Le rail sur la mauvaise voie en Auvergne. Trop vétustes, mal entretenues et même dangereuses, les petites lignes ferroviaires sont dans une situation critique selon un rapport confidentiel de SNCF Réseau.
L’état de santé d’une partie du réseau ferroviaire en Auvergne-Rhône-Alpes est préoccupant. C’est ce qui ressort d’un rapport interne de SNCF Réseau que nous avons pu nous procurer. Dans ce document intitulé « Diagnostic des lignes ferroviaires d’irrigation du territoire Auvergne-Rhône-Alpes », on apprend que plusieurs lignes sont menacées, à très court terme, de réduction de la vitesse de circulation des trains voire, dans un temps très proche, à la fin de leur exploitation.
On parle ici des lignes « 7 à 9 », c’est-à-dire celles à faible trafic. Sur le territoire auvergnat, le constat dressé est parfois accablant pour ne pas dire alarmant puisqu’elles représentent 62% du réseau.
[Les gares] constituent aujourd’hui des points de grande faiblesse pour la tenue de performance.
Par exemple, la ligne qui relie Saint-Etienne au Puy-en-Velay pourrait, faute d’investissements pour son entretien, être privée de toute exploitation ferroviaire en 2018. D’ici là, le temps de parcours devrait s’allonger car l’état du réseau nécessite de réduire la vitesse des trains. Ainsi il ne faudra plus 1h33 pour relier les deux villes-préfectures dans quelques mois mais peut-être 2h25.
Dans ce rapport confidentiel, il est précisé que « les lignes à traverses bois sont les plus fragiles. (…) Les travaux de voie réalisés dans le cadre du Plan Rail Auvergne ont permis de traiter la partie - ligne -, mais n’ont pas retenu les zones de gares. Celles-ci constituent aujourd’hui des points de grande faiblesse pour la tenue de performance ».
En Haute-Loire, la gare de Langeac est clairement menacée. Des travaux « urgents », dès 2017, sont à faire « sous peine de ne plus être en mesure de garantir l’exploitabilité » du site. Entre Issoire et Brioude, l’avenir s’écrit en pointillés. Le point faible de la ligne, c’est la gare de Brioude. « Les voies de gares doivent être modernisées, sous peine d’arrêt des circulation au plus tard en 2018 ».
Le document est clair sur ce point : « il n’existe que peu de lignes réellement immunes de ralentissements potentiels dans la durée y compris pour les lignes traitées par le premier plan rail ». D’Aurillac à Viescamp (Cantal), il n’y a pas eu de travaux dans le cadre de ce Plan Rail. Sans intervention future, le rapport prévoit une limitation de vitesse à 50 km/h pour une vitesse de ligne à 100 km/h à l’horizon 2022.
L'état du rail dans les 7 tunnels situés entre Aurillac et Le Lioran (…) est à traiter rapidement, voire en urgence dans le tunnel du Lioran.
Entre Aurillac et Clermont-Ferrand, le rapport évoque l’état « critique » concernant la traversée des gares de Vic-sur-Cère, du Lioran, de Murat, Neussargues et Massiac. Par ailleurs, on apprend que « l’état du rail dans les 7 tunnels situés entre Aurillac et Le Lioran (…) est à traiter rapidement, voire en urgence dans le tunnel du Lioran ».
Photos à l’appui, le document évoque aussi « des problématiques d’usure du rail sur plusieurs lignes (Clermont-Aurillac, Clermont-Volvic, Lapeyrouse-Gannat…) ». Entre Durtol et Volvic, « l’avenir du tronçon n’est pas assuré sans une réelle modernisation de la voie ». Un ralentissement à 40 km/h (pour une ligne à 70 km/h) sera mis en place en 2017. Ici, l’usure des traverses pose problème, si elles ne sont pas remplacées à l’horizon 2021, il faudra alors « prévoir un arrêt de circulation vers 2022 ».
...des problématiques d’usure du rail sur plusieurs lignes (Clermont-Aurillac, Clermont-Volvic, Lapeyrouse-Gannat…)
Enfin, on peut s’interroger sur l’intérêt qu’aurait SNCF Réseau à investir dans l’entretien de certaines des lignes citées dans le rapport. « Si le mode ferroviaire était le mode de transport privilégié à l’origine de la construction des lignes, ce n’est plus une réalité actuelle : la plupart des territoires bénéficient d’une offre de mobilité diversifiée et multimode », peut-on ainsi lire dans les conclusions du diagnostic qui n’hésitent pas, d’ailleurs, à mettre en parallèle les temps de parcours par routes par rails. Il n’est pas rare, alors, de constater que, sur certains axes, la voiture achemine le voyageur plus rapidement.
Le rapport fait une « estimation sommaire des investissements » nécessaires pour prolonger la durée de vie des 22 lignes concernées sur l’ensemble du territoire auvergnat et rhônalpin. On parle ici d’un besoin de « 765 millions d’euros pour la décennie soit plus de 200 millions d’euros que l’effort constaté sur la décennie précédente ». Entre 2005 et 2015, l’investissement sur fonds propres de SNCF Réseau pour couvrir les besoins de renouvellement des lignes 7 à 9 s’élevait à… 150 millions d’euros.