Coronavirus-Covid19 : une famille stéphanoise démunie après le décès d'une proche en EHPAD

A la suite du décès de leur mère, Michelle, dans un EHPAD de Saint-Etienne, ses enfants se disent choqués de la manière dont sont traités les défunts atteints par le Covid19 et impuissants quant à la gestion des obsèques. Un deuil difficile à venir. Témoignage 

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Michelle Beauvieux aurait eu 82 ans en juillet prochain. 
Mais elle s'est éteinte dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 mars dernier. 
Suspectée d'avoir contracté le coronavirus-Covid19, elle a finalement été testée positive, comme quelques autres patients résidant au sein de l'EHPAD Lamartine de Saint-Etienne. 
Sa famille et notemment sa fille, Marie-Anne, s'est confiée à nous. 
 

Une famille démunie et en colère

Elle le précise avant toute chose, elle sait que la propagation du virus n'est pas de la faute de la résidence.
Mais Marie-Anne se pose tout de même la question des tests réalisés, afin de vérifier si les résidents sont positifs au Covid19 ou non. Sur les 81 séniors hébergés, seuls 5 auraient été testés.
Elle sait aussi qu'au moins 2 décès sont survenus dans l'établissement, sa mère était la deuxième.

Là où je suis en colère, c'est que le test effectué auprès de Maman a été réalisé par la cadre de soins, une jeune alternante. Elle a, certes, très bien géré mais ce n'est pas elle qui nous a communiqué les résultats, ni même un médecin. C'est le service d'infectiologie qui nous a prévenus, puis j'ai contacté l'EHPAD.

Le premier décès a été déclaré jeudi 2 mars au soir. Les familles ont été averties par mail. 

Pour Maman, le décès a été constaté à 9 heures, le vendredi matin, pour un décès survenu dans la nuit. Nous avons été contactés par une infirmière 1h20 après. Puis on nous apprend que la mise en bière doit s'effectuer dans les 2 heures suivant le décès... Il a fallu faire vite. 

Marie-Anne a donc contacté les premières pompes-funèbres. "Avec un choix très limité : 1 seul type de cercueil est proposé. C'est celui-là et pas un autre" ajoute-elle consternée.
Sa mère sera incinérée demain, mardi après-midi, à Saint-Etienne, et personne ne pourra y assister. L'urne funéraire ne sera remise à la famille qu'après la fin du confinement, à une date indéterminée. 


Le doute et le deuil

Face au nombre de décès connu en cette épidémie, Marie-Anne Beauvieux et sa famille impuissants, redoutent une chose :

Ont-ils pris le temps d'indiquer l'identité de ma mère sur la housse funéraire ? La chambre 304 ? Avec toutes ces crémations à la chaîne, les familles ne pouvant pas y assister, je ne suis même pas sûre que ce soit ses cendres... C'est glauque à souhait.

Car dans la précipitation et la confusion, des papiers administratifs comme un formulaire émis par la résidence, attestant de l'identité de la défunte, devaient être remis à la famille. "Il ne s'agissait pourtant pas du premier décès. Mais je me pose des questions sur la gestion de la résidence" lance Marie-Anne, dubitative. Lors d'appels en visioconférence avec sa mère, elle dit ne jamais l'avoir vue avec un masque sur son visage. Elle confie aussi avoir reçu les condoléances des équipes de soins et de ménage, mais pas de la direction. 

Dans ces circonstances, Marie-Anne l'assure, le deuil s'annonce difficile. Elle espère susciter des efforts de toutes parts pour qu'une meilleure communication avec les familles soit mise en place, ainsi qu'un plus grand accompagnement des familles. 
 
Entretien avec Michel Debout, professeur émérite en médecine légale et droit de la santé
Oui, le professeur Michel Debout est en colère.
Tout d'abord parce qu'il a fallu attendre 2 à 3 semaines avant que soient annoncés les premiers chiffres recensant les victimes du Covid19 dans les EHPAD. "Impensable" selon lui. Mais sa colère vient également de la gestion qu'il juge peu humaine des défunts en ces temps d'épidémie. 

A la question de l'isolement des personnes âgées en EHPAD, Michel Debout estime que cela aurait pu s'organiser autrement : "On a organisé une situation de huis-clos dans ces établissements. Il peut se passer plein de choses avec cet isolement. Il fallait donner la possibilité à un membre de la famille, de venir, avec les protections nécessaires, et d'assister au moment de la mort, être présent pour rassurer son parent". 

Quant au fait de laisser les malades mourir sans accompagnement, il réagit sans concession : "On assiste à une déshumanisation à l'oeuvre, confie le professeur. L'Humain est la seule espèce vivante qui enterre ses morts. Ce n'est pas que les mettre en terre, il s'agit surtout d'un rituel. Le défunt appartient ainsi encore aux vivants".

Selon le professeur, l'urgence de la situation n'a pas à prévaloir sur le deuil, qui passe inévitablement par des obsèques: "Priver les proches d'obsèques, c'est le priver d'une réalité psychologique, affective, humaine,. La société ne respecte alors plus collectivement les règles qu'elle doit respecter. Cela va créer des culpabilisations chez les Français, qui vont se dire "qu'est ce qu'on a fait ? C'est comme laisser les défunts sans sépulture". 

Enfin, cette privation de présence auprès du proche malade, d'obsèques, et de ce qui contribue au deuil peut avoir des effets négatifs d'après le Professeur Debout : "La souffrance émotionnelle, affective peut être pire que la souffrance physique dans ces cas là. En agissant ainsi on arrive à des positions impensables, c'est extrêmement violent !"

Le Professeur Michel Debout alerte les autorités pour que cela ne se poursuive pas avec cette même gestion "inhumaine" menée depuis le début de la crise. Il appelle à ce que les démarches auprès des défunts et des familles se passent autrement, de sorte à les apaiser. 

 
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