Le groupe Casino va survivre mais à quel prix ? La validation du plan de sauvegarde a été actée par le tribunal de commerce de Paris ce lundi 26 février. Le distributeur va connaître une importante transformation. À commencer par la vente de ses hypers et supermarchés afin d'alléger sa dette. Reste une inconnue : le maintien des emplois.
Lundi 26 février, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de sauvegarde du distributeur Casino. Il a ainsi ouvert la voie à la restructuration de sa dette et à sa reprise par un consortium emmené par les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, adossés sur le fonds d'investissement Attestor. Reste des doutes sur l'emploi. À cause du volet social, le plan de sauvegarde avait d'ailleurs fait l'objet d'avis défavorables de la part des représentants des salariés, mais aussi du ministère public.
Repasser dans le vert
"Après des semaines si incertaines, où la menace était de disparaître, le moment va maintenant venir de redonner des moyens et par là même du souffle au groupe Casino, redimensionné, réorganisé et désendetté", a réagi dans un communiqué de ces repreneurs Daniel Kretinsky. Il indique que "le chemin sera encore long, avec des moments difficiles et requerra beaucoup d'efforts de tous".
"À partir du mois d'avril, l'équipe de direction, emmenée par son directeur général Philippe Palazzi", un ancien de Metro et de l'agro-industriel Lactalis. Ce proche de Daniel Kretinsky remplacera Jean-Charles Naouri, accusé d'avoir fait plonger le groupe.
Philippe Palazzi "mettra en œuvre un plan ambitieux de réorganisation, d'investissement et de modernisation pour asseoir le développement des enseignes du groupe", notamment Monoprix et Franprix, selon le consortium.
Fin 2022, le groupe qui employait près de 50 000 personnes en France, ne pouvait plus faire face à ses échéances de dette. Dans son jugement, le tribunal de commerce a indiqué évaluer l'endettement du groupe à près de 8 milliards d'euros au total en 2023, dont 3,7 auprès des banques. La prise de contrôle du groupe Casino par le consortium de repreneurs prévoit aussi de l'apport d'argent frais à hauteur de plus de 900 millions, sur 1,2 milliard d'euros. De l'argent frais pour permettre au groupe très endetté de repasser dans le vert.
Peau de chagrin
Ce plan est à la fois synonyme de restructuration, de changement de direction et de démantèlement. Le groupe Casino se sépare de ses 288 magasins de grande taille. Ils perdaient de l'argent et creusaient la dette déjà colossale du groupe. Ces grandes surfaces sont rachetées par la concurrence : Auchan, Intermarché et Carrefour. Mais à ce jour, 26 enseignes n'ont pas trouvé de repreneur.
Le groupe Casino ne comprendra donc plus qu'un réseau de 8000 magasins de petite taille, à savoir les enseignes Franprix, Monoprix, Spar, Vival ou encore Petit Casino. La nouvelle stratégie du groupe consistera à se recentrer sur la distribution de proximité.
Les 12 800 salariés des grandes surfaces vendues devraient être repris par Auchan, Intermarché et Carrefour. "C'est 12 000 emplois qui vont être sauvés. (...) On n'a pas prévu de réduire les effectifs. Les acquis sociaux, les salaires sont bien maintenus pendant les 15 mois et après, il appartiendra à chaque chef d'entreprise de mettre sa politique managériale en place", a indiqué Thierry Cotillard, patron des Mousquetaires/Intermarché sur France Inter ce mardi matin.
En revanche, c'est l'incertitude pour ceux qui vont rester au sein du groupe Casino. Les repreneurs du consortium assurent qu'ils veulent préserver l'emploi et conserver le siège historique à Saint-Etienne. Ce flou sur l'emploi pointé du doigt par les syndicats qui redoutent des milliers de suppressions de postes.
Casse sociale
La validation du plan de sauvegarde n'a pas été une surprise. Il n'y avait pas d'alternative. Le tribunal de commerce de Paris avait le choix entre la liquidation pure et simple et ce plan de sauvegarde, seule offre de reprise.
Mais pour Jean Pastor, délégué CGT au sein de Casino et porte-parole de l'intersyndicale, cette décision est "un moindre mal" qui a un lourd prix. "Il faut savoir qu'on se sépare de plus des trois quarts du groupe Casino. Toute l'Amérique latine a été vendue.150 000 salariés," rappelle le représentant. "Cette décision de justice a tendance à acter la cession de l'ensemble des magasins du groupe Casino", déplore-t-il.
L'inquiétude des syndicats porte notamment sur les emplois au sein des enseignes qui ne seront pas reprises, des fonctions supports du siège et des entrepôts. Les salariés de ces entités ne sont pas fixés sur leur sort, d'après le porte-parole. "Il va y avoir de la casse sociale en perspective", assure Jean Pastor. Au siège stéphanois, les syndicats, qui ont chiffré les pertes à 1300 emplois au seul siège stéphanois du groupe, déplorent aujourd'hui le silence des repreneurs et de la direction du groupe.
Vers un appel ?
Les syndicats, qui avaient donné un avis défavorable à ce plan de sauvegarde, ont à présent dix jours pour faire appel de la décision du tribunal de commerce de Paris. Ces derniers vont-ils dénoncer le plan de sauvegarde ? Rien n'est encore arrêté. Mais l'appel pourrait avoir de lourdes conséquences.
Les syndicats prévoient de se réunir ce mercredi 28 février, dans la matinée. Une liquidation judiciaire n'est toutefois pas envisageable. "On va étudier la décision plus en détail avec nos conseils pour savoir ce qu'on peut faire par la suite. On ne veut pas de liquidation judiciaire du groupe Casino. Il y aurait des conséquences encore plus néfastes pour l'ensemble des collaborateurs du groupe Casino", assure Jean Pastor.