Reconstruction à plat, l'alternative à la prothèse après l'ablation d'un ou de deux seins reste méconnue. C'est pourtant un choix médical et esthétique. Le collectif "les extraplates" se mobilisent à l'occasion d'Octobre rose pour faire connaitre cette possibilité.
Il y a de la musique chez Peggy, une bande son dynamique et rythmée. Une lumière discrète filtre à travers les rideaux. Une ambiance propice à la libération des gestes, du corps, des émotions.
La séance photo thérapeutique proposée par Carine Vincent, du collectif les Extra-plates, aide à faire tomber les barrières...celles qui se sont élevées à force d'examens, de soins, de palpations, d'opérations, après un cancer du sein.
Peggy fait partie de ces femmes qui ont fait le choix de la "reconstruction à plat". Une démarche qui reste méconnue mais choisie et assumée par certaines patientes après l'ablation d'un ou deux seins.
Se reconstruire après un cancer du sein et une double mastectomie ne passe pas forcément par redessiner le galbe d’un sein. La reconstruction à plat consiste principalement en une amélioration de l'aspect du thorax sans forcément une reconstruction mammaire.
Il est possible d'embellir la cicatrice d'une mastectomie, d'améliorer un aspect 'cabossé'.
Ce n’est pas parce que une femme n’a plus de poitrine qu’elle n’est pas féminine.
Nathalie Desormeaux, Photographe
Nathalie Desormeaux photographie Peggy, d'une voix douce et calme elle lui donne des indications.
Peggy a subi une double mastectomie, il y a 3 ans, après un diagnostic de cancer du sein. Face à l'objectif, elle révèle son "nouveau corps". "Ce n’est pas parce qu'une femme n’a plus de poitrine, qu’elle n’est pas féminine. Au contraire. Ce n’est pas qu'un physique, être féminine, c’est dans une attitude, une manière d’être, la manière de parler aussi. Donc l’objectif c'est de faire sortir cela, la féminité et la force de la femme aussi".
Découvrir son corps pour le redécouvrir
Réaffirmer sa féminité, se réconcilier avec un corps blessé, meurtri, la séance de photo thérapeutique possède bien des vertus. Peu à peu, Peggy enlève un vêtement, puis deux, elle ondule en mesure avec la musique.
A l'issue d'une séquence, Peggy décrit son état d'esprit. "Totalement vidée mais heureuse..." les yeux embués de larmes, avec émotion, elle poursuit, " ...d’avoir permis, peut-être de libérer quelque chose, mais d’avoir aussi l'idée qu'il y a beaucoup de femmes sur ce chemin."
Carine Vincent est à l'origine de cette séance photo, elle accompagne Peggy, la rassure. Cette ligérienne est passée par là, elle s'engage pour une plus grande connaissance de cette reconstruction.
Elle aussi a choisit l'ablation des 2 seins lorsqu'elle a appris sa tumeur. Carine a déjà perdu sa sœur du même cancer. Sa mastectomie de prévention, elle l'impose presqu'à sa chirurgienne. Lors du processus de reconstruction mammaire, de lourdes complications se produisent.
Elle décide de devenir extra-plate, malgré les réticences des ces chirurgiens.
Extra-plate, une possibilité en plus
Elle se souvient des explications de son médecin, radicale, elle lui demande de tout enlever. "Donc là, à ce moment-là, je me dis que je veux enlever ces prothèses. Je ne parle même pas de reconstruction, "vous m’enlevez tout!", c’était ça la logique. "
Face à l'incompréhension du milieu médical, Carine trouve des témoignages sur les réseaux sociaux, notamment au Canada. Outre-Atlantique, plusieurs femmes postent des photos de leur reconstruction à plat avec fini esthétique.
L'une d'entre elle, Linda montrait ses excédents de peau, stigmates d'une reconstruction ratée. Par ordinateur, elle témoigne, "c'est un acte commis sur mon corps, sans mon consentement. Je n’étais même pas consciente de ce qu’il se passait et pourtant je souhaitais une reconstruction à plat, pas pour laisser la peau dans le but de refaire une reconstruction."
Un collectif porte haut le combat de la reconstruction à plat
Pour éviter à d'autres la souffrance de Linda, Carine médiatise la possibilité d'être reconstruite à plat. A son tour, elle a osé dévoiler ses cicatrices.
"J'ai pris conscience à quoi pourrait ressembler mon corps, explique-t-elle. Elle précise, "c'est une image que je n’ai jamais vu, à aucun moment dans mon parcours. Pourtant, j’ai vu des reconstructions avec volumes, des différentes techniques, mais celles-ci je ne les vois pas."
"Je renvoie un mail à la chirurgienne en disant," OK, je veux le faire, par contre, je vous demande de faire le maximum pour arriver à ce résultat là!" je voulais un résultat plat."
Sur la toile, les extra-plates sortent de l'ombre. Carine Vincent fait partie d'un groupe de travail sur la reconstruction mammaire au sein de la Haute Autorité de santé. Les espoirs sont immenses, elles ambitionne de faire connaitre la reconstruction à plat pour faire évoluer les pratiques chirurgicales.
Pour se faire, elle passe, comme les canadiennes, par la photographie.
Elle feuillète des articles où elle apparait le buste dénudé. "Cette photo, elle est faite dans la douceur, dans l’apaisement, dans l’espoir. J’en avais aussi besoin pour moi mais on peut aussi la voir comme une mission. C'est dans l’ordre des choses, partager ce que l’on m'a donné."
"Je souhaite que les femmes soient respectés et les respecter c’est aussi leur donner les moyens d’être accompagnées pour entendre leurs petites voix à elles d’abord."
Carine se donne pour but que des documents écrits soient distribués aux femmes atteintes d'un cancer afin que la reconstruction à plat soit présentée comme une alternative, au même titre que les autres reconstructions.