Faire revivre une station-service, abandonnée depuis 40 ans, au bord de la Nationale 7, c'est le projet engagé par une association de passionnés de véhicules anciens dans la Loire. L'engouement autour de la "Ren'essence de ce patrimoine routier français" dépasse même les frontières du département.
Désormais, il y a les voies rapides et les autoroutes. Et pour les vacanciers pressés, la Nationale n'est pas le forcément le premier choix d'itinéraire. Résultat : certaines portions n'existent plus sur les cartes routières. Relais routiers et stations-services ont parfois totalement disparu du paysage. Exemple dans la petite ville du Coteau, près de Roanne dans la Loire. "Il y avait neuf stations autour de la commune qui compte environ 10.000 habitants, elles ont toutes disparu". Sauf qu'ici, une association de passionnés a décidé de redonner vie à "un établissement remarquable du patrimoine routier français". Son projet : restaurer à l'identique une station-service pour en faire un lieu d'exposition et de rencontre "pour tous les passionnés et nostalgiques de la Nationale 7".
"Un projet de dingues"
Ce sont les mots de Jean-Michel Buchet. Le président de l'association "Cars, utilitaires et compagnie", est en train de finaliser une convention avec la Communauté d'agglomération de Roanne et la municipalité du Coteau pour restaurer la station-service. Il y a deux ans environ, "deux de nos membres ont lancé l'idée pour en faire le siège social de l'association". Et tout le monde a foncé tête baissée.
Quarante ans que la station n'est plus exploitée. Quarante ans de squat... Imaginez ce que l'on a retrouvé sur place et à l'intérieur...
Mais pas de quoi décourager le groupe de passionnés, même si en arrivant, "c'était la forêt vierge". Il a d'abord fallu déblayer des m3 de bois. Avec pelleteuse et débroussailleuse. Ne serait-ce que pour poser le regard sur ce qu'il reste de l'enceinte de la station-service. Seule la flèche portant à l'époque l'enseigne Total, "le totem" comme l'appelle Jean-Michel Buchet, dépassait de la végétation. Tout le monde donne le coup de main. Maintenant, "on est train de dépolluer le site et de faire apparaitre les pistes routières". Le patrimoine se dévoile.
Un peu d'histoire
Jean-Michel Buchet ne se souvient pas y avoir mis les pieds quand il était gamin, ni même d'y avoir fait le plein. La station-service du Coteau a été bâtie en 1956, en bordure de la Nationale 7. Elle est d'abord exploitée sous la marque Ozo jusqu'en 68, puis rachetée par Total. L'exploitation commerciale cesse en 1981. "On a retrouvé la dernière habitante, la fille de la dernière gérante", annonce Jean-Michel Buchet. Habitante ? Il confirme immédiatement : la station-service abritait une partie bureau, mais aussi un appartement pour les gérants. "C'était petit, mais c'est là où elle a grandi", lui a confié la fille de la dernière exploitante du lieu.
1981 : la station ferme ses portes. Ayant le projet de transformer cette portion de la N7 en deux fois deux voies, le Département de la Loire rachète le terrain et le bâtiment. Mais le projet routier est mort-né avec le contournement de Roanne. Il est ensuite repris par la Communauté d'agglomération du Roannais qui envisage d'y installer une zone artisanale. Mais finalement, l'association "Cars, utilitaires et compagnie" a convaincu tout le monde avec son projet "Ren'essence".
La station est mise à notre disposition. Charge à nous de la restaurer pour en faire un lieu d'expositions temporaires et de rencontre pour tous les passionnés de la Nationale 7.
Le projet de restauration à l'identique créé l'engouement
Une page Facebook est créée. En l'espace de quinze jours, elle compte un millier de membres, dont la fille de la dernière gérante. "C'est là qu'elle s'est faite connaitre", raconte Jean-Michel Buchet qui l'a rencontrée ce jeudi 28 juillet 2021. Heureux hasard : elle vivait à Cannes, mais est revenue dans le coin il y a deux ans. Enthousiasmée par le projet de restauration, elle cherche dans ses archives personnelles, a déjà posté une photo d'époque de la station-service. D'autres ont déjà redessiné l'établissement, habillant son architecture avec les équipements d'époque.
Trouver les pompes à essence ? C'est fait ! "En huit jours, des particuliers nous en ont offert trois. L'une est dans le secteur de Montélimar, les deux autres du côté du lac des Sapins dans le Rhône", annonce fièrement Jean-Michel Buchet.
Je suis étonné de la mobilisation. J'étais à mille lieues de penser que notre projet suscite un tel engouement. À nous de ne pas faire retomber le soufflé.
Il faut dire que le projet n'est pas banal. "Il y a son équivalent sur la Nationale 6 au nord de Beaune, et une autre station sur la N10", estime Jean-Michel Buchet qui pense déjà à la suite des travaux, et surtout "à trouver le nerf de la guerre". Des contacts ont déjà été établis. La Fondation du patrimoine pourrait ouvrir une cagnotte en ligne et lui accorder une subvention. La Fédération française des véhicules d'époque pourrait également y apposer son sceau d'établissement remarquable du patrimoine routier français. Et pourquoi pas la Fondation Total ? Jean-Michel Buchet y a également déjà pensé.
En attendant, la station-service du Coteau, située quasiment à mi-parcours de la Nationale 7, attire déjà bien du monde. Nombre de passionnés et de nostalgiques viennent à nouveau y garer leur vieux modèle, le temps d'une pause photo. En attendant le vrai retour à la vie.