Au 1er novembre, sur les routes et autoroutes du Puy-de-Dôme et du Cantal, les conducteurs devront être équipés de pneus hiver, 4 saisons, de chaînes ou de chaussettes. Ces mesures pourraient s'appliquer sur certains axes de l'Allier et de Haute-Loire, où les préfets n'ont pas rendu leur décision.
C'est officiel depuis le vendredi 17 septembre. Suite aux arrêtés pris par les préfets du Puy-de-Dôme et du Cantal, à compter du 1er novembre et jusqu'au 31 mars, les usagers de la route devront être équipés de pneus hiver, de chaînes ou de chaussettes à neige sur les routes et autoroutes de ces départements. Cette décision s'inscrit dans le cadre de la loi Montagne. La Haute-Loire et une petite partie du sud-est de l'Allier devraient également être concernés par ces obligations même si, pour l'heure, les préfets n'ont pas encore arrêté leur décision. Dès cet hiver, les véhicules légers, utilitaires et les camping-cars devront donc disposer de l’un des équipements suivants, s'ils circulent sur les routes concernées par la loi Montagne :
- des chaînes à neige métalliques ou textiles permettant d'équiper au moins deux roues motrices
- quatre pneus hiver ou 4 saisons (homologués 3PMSF) sur les 4 roues, comportant le logo suivant :
Jusqu’au 1er novembre 2024, les pneus neige uniquement marqués "M+S" seront tolérés.
A noter que l'obligation ne s'applique pas aux véhicules équipés de pneus à clous, même si les obligations d’équipement durant la période hivernale concernent la quasi-totalité des véhicules en circulation : « Les autocars, autobus et poids lourds sans remorque ni semi-remorque seront également soumis à ces obligations avec le choix entre les chaînes ou les pneus hiver. Les poids lourds avec remorque ou semi-remorque devront quant à eux détenir des chaînes à neige permettant d'équiper au moins deux roues motrices, même s'ils sont équipés de pneus hiver », peut-on lire sur le site du gouvernement. C’est aux préfets des départements concernés de déterminer les communes où les équipements spécifiques seront obligatoires. Les routes concernées seront balisées à l’aide des panneaux B58 et B59.
Cette loi représente un surcout pour les consommateurs : l’écart de prix entre pneus hiver et pneus été se situe entre 15 et 20%, car il s’agit, selon Dominique Stempfel, président du syndicat des professionnels du pneumatique, de produits beaucoup plus « sophistiqués ». Ils coûtent, en fonction de la taille et du modèle, entre 50 euros et 400 euros environ, « le prix de la sécurité », pour le président. Selon le manufacturier Michelin, sur la neige,"un pneu été nécessite des distances de freinage deux fois plus longues qu’un pneu certifié pour un usage hivernal." Dans le Puy-de-Dôme, une tolérance sera appliquée lors de la mise en place au 1er novembre : "Dans un premier temps, les forces de sécurité observeront un temps de pédagogie, par la suite tout contrevenant s’expose à une contravention de 5e catégorie."
Le flou des zones d'application
Malgré une parution au journal officiel le 18 novembre 2020, de nombreuses préfectures n’ont pas encore défini les communes d’application, ce que regrette le président du syndicat : « Aujourd’hui, je pense qu’on est quand même un peu en retard par rapport à l’information du consommateur. La grande majorité des préfets n’a pas statué sur les communes qui seront exemptées ou pas. Concernant la partie centrale, on n’a pas plus d’informations que ça et effectivement cela nous inquiète un peu parce qu’il faut qu’on informe le plus en amont possible les automobilistes pour qu’ils puissent prendre leurs dispositions et acheter leurs équipements le plus tôt possible ». Nous avons contacté la préfectures de la Haute-Loire, où les services assurent avec une quasi-certitude que toutes les communes seront concernées. Concernant l'Allier, le comité de massif du Massif Central a proposé 8 communes où l'obligation pourrait s'appliquer, mais le préfet n'a pas encore rendu sa décision.
Une plus forte demande chez les professionnels
Cette loi bouleverse le travail de nombreux professionnels du pneu. Pour Franck Bouilhac, le gérant du centre Norauto de Lempdes, la demande varie en fonction du secteur au sein du département : « Il y a 3 solutions envisageables : 4 pneus hiver sur le véhicule, soit 4 pneus 4 saisons, soit des chaînes ou des chaussettes textiles qu’on peut laisser dans le véhicule pour faire une courte distance. On a une tendance aujourd’hui qui est plus significative sur du pneu 4 saisons pour la partie plaine. Tous les gens qui sont sur les secteurs de Cournon et Lempdes restent sur du 4 saisons. C’est ce pneu qui va être privilégié. Après, on a nos clients qui sont plus dans les hauteurs qui vont prendre du pneu hiver, dans les Combrailles et du côté de Champeix ou Super-Besse, là où il y a un peu plus de neige. Sur Thiers, La Monnerie, tous ces coins, les gens restent sur de la configuration pneu hiver. » Il vend environ 10 000 pneus chaque année.
