Orient et Occident : un voyage immobile et envoûtant

Orient et Occident est un projet mûri depuis plus de 10 ans par la Camera delle Lacrime, un ensemble basé à Clermont-Ferrand, qui s'est emparé d'une lettre d'un moine franciscain du XIIIe siècle parti en voyage dans l'empire Mongol pour créer une oeuvre romanesque et envoûtante.

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La petite Chapelle des Pénitents de la Chaise-Dieu a été lundi l'écrin d'un concert étonnant : un voyage immobile dans l'espace et le temps dont le guide était un moine franciscain du XIIIe siècle se rendant de Constantinople à la Cour du Grand Khan, en plein coeur de l'Empire Mongol d'alors. Un voyage romanesque, plein de péripéties et d'humour, mais aussi d'une somptueuse beauté. Des déserts étoilés aux petits villages traversés, des étendues effrayantes aux steppes mongoles herbeuses au-dessus desquelles volaient quelques aigles royaux, le dépaysement était total. 

Sur scène, pour donner corps à ce rêve, le décor planté par la Camera delle Lacrime est sobre. Cinq musiciens et un chanteur suffisent à donner vie à ces paysages et aux populations rencontrées en chemin, suffisent à donner vie à une histoire merveilleuse qui a inspiré Bruno Bonhoure il y a près de 10 ans maintenant : "Ce projet, nous l’avons en tête depuis 2005 où j’ai eu connaissance de cette lettre. C’est notre base de départ musicologique : une lettre manuscrite par le moine franciscain Guillaume de Rubrouck au milieu du XIIIe siècle, une lettre en latin conservée en Angleterre. Nous nous sommes pris de passion pour cette histoire et pour ce moine. En 2006, avec Khaï-Dong Luong (NdlR : avec qui Bruno Bonhoure partage la direction artistique de la Camera delle Lacrime), nous sommes partis à travers les steppes mongoles jusqu’à Karakorum, pour voir l’ancien palais du Khan. Nous nous sommes plongés dans l’histoire, nous sommes allés voir le document en Angleterre, nous avons réuni une équipe de musiciens… Depuis 10 ans, nous avons donc ce projet en tête… Et c’est grâce à la Fondation Royaumont et au Festival de la Chaise-Dieu que nous avons réussi à monter cette équipe, monter le projet, et faire naître d’un songe autour d’un texte ancien le concert d’aujourd’hui."

Et si les 2 hommes ont mis 10 ans à mûrir ce projet, c'est que l'histoire est vraiment fascinante. Au printemps 1250, le Roi Louis IX, futur Saint-Louis, est emprisonné dans l’actuelle Egypte. Il est rendu à la France contre rançon d’or, et il va rêver à une ultime croisade. Il était parti lui-même pour délivrer le tombeau du Christ, et ses conseillers le persuadent que le Grand Khan serait un chrétien d’Orient. Ce moine, Guillaume de Rubrouck, part donc en 1253 pour Karakorum, qui était la capitale de l’empire mongol. L’empire du Grand Khan allait alors de Budapest à Pékin et englobait l’Iran, c’était un vaste territoire, et ce moine entreprend ce voyage 20 ans avant la naissance de Marco Polo.


L'odyssée extraordinaire d'un moine au XIIIe siècle


"Nous avons donc un texte d’un moine qui en 1254, au retour de son voyage jusqu’à Karakorum, nous narre son voyage de Sainte-Sophie de Constantinople jusqu’à Karakorum et la rencontre du Grand Khan. C'est une lettre en latin, épaisse comme un livre, qui raconte ce voyage qui a duré un an. Il nous raconte l’histoire et en plus, régulièrement, il chante des hymnes grégoriens pour se donner du courage ou répondre à une situation particulière."

Le roi de France envoie toutefois ce moine
avec une mission : il espère que le Grand Khan Mangu est un chrétien d’Orient. Guillaume de Rubrouck va donc arriver à la Cour de Mangu Khan et va d’abord s’y faire accepter. Le Grand Khan va ensuite accepter le défi qui lui est lancé, et va mettre en place le soir de la Pentecôte 1254 une controverse théologique réunissant les différents responsables des cultes présents à Karakorum. Les représentants des cultes musulman, nestorien, franciscain, bouddhiste et polythéistes vont donc se réunir dans le palais. Le seul ordre qu'on leur donne est de respecter la parole de chacun et de respecter l’écoute. Ils pourront alors débattre de l’unicité ou non de Dieu. A-t-il déjà été incarné ? Quelle est la meilleure manière de le ou les louer ? Peut-on le représenter ? Et le moine mentionne qu’au petit matin, à cout d’arguments mais dans une atmosphère de paix et d’écoute, chacun a chanté dans son cantique sa propre louange.

Le lendemain, notre moine franciscain Guillaume de Rubrouck est reçu par le Grand Khan et le Grand Khan va acter du monothéisme. Mais il va prendre la figure de la main : une seule main, mais 5 doigts comme autant de chemins pour accéder à la foi. Il remerciera alors le moine qui rentrera à Saint-Jean d’Acre où il écrit ces lettres au Roi de France, et Saint-Louis, avec la complicité du Khan, renoncera à son ultime croisade.

Je crois que par rapport à la situation que l’on vit au niveau national et international, nous, interprètes, nous sommes exactement à la place où nous pouvons être actuellement. On est un peu démunis par rapport à ce qui se passe, et je pense que le projet Karakorum peut peut-être aider à développer une parole, une rencontre avec l’autre. Bruno Bonhoure

Un peu plus d'une heure pour retracer un voyage d'un an


Pour rythmer cette aventure, il existe donc plusieurs hymnes grégoriens. La Camera delle Lacrime a aussi choisi de narrer une partie de l'histoire, mais il leur a aussi fallu ouvrir. "On a ouvert de diverses manières. D’abord par les musiciens que l’on a choisis. On travaille beaucoup sur la corde frottée, et on a imaginé un voyage immobile qui part de la vielle à roue, passe par le violon oriental, le Kamanche iranien, jusqu’au Erhu, la vielle à archer de deux cordes chinoise. Quand aux chants, je chante les hymnes grégoriens, mais on a imaginé une rencontre avec des chants d’autres cultures."

Des chants soufis d'une immense beauté, interprétés par Mokrane Adlani, et qui plongent le public dans une sorte de transe que l'on aimerait voir durer, pourquoi pas, mille et une nuits. Des chants mongols qui nous donnent l'impression de chevaucher les herbes vertes et foisonnantes des immenses steppes de l'Empire du Khan. Des mantras bouddhiques enfin, qui opèrent une symbiose et une communion avec ceux qui les écoutent. Lundi, àla Capelle des Pénitents de la Chaise-Dieu, la Camera delle lacrime nous a offerts un voyage dans le temps et l'espace certes immobile, mais absolument somptueux.







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À quoi ressemblait la vie des premiers habitants des "grands ensembles" ?

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