Le coronavirus, il l'étudie depuis huit ans. Bruno Canard est directeur de recherche au CNRS à l'université Aix-Marseille, il travaille sur la réplication virale et notamment le coronavirus. Il regrette le manque de moyen alloué à la recherche en dehors des phases d'épidémie.
Un médicament aurait-il pu être trouvé contre le coronavirus ? Pas sûr, mais pour Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS au sein de l'université Aix-Marseille "beaucoup de temps a été perdu".
Avec son équipe, il travaille au laboratoire architecture et fonction des macromolécules biologiques de l'université, sur la réplication virale et notamment les désormais célèbres coronavirus.
Dans une tribune largement partagée en ligne, il explique comment il a découvert le virus entre 2002 et 2003, au moment de l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), un coronavirus inconnu jusqu’alors.
A ce moment-là l'Union européenne lance de grands programmes de recherche "pour essayer de ne pas être pris au dépourvu en cas d’émergence".
Une recherche incertaine
"La démarche est très simple, explique-t-il. Comment anticiper le comportement d’un virus que l’on ne connaît pas ? Eh bien, simplement en étudiant l’ensemble des virus connus pour disposer de connaissances transposables aux nouveaux virus, notamment sur leur mode de réplication. Cette recherche est incertaine, les résultats non planifiables, et elle prend beaucoup de temps, d’énergie, de patience".En 2006, il se rappelle avoir vu l'intérêt des politiques pour le SARS-Cov disparaître. "En recherche virale, en Europe comme en France, la tendance est plutôt à mettre le paquet en cas d’épidémie et, ensuite, on oublie", regrette le chercheur.
"Dès 2006, l’intérêt des politiques pour le SARS-CoV avait disparu ; on ignorait s’il allait revenir. L’Europe s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable".
Alors qu'il déclare avoir envoyé "avec des collègues belges et hollandais" deux lettres d'intention à la Commission européenne pour demander plus d'anticipation, un nouveau virus est apparu : Zika. Le coronavirus est mis de côté.La tendance est à mettre le paquet en cas d’épidémie et, ensuite, on oublie
Bruno Canard et son équipe poursuivent leur recherches sur cette famille de virus, "mais avec des financements maigres et dans des conditions de travail que l’on a vu peu à peu se dégrader."
Il y a bien des "molécules en essai" contre le Covid-19, issus de cette recherche fondamentale sur le Sras et d'autres virus, comme le remdesivir, note Bruno Canard dans un entretien à l'AFP. Mais "il y en a peu et il aurait pu y en avoir beaucoup plus".
"La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate", écrit-il, avant de lister les freins dans ses recherches et celles de ses équipes (contrats courts, départs non remplacés, Crédit impôt recherche…).Il aurait pu y avoir beacoup plis de molécules en essai contre le Covid19
"On a un peu baissé la garde alors qu'au contraire l'émergence des virus est plutôt dans un mode d'accélération, et l'émergence va être de plus en plus accélérée, du fait du changement climatique, de la perte de biodiversité, de la déforestation", explique le chercheur.Tout à fait d accord. Ce qui est indécent aussi, ce sont ces 3 millions pour l’ensemble de l’appel. On ne peut pas se défausser avec une aumône. Le Crédit Impôt Recherche soustrait 6 milliard par an à la recherche fondamentale publique. Il est temps d’évaluer ses effets. https://t.co/s02XMZUD3g
— BrunoCanard Virology (@canardbruno) March 8, 2020
Le texte de Bruno Canard, rendu visible par l'épidémie actuelle, rejoint la mobilisation des chercheurs contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, en cours de finalisation par le gouvernement.L'émergence des virus est plutôt dans un mode d'accélération
Il l'a lu, il y a une semaine aux manifestants parisiens, avant d'être reçu par Emmanuel Macron à l'Elysée avec une trentaine de médecins, scientifiques et responsables de laboratoires engagés dans la lutte contre le coronavirus.