Meurtre mystérieux de deux Congolais en Isère: Alain Deverini, seul dans le box, complice ou pigeon?

Il est décrit comme un pigeon par ses avocats. L'accusation le voit comme l'un des commanditaires de l'assassinat de deux Congolais en 2000 en Isère. Seul dans le box des accusés, l'architecte monégasque Alain Deverini est aussi celui dont le rôle est le plus incertain.

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"Il s'est fait rouler dans la farine. Il n'a pas de rôle (dans ce dossier, ndlr). C'est un homme qui ne voit pas le mal", assure Me Alain Fort, son avocat.

Décorateur d'hôtels de luxe dans le monde entier, Alain Deverini, 53 ans, père de deux jumeaux, est accusé d'avoir fomenté l'assassinat de Philémon Mwami Naluhwindja, chef Maï Maï d'une tribu de la région du Sud-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), et d'Aimé-Noël Atembina, conseiller militaire du gouvernement congolais à l'époque de Mobutu. Leurs corps avaient été retrouvés dans une voiture en feu le 29 décembre 2000, dans un champ de maïs à Chasse-sur-Rhône (Isère).

L'associé belge de Deverini, Benoit Chatel, que ses avocats disent mort, est jugé par défaut. L'Italien Domenico Cocco doit être jugé ultérieurement. L'implication, au moins indirecte, de Benoit Chatel et Domenico Cocco dans les assassinats a été mise en lumière par les factures détaillées de leurs téléphones et les relais déclenchés par le portable de Cocco le jour du crime.

Le rôle d'Alain Deverini, dont le casier judiciaire est vierge, repose lui essentiellement sur des déclarations. Il a ainsi reconnu en garde à vue avoir demandé à Domenico Cocco "d'éradiquer le problème des noirs", ce que ce dernier aurait interprété comme une invitation à liquider physiquement les deux Congolais, censés préparer un putsch contre Laurent-Désiré Kabila, dont Chatel était proche.

"Il parle d'éradiquer un problème. C'est un terme assez extrême. On peut imaginer le pire et le pire est arrivé", a souligné le commandant Patrick Classert, ancien directeur d'enquête à la section de recherches de la gendarmerie de Grenoble.

'Pas de problème avec Kabila' 


Le jour du crime, Cocco emprunte l'Audi TT de Deverini pour recruter deux "maghrébins" de Vénissieux, supposés avoir exécuté le contrat pour 200.000 francs (30.500 euros). Et lorsque Chatel est incarcéré, Deverini le protège, selon des écoutes téléphoniques.

Alain Deverini assure qu'il ignorait les vraies raisons du déplacement de Domenico Cocco près de Lyon, de même qu'il n'avait pas connaissance du pedigree de son ami, impliqué dans des affaires de proxénétisme et proche de la mafia italienne. "Je mets la tête dans le sable", a-t-il déclaré à la barre.

Ses avocats profitent de l'absence de Benoit Chatel pour charger celui-ci, décrit par de nombreux témoins comme un escroc manipulateur, adepte du double jeu. C'est lui qui avait orienté les gendarmes vers Deverini, expliquant que les deux hommes avaient voulu éliminer les putschistes pour protéger leurs investissements en RDC.

Mais "mon mari n'avait pas de problème avec Kabila", a témoigné Espérance, la veuve de Philémon Mwami, une des deux victimes. Ce dernier aurait en fait été tué par erreur, ayant remplacé in extremis un général mobutiste, Kpama Baramoto Kata, au rendez-vous de Lyon. Un peu plus tôt, ce général avait menacé Benoit Chatel, auquel il réclamait de l'argent, d'une arme pointée sur le ventre.

A la suite de ces menaces, Chatel "craignait pour lui" mais n'en avait pas parlé à son associé Deverini, selon le gendarme Olivier Cazalet.

Les familles des victimes semblent, elles, convaincues de la culpabilité du Monégasque, qu'elles ont vivement interpellé jeudi. "Est-ce qu'il est en train de comprendre qu'il a tué un innocent, un chef de famille?", a lancé la veuve de Philémon Mwami, retenant ses larmes.

"Ce n'est pas parce que c'est un pigeon qu'il est innocent", a lancé Me Philippe Chansay-Wilmotte, avocat belge de la partie civile. Qui conseille par ailleurs l'actuel président de la RDC, Joseph Kabila.

Mise à Jour

Le 27 février 2015, la cour d’assises de l’Isère a acquitté Alain Deverini. Une décision qui "a le mérite de lui rendre son honneur", selon les propos de son avocat, Me Fort, rapporté par le quotidien Le Progrès.
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