Deux subventions de 20 000 euros auraient été détournées de leur usage et auraient contribué à financer le chantage à la vidéo intime contre l'adjoint au maire de Saint-Etienne, Gilles Lartigues.
Selon Médiapart, plusieurs auditions devant la police sont concordantes : deux subventions municipales d'un montant de 40 000 euros auraient été détournées pour financer ce que le directeur de cabinet du maire, Pierre Gauttieri a lui-même reconnu comme étant "un barbouzage".
L'argent aurait été versé à deux associations, France Lettonie et AGAP (pour « Artistes de la galerie art pluriel »). Plusieurs fonctionnaires pointent selon Médiapart un flou persistant quant à l'utilisation de ces fonds.
"L’argent a ensuite été redistribué à Gilles Rossary-Lenglet, l’homme qui a supervisé la bonne exécution du piège. Il en a reversé une partie à son compagnon de l’époque, l’adjoint au maire Samy Kéfi-Jérôme, auteur du film ayant ensuite permis de faire chanter politiquement et personnellement Gilles Artigues pendant plusieurs années" précise Antton Rouget, auteur de l'enquête de Médiapart.
Ce dernier cite un rapport de synthèse daté du 6 avril 2023 dans lequel une commissaire divisionnaire dresse le constat suivant :
"Le montant des subventions attribuées à deux associations complètement inconnues paraissait plutôt élevé, inhabituel, voire anormal selon la plupart des témoins entendus, eu égard aux montants des subventions accordées aux autres associations, au fait qu’il s’agissait d’une première demande de financement, que ces associations n’avaient été immatriculées que peu de temps avant leurs demandes, que le projet proposé était destiné à être subventionné à 80 ou 90 %, et enfin que la procédure d’attribution desdites subventions avait été réalisée en des temps records avec une procédure accélérée".
Une somme particulièrement élevée
Autre élément qui suscite de nombreuses interrogations, le montant des sommes, étonnamment élevé par rapport aux autres associations. "Durant la même année, la dotation moyenne était de 1 688 euros par association", une somme bien éloignée des 20 000 euros pour France Lettonie ou ACAB. Comment expliquer un tel décalage ? «La réponse est dans la question. On ne peut que s’étonner», a répondu en audition le directeur général des services (DGS) de la ville en fonction de 2014 à 2015.
Interrogés, les dirigeants de France Lettonie estiment avoir été manipulés. Ils reconnaissent avoir touché la somme puis l'avoir utilisée pour payer Gilles Rosary Lenglet au titre de missions de consulting et de communication.
"On a fait la connerie d'accepter cette subvention" a témoigné la trésorière de l'association.
Médiapart, en publiant ces nouveaux éléments, a été accusé de ne pas respecter le secret de l'instruction par l'avocat de Gaël Perdriau, Jean-Félix Luciani. Il qualifie de "désolante une telle violation du secret de l'instruction. La presse a eu accès aux procès-verbaux d'audition en violation de l'article 11 du Code de Procédure Pénale".
Antton Rouget, de Médiapart, lui a répondu sur France 3 Rhône-Alpes :
"Notre travail, c'est de raconter le réel tel qu'il est. Nous avons des informations qui peuvent violer des secrets, dans les entreprises, au niveau judiciaire, parfois même du secret défense, et il nous appartient de les rendre publiques dès lors que l'on estime qu'elles sont utiles au débat public. Et il ne fait aucun doute que le travail de Médiapart sur cette affaire est d'intérêt général. Il vient révéler des pratiques crapuleuses, mafieuses à la tête d'une ville importante, la 13ᵉ de France."
Pour rappel, le maire et président de la métropole de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, a été mis en examen, le 6 avril 2023, pour chantage à la vidéo intime compromettant son ancien premier adjoint centriste, Gilles Artigues. Trois autres protagonistes dans l'entourage du maire ont également été mis en examen dans cette affaire, dont Samy Kéfi-Jérôme.