Attentat contre "Charlie Hebdo", crise de l'édition... Le dessinateur de presse serait-il une espèce en voie de disparition ? Même des plumes de renom sont contraintes de publier leurs albums à compte d'auteur, ou de lancer des souscriptions. C'est le cas du dessinateur et illustrateur isérois Pierre Ballouhey.
"Au moins, je n'ai pas un éditeur sur le dos qui me tanne tous les jours au téléphone". Comme toujours depuis le début de sa carrière, "il y a quelques décennies", Pierre Ballouhey aborde cette nouvelle page de son aventure graphique avec humour. Celui-là même qui foisonne dans les milliers de dessins qu'il a réalisé pour des revues aussi variées que "The Guardian", "60 millions de consommateurs" ou "Siné Hebdo", ainsi que dans les illustrations qu'il a signées pour des éditeurs tels que Nathan, Milan ou le grenoblois Glénat.
64 pages et 80 dessins de "gougnafiers"
"Plus rapide : collez un post-it avec votre adresse sur le chèque", indique le message lancé par le dessinateur de Saint-Marcellin (Isère) sur les réseaux sociaux. 25 euros requis (dont 5 euros pour les frais de port), c'est la mise de départ pour recevoir l'album de 64 pages et de 80 dessins, qui répond au nom volontairement provocateur de "Gougnafiers !"
"Cet album pourchasse et dénonce les "Gougnafiers" de tout poil", explique volontiers "Ballou", comme l'appellent souvent ses copains dessinateurs de presse. Et il en compte beaucoup, lui qui est aussi président de France-Cartoons, l'association des dessinateurs de presse francophones.
Une souscription pour pouvoir publier
"Y a plus personne qui veut éditer du dessin de presse", explique-t-il. "Mis à part pour les cinq copains morts de Charlie (
Ajoutez à la crise de la presse papier, celle de l'édition et vous comprendrez pourquoi tous les spécialistes du dessin satirique en sont réduits à chercher des solutions alternatives pour publier leurs productions.
"Sempé, les bandes dessinées de Polar, c'est encore bien publié... Pour le reste..."
Pierre Ballouhey, président de l'association des dessinateurs de presse francophones
Alors, comme la plupart de ses collègues, Pierre Ballouhey s'est décidé à lancer sa souscription.
" J'ai trouvé un imprimeur local (la SEPEC de Péronnas dans l'Ain, NDLR), très compétitif. Moyennant une mise de fonds de moins de 4000 euros, il me suffira de vendre 200 à 300 exemplaires de mon album pour retomber sur mes pattes... Le reste sera vendu sur les festivals ou dans les salons de bandes dessinées, en direct et dans la convivialité ! " se plaît déjà à imaginer le dessinateur.
Un vœu qui sera exaucé dès le printemps prochain, chez lui, à l'Espace Saint-Laurent de Saint-Marcellin où une exposition de ses dessins permettra au public de découvrir également ce nouvel album plein de traits d'humeurs...et d'humour ; toujours !