La prise en charge du cancer du sein est en bonne voie pour être très largement améliorée. À Lille, les médecins du centre Oscar Lambret et les ingénieurs de Centrale Lille travaillent à la conception d’un patch qui permettra de connaître l’avancée de la pathologie et de monitorer son traitement.
La docteure Nawale Hajjaji, médecin oncologue spécialisée dans les cancers du sein, revient sur les travaux de recherche qu’elle mène au centre Oscar Lambret, en partenariat avec Centrale Lille et le laboratoire Inserm PRISM de Villeneuve-d’Ascq. Le projet : créer un capteur intelligent pour aider à adapter les traitements des personnes souffrant d’un cancer du sein avancé.
En quoi consiste le projet Sweatpatch ?
"Nous développons un patch pour mieux suivre l'efficacité des traitements du cancer du sein. Il s’agit d’un capteur miniaturisé, un véritable nano-laboratoire. Posé sur la peau d’une patiente, du côté du sein malade, ce patch permettra de connaître l’avancée de la maladie et de voir si le traitement fonctionne ou non. C’est une nouvelle vision de ce que peut être la gestion du cancer du sein à l’avenir – on pourrait aussi l’utiliser dans le futur pour d’autres pathologies."
Pourquoi ce capteur est particulièrement intéressant pour la prise en charge du cancer du sein ?
"Le projet est né d’une problématique qu’on a en tant que médecin quand on gère des patientes qui ont un cancer du sein en voie avancée, sous traitements – comme de la chimiothérapie, des thérapies ciblées ou de l'immunothérapie. En pratique, on ne peut jamais être certain que ces traitements vont être efficaces ni de leur durée d’efficacité quand on les administre à une patiente.
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Alors pour savoir où en est la maladie, si le traitement est efficace et s’il faut en changer, on doit faire des imageries régulières – tous les trois mois environ. Or, ces imageries nécessitent d’injecter des produits de contraste. Il peut s’agir de scanners, d’IRM… Voire même de TEP-scanner : donc un examen où au lieu d’injecter de l’iode, on injecte du sucre radioactif. Ce sont des examens lourds, dont certains irradient et qui sont angoissants pour les patients. En plus d’être coûteux.
L’intérêt c’est aussi de ne pas continuer un traitement qui a des effets secondaires s’il n’est pas utile. Avec ce dispositif, on voudrait personnaliser la prise en charge des patients.
Nawale Hajjajimédecin oncologue spécialisée dans les cancers du sein
Les patchs permettront de connaître l’avancée de la maladie sous traitement. Ainsi, non seulement les médecins pourront être plus réactifs dans le cas où il faudrait le changer mais en plus, on pourra réduire considérablement les imageries. L’intérêt c’est aussi de ne pas continuer un traitement qui a des effets secondaires s’il n’est pas utile. Avec ce dispositif, on voudrait personnaliser la prise en charge des patients : leur permettre aussi de faire moins d’allers-retours entre le domicile et l’hôpital, que ce soit le plus simple possible pour eux et adapté médicalement.
Il s’agit d’un appareil simple, sécurisé – puisqu’il n’y a pas de batterie, donc pas de risque de brûlure –, sans fil, autonome et qui ne générera aucune radioactivité."
Comment fonctionne ce patch ?
"Dans un avenir pas trop lointain, le patient aurait ce patch sur lui pendant le traitement, comme une sorte de montre connectée.
Le patch enverrait des signaux aux équipes médicales en disant : “Là, il se passe quelque chose, ça serait le moment de faire un examen.” Ce nano-laboratoire embarque des technologies de pointe pour analyser la sueur des patientes et spécifiquement un biomarqueur de la maladie : les composés organiques volatiles (COV). Il s’agit de molécules odorantes : puisque chaque organisme a ses propres odeurs, la maladie aussi a son odeur.
Ce patch pourra ainsi analyser ce marqueur directement sur la peau et le suivre au cours du temps. Il va aussi être doté d’une intelligence artificielle, pour envoyer des alertes au bon moment aux équipes médicales."
Quand les patients peuvent-ils espérer bénéficier de ce patch ?
"Pour le moment, notre prototype est en cours de construction. On espère commencer les tests sur un petit échantillon de patients dans un an. La première échéance sera donc dans quatre ans : il faudra qu’un prototype soit prêt. Quatre ou cinq ans plus tard, le prototype devra être validé, avec des tests à plus grande échelle. Donc on peut tabler sur une mise en place du dispositif dans huit à dix ans.
Ce nano-laboratoire embarque des technologies de pointe pour analyser la sueur des patient·es et spécifiquement un biomarqueur de la maladie : les composés organiques volatiles.
Nawale Hajjajimédecin oncologue spécialisée dans les cancers du sein
Malheureusement, la recherche prend du temps en médecine. En l'occurrence, il y a, entre autres, des allers-retours et des échanges très réguliers entre le côté santé, à Oscar Lambret et au laboratoire de l’INSERM, et le côté technique, à Centrale Lille, qui coordonne le projet, pour que tout ça soit en phase. Et on travaille aussi avec onze partenaires, répartis sur cinq pays dans l’Union Européenne et au Royaume-Uni.
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Ce projet est très prometteur : ça pourrait devenir une méthode révolutionnaire pour suivre les patients et rendre le suivi des traitements beaucoup moins lourds, tout en allégeant le système de santé."