A Aubenas, un parcours artistique met à l'honneur des femmes atteintes du cancer du sein. Résultat d’une année de travail entre les patientes et les artistes, peintre, photographe et même vidéaste, il permet aux femmes atteintes de sortir de l’isolement.
« Je t’ai vue comme une guerrière, avec ce vinyle qui forme un casque, oui une sacrée guerrière », raconte la photographe Justine Collomb en dévoilant son cliché à son modèle : Virginie, cheveux très courts, silhouette élancée et tête haute. Opérée du cancer du sein en 2019, elle a participé à cette expérience photographique proposée par l’hôpital d’Aubenas. « Chaque fois que je regarde cette image, c’est une émotion de dingue… », murmure-t-elle, les yeux brillants.
Libérer la parole
Comme elle, une vingtaine de femmes se sont dévoilées, mises à nues pour ce projet artistique, qu’elles soient patientes ou ex-patientes, soignantes ou accompagnantes.“ Morcellement recomposer Ariane” est désormais visible dans les rues, place du château, ainsi qu’au temple d’Aubenas et à l’agora paysagère. Une trentaine d’œuvres dont l’exposition qui permet à ces femmes de sortir du silence.
Pour moi, la communication, ça a été hyper important, de parler à tout le monde de ce cancer, ça a été une libération. C’est un projet qui amène de la douceur dans la dureté, de la beauté là où cela peut être moche, et cela permet d’apprivoiser son nouveau corps, de l’aimer même
témoigne Virginie.
« L’idée c’était de se rendre visible et d’y prendre plaisir », raconte la photographe qui l’a immortalisée. « Et de se rendre belle-visible, mais il ne fallait pas non plus nier la maladie, les fissures, les cassures, le morcellement, le pesant… », ajoute-t-elle. L’idée, c’est Julie Audigier qui l’a eue. Médecin radiologue à l’hôpital d’Aubenas. « Le but, c’était de rompre l’isolement de ceux qui éprouvent la maladie, que l’on soit patiente, accompagnant ou soignant. Il faut rendre visible à l’extérieur les problématiques de ceux qui vivent la maladie », explique la jeune femme. Elle regrette que les épreuves et les stigmates laissés par la maladie soient aujourd’hui encore peu abordés dans la société. « C’est déjà compliqué pour les patientes de se réapproprier une image de soi, alors en parler à l’extérieur, c’est une autre étape ». Elle a donc imaginé ce projet, réuni artistes et patients. Pendant un an, à travers des ateliers, les femmes ont pu rencontrer et travailler avec une peintre, des photographes, mais aussi avec un vidéaste et un écrivain. Un film de 52 minutes a été réalisé, ainsi qu’un livre. Multiplier les supports pour multiplier l’écoute. Car le cancer ne s’oublie pas. Jamais.
Passer à l’après
Et passer à la suite peut être une étape très délicate pour ces femmes selon la radiologue. Séverine a lutté contre la maladie pendant deux ans. Deux ans de chimiothérapie. Au moment où elle allait passer « à l’après », comme elle le dit, à la reconstruction de soi, elle a eu envie de participer au projet. « Même si on passe à autre chose, on garde l’épreuve et le traumatisme au fond de soi ». Cette expérience lui a permis de se projeter dans l’avenir et d’apprendre à reprendre confiance en elle.
J’ai le corps morcelé, j’ai des cicatrices, des traces de ces épreuves et je les assume, je ne les cache pas. Cette histoire fait partie de moi
Séverine
« L’art permet de sublimer tout ça », assure Julie Audigier. Sublimer les épreuves, sublimer les blessures. « Ca a été une audace pour certaines de participer à ce projet, ce n’est pas rien de se dévoiler, psychologiquement et physiquement ». Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme, en France, il touche une femme sur neuf.