Fleuron industriel qui fit la réputation de Saint-Étienne, où se tient jusqu'au 3 janvier une exposition qui leur est consacrée, les armes divisent la société entre ceux qu'elles ébahissent et les autres qu'elles rebutent. Découverte, au musée d'Art et d'Industrie.
Une exposition se tient jusqu'au 3 janvier à Saint-Étienne sur l'étrange fascination des armes à feu, ces objets d emort qui divisent la société, entre ceux qu'elles ébahissent et les autres qu'elles rebutent.
"L'arme est présente dans notre société qu'on le veuille ou non", au travers des jeux vidéos, dans le cinéma ou encore la publicité, relève la directrice du musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne, Marie-Caroline Janand. "Cette exposition pose des questions, sans forcément apporter de réponse", annonce-t-elle, en laissant chacun s'interroger sur son propre rapport aux armes.
La fascination
A la sortie, après avoir pu tirer au fusil et à la carabine sur un écran où défilent des pommes, les visiteurs sont invités à glisser un ticket dans une des deux urnes, soit "répulsion", soit "fascination". Et, après le passage des premiers visiteurs, la "fascination" semble l'emporter !
"Difficile de savoir si les visiteurs adhèrent à l'exposition ou bien si notre public a l'habitude de voir des armes", le musée accueillant la deuxième plus importante collection d'armes en France après le musée de l'Armée des Invalides, nuance la commissaire de l'exposition.
Carole Pelletier, touriste de 52 ans originaire d'Ile-de-France, se classe du côté de la "répulsion" car opposée "à toute forme de violence". La quinquagénaire plaide toutefois pour que soit préservé ce "savoir-faire", l'arme étant selon elle, "un objet d'art comme un autre".
Les armes créent "une polarisation forte entre des gens complètement contre et d'autres pour et finalement peu sont entre les deux", souligne Mme Janand.
Avant l'armurerie, il y avait le moulin à café
L'arme à feu ayant longtemps été réservée à la noblesse - seule autorisée à chasser - et aux militaires, ce questionnement sur la place des armes dans la société apparaît vers les années 1970 au moment où naissent les mouvements pacifistes et que s'instaure un débat autour du "partage de la nature", notamment entre chasseurs et écologistes.
Plus récemment, la polémique a été relancée autour de l'utilisation par les forces de l'ordre de lanceurs de balles de défense, armes développées pour être non-létales qui ont gravement blessé des manifestants.
L'exposition propose également un cheminement chronologique qui permet de remonter aux prémices de l'armurerie, à savoir le moulin à café ! Produit phare de Saint-Etienne au XVIIIe siècle, dont le travail du bois et de mécanique servira de point de départ à celui des fusils.
L'armurerie artisanale évoluera ensuite vers une production industrielle jusqu'au déclin de la symbolique Manufrance - qui ferma ses portes en 1986 - et de la plupart des manufactures privées.
18 millions d'armes en circulation en France
Dernière manufacture privée d'armes de Saint-Etienne en activité, Verney-Carron, qui célèbre ses 200 ans, est partenaire de l'exposition. L'illustre maison y présente certains modèles d'exception comme des fusils gravés à la main ou un "Flashball"... plaqué or.
En France, 18 millions d'armes seraient en circulation, selon des chiffres de 2018 de l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement. En 2016, seulement 4,5 millions d'armes à feu étaient recensés par le service central des armes.
Premier pays chasseur en Europe, la France comptait 1,1 million de pratiquants en 2017, contre 2 millions en 1980.
L'exposition aborde aussi l'usage des armes de loisir comme le tir sportif, le ball trap ou le succès récent du biathlon.
"L'approche sportive, qui demande de la concentration et où on tire sur des cibles non-vivantes, est socialement plus acceptable", relève Mme Janand.