On ne le sait pas toujours, quand le cancer du sein décime la chevelure des femmes, des salons de coiffures s'organisent pour récolter des cheveux. Dans le cadre d'Octobre rose, les dons affluent chez Sophie Fay, coiffeuse à Lille.
Cliquetis de ciseaux, en ce mois d'octobre, les longues tignasses ont défilé au salon de coiffure de Sophie, rue de l'Hôpital militaire, à Lille. "C'est tout le temps qu'on peut donner ses cheveux et pas seulement ce mois-ci", affirme Sophie Fay, coiffeuse.
Plus de 50 centimètres donnés
Hélène Périssin-Pirasset, grande blonde d'1,80 m souhaitait changer de look. Depuis plus de 30 ans, elle arborait une longue chevelure blonde cendrée qui lui arrivait jusqu'au bassin, et un jour, il y a trois semaines, elle décide de couper radicalement court. On lui a taillé 50 centimètres. "J'ai une amie qui a donné ses cheveux pour qu'ils soient réutilisés comme perruque pour les femmes qui connaissent des chutes après chimiothérapie. Octobre rose approchait, je me suis chauffée", raconte-t-elle, emmitouflée d'une écharpe rose flashy.
La jeune femme s'est rendue dans différents salons de coiffures avant de trouver un lieu qui accepte ce genre de dons. Plusieurs lieux visités dans le centre-ville et rien. Hélène cherche "dons de cheveux à Lille". En premier résultat : le site de l'association Fake hair don't care, structure qui collecte des dons de cheveux pour des personnes atteintes du cancer. Le site l'a géolocalisé et propose cinq salons dans la métropole lilloise. Un seul se trouve dans la capitale des Flandres. Il s'agit du commerce de Sophie. Les deux femmes sympathisent lors d'un premier rendez-vous. Hélène se sent à l'aise auprès de la coiffeuse lorsqu'elle échange sur sa démarche. Elle décide de confier sa chevelure à la coiffeuse.
"Ça faisait chaud au cœur de donner mes cheveux"
La collecte de cheveux, Sophie, ça la connaît. Depuis trois ans, elle reçoit des dons de cheveux pour l'association Fakehair don't care. "Dix ou cinquante centimètres, qu'importe la longueur, pour les perruques, le plus important, c'est que le cheveu soit en bonne santé. On essaye d'éviter lorsqu"il est éméché, trop sec, coloré ou encore décoloré." Sur sa balance, le colis du mois dernier affiche 2 951 grammes de cheveux. "Cela représente une dizaine de têtes", ajoute la coiffeuse.
"Ça avait du sens et me faisait chaud au cœur de donner mes cheveux", explique Hélène Périssin-Pirasset. Un jeudi matin, la cliente vient rendre visite, sourire aux lèvres, à sa coiffeuse. Face au miroir, elle lui confie être heureuse de son carré mi-long, sa nouvelle coupe. Elle poursuit en confiant être "fière d'avoir fait une bonne action."
Sophie Fay balaye de la main la chevelure d'Hélène. Elle lui remémore son mode opératoire le jour où elle lui a coupé les cheveux. Élastiques roses au bout des doigts, elle forme plusieurs mèches. La longueur sélectionnait, la coiffeuse avait coupé d'un coup de tondeuse ta toison blonde. Une fois, de belles mèches récoltées, la coiffeuse est passée à la mission du brushing.
Le but de Sophie : "réaliser une coupe avec laquelle la cliente se sent à l'aise et qui reste tendance." Aujourd'hui, Hélène est ravie de son nouveau visage. Au salon de coiffure, elle ne manque pas une seconde de témoigner sur son don avec les autres clientes.
"Ma meilleure amie a eu un cancer du poumon. Pendant sa chimiothérapie, je l'ai vue tout faire pour garder ses cheveux. Pour moi, c'est comme une évidence de collecter ce genre de dons. Derrière chaque don se cache une histoire", retrace Sophie, la coiffeuse. Elle sort de son tiroir un livre d'or. Dans celui-ci, on peut lire une petite fille de six ans aux cheveux longs qui témoigne "je suis allé chez la coiffeuse pour ma mamie malade" ou encore "toute femme mérite d'avoir de jolis cheveux quelle que soit la pathologie."
"Elle a su me rendre belle malgré ma maladie"
S'il en est une pour qui ces mots résonnent, c'est bien Margaux, 33 ans. Il y a deux ans, on lui diagnostiquait d'un cancer du sein. "Lorsque j'ai su que j'étais atteinte d'un cancer, ça a été un choc psychologique, car dès mes premières sessions de chimiothérapie, j'ai vu mes cheveux tomber."
J'ai coupé mes cheveux longs pour qu'ils servent à quelqu'un avant de ne plus en avoir.
Margaux, atteinte du cancer du sein
La jeune femme, une semaine avant son traitement, s'était rendue au salon de Sophie Fay. "J'ai coupé mes cheveux longs pour qu'ils servent à quelqu'un avant de ne plus en avoir." En quelques semaines, son apparence change. Margaux se souvient de sa perte de cheveux comme un moment très "douloureux".
Heureusement, Sophie Fay, la coiffeuse, était là pour elle. "Lorsque je lui ai demandé de tout raser, elle m'a trouvé un espace sans miroir, à l'abri des regards. Elle a su me rendre belle malgré ma maladie", explique-t-elle.
Les dons de l'association Fake hair don't care à laquelle Sophie Fay verse ses dons, "une action considérable" pour Margaux. "Pendant les traitements, je ne voulais pas être vue par une personne malade. Durant deux mois, j'ai opté pour la perruque. Je ne m'en suis pas procurée une avec des vrais cheveux, car c'était trop cher", raconte-t-elle. Aujourd'hui, la jeune femme se rend une fois par mois au salon de coiffure de Sophie Fay. Elle évoque volontiers le souvenir de son don de cheveux.