" autour de ce fléau.
"La peur de l'abandon, des crises d'angoisse"
À l'approche de la Journée internationale contre le harcèlement scolaire, le 9 novembre, l'association cinématographique 1R2prod tourne un clip et un film à l'école de Sillans (Isère) pour sensibiliser le public. Anaïs fait partie des jeunes acteurs, dont la plupart ont été victimes de harcèlement.
La réalisatrice du film, qui doit sortir en mars 2025, a elle-même subi des violences à l'école de la part d’autres enfants. Elle pointe les effets du harcèlement, lourd de conséquences sur l’ensemble de la famille, même dans la vie d’adulte. "Je n'ai pas remis les pieds dans une école jusqu'à mes 24 ans. De 11 à 24 ans, ça fait un bon moment", souffle Jennifer Michel, présidente de 1R2prod.
On a toujours peur que ça tombe sur nous alors qu'on n'est plus à l'école et que ça devrait être fini, mais non.
Jennifer Michel, réalisatrice du film, victime de harcèlement dans son enfance
"La peur de l'abandon, des crises d'angoisse, le stress tout le temps quand on est dehors, les gens, la foule... On a toujours peur que ça tombe sur nous alors qu'on n'est plus à l'école et que ça devrait être fini, mais non. Le harcèlement détruit toute une vie", assure la jeune femme.
Malgré les campagnes de sensibilisation, le sujet reste tabou. Selon une enquête du ministère de l’Éducation nationale menée en 2023, 5 % des élèves du CE2 au CM2 subiraient du harcèlement, mais peu de données mettent en avant les conséquences de ce phénomène qui conduit parfois des enfants jusqu’au suicide.