Lyon-Turin : les "No Tav" relancent la mobilisation à quelques jours du départ du chantier italien du grand tunnel de base

Les "No Tav", mouvement d'opposants italiens au Lyon-Turin, n'ont pas attendu le lancement du chantier du grand tunnel de base pour relancer leurs actions. Dès vendredi, des attaques contre les chantiers et une manifestation ont donné le ton, à quelques jours d'une nouvelle étape cruciale pour l'avenir de la future liaison TGV.

De mémoire de journalistes italiens habitués, depuis 20 ans, à couvrir les moindres aléas de la construction de la liaison TGV Lyon-Turin, c'est une étape cruciale qui va se jouer lundi 18 décembre dans le petit village de Chiomonte (Piémont). C'est là qu'en 2011, le premier chantier italien de la future liaison a commencé sous les jets de pierres et de fumigènes. 

200 à 300 carabiniers mobilisés jour et nuit

Douze ans et 7 kilomètres de galerie percés plus tard, c'est toujours sur un chantier sous haute surveillance qu'est attendu Matteo Salvini. Le vice-président du Conseil italien et patron du parti d'extrême droite La Lega installera officiellement Itinera, Ghella et Spie-Batignolles, les trois entreprises du groupement italo-français qui a remporté l'appel d’offres international pour la construction de la partie transfrontalière du grand tunnel de base de 57 kilomètres sous les Alpes.

Un milliard d'euros vont être investis pour commencer de percer sa partie italienne - le percement de la partie française a commencé en Maurienne il y a tout juste un an - à partir de la galerie existante de Chiomonte et en direction la plaine de Susa (Piémont) où le futur TGV doit ressortir à l'air libre pour continuer sa course vers Turin. 

La promesse de nouvelles années de travail pour les techniciens à l'œuvre depuis 2012, mais toujours dans un contexte sécuritaire tendu. Les 200 à 300 membres des forces de l'ordre présents jour et nuit sur le chantier sont là pour le rappeler. Le 8 décembre, deux tentatives de coup de force coordonnées des "No Tav" ont, pour la énième fois, défrayé la chronique.

À San Didero, dans la plaine de Susa (Piémont), le 9 décembre, quelque 200 manifestants se sont présentés devant les grilles d'un chantier connexe à la construction du grand tunnel avant qu'une dizaine d'activistes encapuchonnés ne commencent à lancer des pierres, pétards et fumigènes sur les forces de police.

La veille, à la gare de Turin Porta Nuova, deux policiers avaient été blessés dans des affrontements avec une soixantaine de militants "No Tav", bien décidés à occuper un train en partance pour la vallée de Suse. Deux actions au goût de déjà-vu, mais qui ont servi de tremplin à un nouveau coup de menton du ministre des Infrastructures. 

Si quelqu'un pensait décréter l'arrêt du pays avec des grèves sauvages, et des chantiers par la violence, qu'il sache que Salvini ne se laissera pas intimider.

Matteo Salvini

Note à son parti, La Lega

Une façon de répondre aux casseurs qui, régulièrement, tentent encore de donner l'assaut aux chantiers italiens en taillant les hauts grillages doublés de barbelés des enceintes, pour occuper la place. Et de mettre en garde les manifestants du 8 décembre. 

"Grand chantier de l'inutile"

Car, comme ils le font chaque année à pareille époque, les "No Tav" italiens - rejoints par quelques opposants venus de France - ont commémoré à leur façon la date symbole de leur combat en même temps que le coup de force qu'ils rêveraient de reproduire. 

Le 8 décembre 2005, à Venaus, des milliers de manifestants avaient convergé vers le site où devait s'ouvrir le premier chantier du Lyon-Turin. Après des heurts faisant des dizaines de blessés, ils avaient réussi à occuper le terrain, obligeant le gouvernement Berlusconi et l'Europe à revoir le tracé de la ligne et retardant de plusieurs années le lancement des travaux.

Un coup de main réussi dont les 2 000 à 3 000 manifestants descendus sur le pavé de Susa, vendredi 8 décembre, n'ont rien oublié. Au cri de "J'en étais", ils ont, comme chaque année, rejoint Venaus, redoublant de critiques contre "ce grand chantier de l'inutile" que reste pour eux le Lyon-Turin.

L'étincelle d'un nouvel embrasement 

Une situation aux allures insurrectionnelles qui ne semble toutefois pas inquiéter outre mesure les promoteurs du grand chantier. "Le contexte général est complètement différent de celui de 2005 ou de 2011", explique-t-on dans les bureaux de la société franco-italienne maître d'ouvrage Telt (Tunnel Euralpin Lyon Turin).

Les "No Tav" ne rassemblent plus les foules d'antan. Certes, les chantiers se déroulent sous bonne garde, mais nous n'en sommes plus à l'époque de leur démarrage en rase campagne. Depuis, leurs périmètres se sont agrandis. Les clôtures de protection ont éloigné la poignée d'activistes violents qui tentent encore de donner l'assaut.

Un porte-parole de Telt

à France 3 Alpes

"Pour leurs marches 'No Tav', les opposants rassemblaient encore 20 000 à 30 000 personnes il y a 10 ans. Voyez combien ils étaient à leur dernière commémoration des affrontements du 8 décembre", compare Renato Botto, le responsable du bureau turinois de l'agence de presse italienne ANSA.

Quant aux élus, le panorama aussi semble avoir bien changé. Fini le temps où les maires des principales villes plus industrieuses de la basse vallée de Suse s'alignaient sur la position de la communauté de montagne pour refuser la ligne réclamée à grands cris par les cités plus touristiques de la haute vallée. 

"Même le maire de Suse, désormais, est un 'Si TAV' (Oui au TGV)", explique un autre expert du dossier. "Quand, en septembre dernier, la nouvelle maire de Bussoleno [le nœud ferroviaire de la vallée, autre cité symbole des 'No Tav', NDLR] a été élue, elle s'est empressée de revendiquer pour sa commune la construction de la grande gare internationale prévue à Susa".

Quant à savoir si la visite de Matteo Salvini à Chiomonte sera perturbée ou pas, nul se risque à un pronostic. "Les 'No Tav' pourront bien continuer à s'agiter, il semble désormais qu'ils ne puissent plus changer le scénario engagé".

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