Orient et Occident est un projet mûri depuis plus de 10 ans par la Camera delle Lacrime, un ensemble basé à Clermont-Ferrand, qui s'est emparé d'une lettre d'un moine franciscain du XIIIe siècle parti en voyage dans l'empire Mongol pour créer une oeuvre romanesque et envoûtante.
La petite Chapelle des Pénitents de la Chaise-Dieu a été lundi l'écrin d'un concert étonnant : un voyage immobile dans l'espace et le temps dont le guide était un moine franciscain du XIIIe siècle se rendant de Constantinople à la Cour du Grand Khan, en plein coeur de l'Empire Mongol d'alors. Un voyage romanesque, plein de péripéties et d'humour, mais aussi d'une somptueuse beauté. Des déserts étoilés aux petits villages traversés, des étendues effrayantes aux steppes mongoles herbeuses au-dessus desquelles volaient quelques aigles royaux, le dépaysement était total.
Et si les 2 hommes ont mis 10 ans à mûrir ce projet, c'est que l'histoire est vraiment fascinante. Au printemps 1250, le Roi Louis IX, futur Saint-Louis, est emprisonné dans l’actuelle Egypte. Il est rendu à la France contre rançon d’or, et il va rêver à une ultime croisade. Il était parti lui-même pour délivrer le tombeau du Christ, et ses conseillers le persuadent que le Grand Khan serait un chrétien d’Orient. Ce moine, Guillaume de Rubrouck, part donc en 1253 pour Karakorum, qui était la capitale de l’empire mongol. L’empire du Grand Khan allait alors de Budapest à Pékin et englobait l’Iran, c’était un vaste territoire, et ce moine entreprend ce voyage 20 ans avant la naissance de Marco Polo.
L'odyssée extraordinaire d'un moine au XIIIe siècle
"Nous avons donc un texte d’un moine qui en 1254, au retour de son voyage jusqu’à Karakorum, nous narre son voyage de Sainte-Sophie de Constantinople jusqu’à Karakorum et la rencontre du Grand Khan. C'est une lettre en latin, épaisse comme un livre, qui raconte ce voyage qui a duré un an. Il nous raconte l’histoire et en plus, régulièrement, il chante des hymnes grégoriens pour se donner du courage ou répondre à une situation particulière."
Le roi de France envoie toutefois ce moine
Le lendemain, notre moine franciscain Guillaume de Rubrouck est reçu par le Grand Khan et le Grand Khan va acter du monothéisme. Mais il va prendre la figure de la main : une seule main, mais 5 doigts comme autant de chemins pour accéder à la foi. Il remerciera alors le moine qui rentrera à Saint-Jean d’Acre où il écrit ces lettres au Roi de France, et Saint-Louis, avec la complicité du Khan, renoncera à son ultime croisade.
Je crois que par rapport à la situation que l’on vit au niveau national et international, nous, interprètes, nous sommes exactement à la place où nous pouvons être actuellement. On est un peu démunis par rapport à ce qui se passe, et je pense que le projet Karakorum peut peut-être aider à développer une parole, une rencontre avec l’autre. Bruno Bonhoure
Un peu plus d'une heure pour retracer un voyage d'un an
Pour rythmer cette aventure, il existe donc plusieurs hymnes grégoriens. La Camera delle Lacrime a aussi choisi de narrer une partie de l'histoire, mais il leur a aussi fallu ouvrir. "On a ouvert de diverses manières. D’abord par les musiciens que l’on a choisis. On travaille beaucoup sur la corde frottée, et on a imaginé un voyage immobile qui part de la vielle à roue, passe par le violon oriental, le Kamanche iranien, jusqu’au Erhu, la vielle à archer de deux cordes chinoise. Quand aux chants, je chante les hymnes grégoriens, mais on a imaginé une rencontre avec des chants d’autres cultures."