"Citoyen exfiltré de la justice" : la cour criminelle ne fait pas l'unanimité à Saint-Etienne

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Une première affaire jugée par la cour criminelle départementale à Saint-Etienne. ©FTV

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, des auteurs de crime puni de 15 à 20 ans de prison sont désormais jugés par une cour sans jury populaire, car exclusivement composée de magistrats. À Saint-Etienne, de gros doutes se font jour dans les couloirs du palais.

La cour criminelle départementale siège pour la première fois dans la grande salle des Assises du tribunal de Saint-Etienne. Les crimes jugés en première instance lui incombent dorénavant. La différence avec la cour d'assises : il n'y a pas de jury populaire, juste des magistrats.

Une cour professionnelle

"La cour criminelle départementale (CDD) a été créée en 2019 de manière expérimentale. Elle est entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2023 sur l'ensemble du territoire national. Sa vocation est de juger des affaires criminelles pour lesquelles les peines encourues sont inférieures ou égales à 20 ans de réclusion. Ce sont majoritairement les affaires de viols, de coups mortels ou les vols à main armée", détaille François-Xavier Manteaux, président du tribunal judiciaire de Saint-Etienne. Pour cette première, il s'agit d'une affaire de viol incestueux.

Là où la loi impose un délai maximum d'un an pour juger un accusé détenu, le délai prévu est de six mois devant la cour criminelle. En appel, le recours aux neuf jurés demeure.

Le citoyen exfiltré de la justice

Le barreau de Saint-Etienne, auteur d'une motion d'opposition, n'était pas favorable à cette création.

"La cour criminelle départementale fait sortir les citoyens du jugement d'une partie des crimes et dans un nombre considérable d'affaires. C'est critiquable en soi parce que, pour nous, c'est important d'un point de vue de la démocratie judiciaire que les citoyens puissent connaître eux-mêmes du jugement de ces infractions qui ont le plus troublé l'ordre public" rétorque François Paquet-Cauet, avocat et bâtonnier élu.

Le barreau ligérien n'est pas convaincu par l'expérimentation, trop brève à son goût. "Dans la configuration actuelle, on ne gagne pas beaucoup de temps. Voire, on n'en gagne pas parce qu'il y a plus d'appels" critique François Paquet-Cauet.

Un problème d'effectif de magistrats

Un argument partagé par le président du tribunal, lui-même ancien président de cour d'assises. Car même s'il valide un gain de temps avec la disparition du tirage au sort des jurés et la rapidité du délibéré, il émet des réserves quant aux moyens humains.

Dans la Loire, près de 60 % des dossiers criminels devraient être jugés par cette cour en première instance et non plus devant les Assises, qu'elle est censée désengorger. L'objectif est d'accélérer le rendu de la justice pour les affaires criminelles, en évitant de les correctionnaliser.

La correctionnalisation consiste à omettre une circonstance pour disqualifier les faits afin de les juger devant le tribunal correctionnel qui est plus rapide. On omet ainsi la pénétration dans un viol, l'usage d'armes lors d'un braquage, ce qui influe directement sur la peine encourue.
Si tous ces crimes reviennent dans le giron de la CCD, "il va falloir trouver les moyens humains de les juger" alerte François-Xavier Manteaux, président du tribunal judiciaire de Saint-Etienne.
"La juridiction doit fournir quatre assesseurs au lieu de deux. Les collègues, quand ils participent aux audiences de la CCD ne sont pas dans leur cabinet, ni à l'audience de la chambre civile et donc, potentiellement, ça peut entraîner des retards sur les services de leur juridiction".

Anticonstitutionnelle ?

Trois voix sur six suffiront pour reconnaître la culpabilité de l'accusé. Devant la cour d'assises de première instance, la majorité est de sept voix sur neuf, et de ce fait plus favorable à l'accusé.

Plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité visent ces cours sur cette rupture d'égalité. Le verdict devrait tomber avant la fin de l'année. En attendant, deux autres affaires criminelles seront jugées à Saint-Etienne.

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