Rémy Jourdain a appris en 2022 qu'il était atteint d'un cancer du sein, pourtant rarissime chez les hommes. Pour sensibiliser sur cette question, il a accepté de se faire prendre en photo dans un calendrier mettant en avant d'autres personnes souffrant de cette pathologie.
1%. C'est la proportion de cancers du sein qui affectent les hommes, d'après l'Institut National du Cancer. Si ce pourcentage est minime, il indique quelque chose d'important : les hommes aussi peuvent avoir un cancer du sein.
C'est le cas de Rémy Jourdain, 43 ans, originaire d'Avion dans le Pas-de-Calais. En 2022, après une blessure a priori anecdotique alors qu'il jouait au basket, il apprend que son sein droit est affecté par un cancer. Premier surpris à l'époque de pouvoir en souffrir, il a décidé de ne pas faire de cette pathologie un tabou.
En partenariat avec le club photo de Maubeuge, il est donc passé derrière l'objectif pour dévoiler sans pudeur, mais en toute intimité, les stigmates que lui a laissés ce cancer. Il a accepté de nous livrer son témoignage, balayant les préconçus machistes et appelant la gent masculine à se responsabiliser.
Comment avez-vous appris que vous aviez un cancer du sein ?
Rémy Jourdain : "En 2022, j'ai repris le basket. Suite à un choc pendant un match, j'ai pris un coup au niveau du pectoral, sans y prêter trop attention. Quelque temps plus tard, je me suis également blessé au travail, et j'ai été obligé de voir un médecin. Lors du rendez-vous, je souligne que depuis mon choc lors du match de basket, j'ai une boule au niveau du pectoral droit. Il m'a donc prescrit une échographie pour vérifier et confirmer.
Lorsque j'ai réalisé les examens, l'opératrice avait un grand sourire et tentait de rassurer : « ne vous inquiétez pas Mr Jourdain, ça peut arriver une poussée sur la glande mammaire chez l'homme, pas d'inquiétude ». Je commence l'examen, et tout de suite son sourire s'efface, les résultats sont positifs. Dans la foulée, j'ai un rendez-vous avec la chirurgienne qui me décrit le résultat aussi humainement que possible et de manière très bienveillante : j'ai un cancer du sein.
Heureusement, ma compagne était là, car c'était le début d'un trou noir.
Rémy Jourdain
Heureusement, ma compagne était là, car c'était le début d'un trou noir. J'étais déconnecté complet. C'est une grosse annonce. C'est très rare chez l'homme et c'est majoritairement décelé au-delà de 60 ans. Je suis donc passé par la case opération, j'ai eu une ablation complète côté droit. Puis de la chimiothérapie, de la radiothérapie et maintenant sous hormonothérapie.
Aujourd'hui, j'ai récupéré une activité physique, je rejoue quasi pleinement au basket, mais je suis handicapé par l'hormonothérapie : grosse fatigue, problèmes musculaires, perte de libido... que des choses pas très cool."
Pourquoi avoir décidé de vous faire prendre en photo ?
Rémy Jourdain : "Les premières fois qu'on se voit dans le miroir ça fait bizarre, il y a une cicatrice de 20 à 30 cm. Mais derrière la cicatrice il y a l'homme ou la femme que l'on aime. Par rapport au regard des autres, je n'ai pas de problème, je vais à la piscine et à la mer.
Durant mon parcours de soins, il y avait octobre rose pour les femmes, movember pour les hommes. Mais quand on parle d'octobre rose, on ne parle pas de l'homme, on n'esquisse même pas qu'il peut être concerné également. Dans toutes les salles d'attente tout est rose, on retrouve toutes les aides dont peut avoir besoin une femme, tout ce qui peut l'aider à continuer de se sentir femme : prothèse mammaire, perruque... mais a aucun moment, on ne parle de l'homme, alors que j'ai perdu mes cheveux, ma barbe, mes cils.
Comme ma compagne est photographe professionnelle, j'ai dans un premier temps insisté pour qu'on fasse quelque chose ensemble pour être exposé lors d'un événement octobre rose. C'était important pour moi de montrer que j'étais fier, et que toute victoire doit se fêter.
Si on ne choque pas un petit peu, on ne sensibilise pas, c'est comme une pub pour la sécurité routière.
Remy Jourdain
Ensuite, par le biais de Facebook, j'ai appris que le photo club de Maubeuge voulait réaliser un calendrier mettant en avant des femmes et des hommes ayant eu un cancer du sein. C'est Caroline, membre du club et elle-même porteuse d'un cancer du sein qui s'est chargée des photos. Ça s'est passé le plus simplement du monde. Je suis très content du résultat, j'apparais au mois de novembre du calendrier. Sur ce genre de projet, si on ne choque pas un petit peu, on ne sensibilise pas, c'est comme une pub pour la sécurité routière."
Que souhaitez-vous dire aux hommes sur cette maladie ?
Rémy Jourdain : "Comme j'aime le dire, « les hommes ne se pelotent pas ». En me blessant, j'ai eu de la chance, car j'étais à la limite d'un cancer de grade 3. Certains ont peut-être ce côté un peu macho en se disant que ça va passer, mais heureusement que j'en ai parlé. Ce côté masculin, c'est juste un état d'esprit, il n'y a pas de questions bêtes, il y a que celui qui ne les pose pas qui est « con ».
Dans un témoignage sur mes réseaux sociaux, j'ai écrit : « Derrière cette cicatrice, cette mutilation, c'est bien la personne que vous aimez et cette personne a besoin de vous comme jamais, elle a besoin que vous puissiez la rassurer, la réconforter, la motiver, elle a besoin d'un pilier, car le combat que nous vivons à cet instant précis remet tout en cause dans notre existence. Mesdames, vous avez toutes ma reconnaissance et respects dans cette épreuve qui nous marque au plus profond de notre chair.
Mesdames, Messieurs, pensez à peloter, non à palper votre conjoint, conjointe, car c'est pour le bien de la personne que l'on aime.
Rémy Jourdain
Le dépistage est un point de départ, mais pas que, car au-delà de tout, les codes du machisme et de l'ego doivent être cassés sur ce point. Dès lors que nous savons que l'homme peut être touché par ce cancer, que ce dernier peut être très agressif, alors nous devons tout comme la femme nous responsabiliser sur l'enjeu que cela représente. Pour finir je dirai que c'est juste le même combat, alors Mesdames, Messieurs, pensez à peloter, non à palper votre conjoint, conjointe, car c'est pour le bien de la personne que l'on aime. »
Le cancer du sein est une épreuve, un combat qui vous prend tout, qui vous prend votre vie familiale, votre travail. Qui vous prend le financier, qui vous épuise dans tous les coins. Je vis presque normalement aujourd'hui. Hormis cette hormonothérapie qui impacte mon quotidien, je vais très bien."