"Ce n’est pas simple pour nous d’arriver à anticiper la chose"
Pour l’instant, à Lempdes, pas d’affluence liée à la loi Montagne, un problème d’information, selon Franck Bouilhac : « On n’a pas plus de clients que ça même si nous, on prône le changement de pneus car on sait que les gens vont être embêtés. On leur dit que s’ils ne sont pas équipés, ça va être 135 euros d’amende. Les gens ne sont pas trop au courant. On est dans une zone de montagne mais ça va être un peu au bon vouloir des préfets. Il y a aussi le fait que l’usager qui va aller travailler dans d’autres zones de montagne, comme à Grenoble, il faudra qu’il soit quand même équipé. Aujourd’hui, on voit que ça arrive à grands pas et on n’en entend pas beaucoup parler. Ce n’est pas simple pour nous d’arriver à anticiper la chose. » En effet, selon une étude GiPA pour le syndicat des professionnels du pneu, seul 1 automobiliste sur 2 a entendu parler de la loi.
Plus de stocks
Chez Franck Boulhiac, pas plus de clients mais des achats différents d'automobilistes qui se préparent à l’application de la loi : « On a vendu beaucoup plus de 4 saisons que l’année dernière. Je pense qu’on va avoir plus de trafic en centre dans quelques semaines. On s’est préparés depuis un moment, on a gonflé nos stocks pour pouvoir répondre à la demande ». Les ventes de pneus hiver dans son centre sont en progression de 15% par rapport à l’année dernière. Le pneu été est en recul de 19%. Au centre Speedy de Clermont-Ferrand, même constat pour le directeur du centre David Grattepanche : « Les gens commencent à s’y intéresser, même si on n’en a pas beaucoup entendu parler. Ils sont un peu au pied du mur car c’est au 1er novembre et on fait partie des 48 départements de France assujettis à cette loi. On a une grosse demande en 4 saisons et c’est le début des commandes de pneus hiver. » Pour le syndicat des professionnels du pneu, ces clients qui anticipent sont surtout des utilisateurs professionnels dont le métier impose de prendre la route de manière régulière : commerciaux, techniciens de service après-vente… Les entreprises semblent plus attentives que les particuliers.
"Les conducteurs qui résident dans un département où l’obligation s’appliquera ne sont que 39% à le savoir"
Pourtant, les usagers au courant de cette loi sont convaincus de la pertinence d’utiliser des pneus hiver : « 60% des automobilistes les jugent utiles. Plus les conducteurs sont jeunes, plus ce choix s’impose : 78% des moins de 25 ans sont convaincus de leur utilité contre 47% des plus de 65 ans », selon l’étude GiPA. En revanche, le cadre défini par la loi reste encore mal connu : « seuls 59% de ceux qui la connaissent savent qu’elle est mise en place dès novembre et 53%, qu’elle prend fin le 31 mars. De même, parmi ceux connaissant la loi, seuls 14% sont à même de dire combien de départements sont concernés, 47% pensent que l’obligation ne s’applique que dans les 15 départements de haute montagne. Les conducteurs qui résident dans un département où l’obligation s’appliquera ne sont que 39% à le savoir et 44% sont convaincus qu’ils en seront exemptés ».
"J’ai bien peur qu’il y ait une grosse pénurie courant novembre"
Plus que l’affluence, à Lempdes, Franck Boulhiac craint la pénurie lorsque le message sera passé : « Est-ce que les manufacturiers vont pouvoir répondre à la demande ? Ça, c’est notre grande interrogation. Aujourd’hui, on a quand même des problèmes d’approvisionnement sur le pneumatique. On essaye d’anticiper au maximum. » Son stock s’élève à environ 11 000 euros de pneus, un chiffre plus importants qu’à l’accoutumée. Il explique passer des commandes chaque semaine, avec à chaque fois une part importante de pneus hiver. Sa crainte est partagée par David Grattepanche à Clermont-Ferrand : « Le problème, je pense, c’est qu’il va y avoir de grosses ruptures de stock de pneumatiques en plein rush. Les manufacturiers n’ont pas forcément fabriqué de grandes quantités, certaines usines ont fermé à cause du Covid dans certains pays, il y a un problème d’acheminement, un problème de matières premières, donc malheureusement, j’ai bien peur qu’il y ait une grosse pénurie courant novembre ».
"On a commandé énormément mais on reçoit très peu"
Lui aussi a dû adapter ses stocks à l’avance, mais les livraisons ne suivent pas. Il s’avoue impuissant : « On a déjà prévu mais est-ce qu’on a prévu assez ? On a fait nos stocks par rapport à l’année dernière et on a compensé avec du 4 saisons, qui a le marquage obligatoire pour pouvoir circuler avec la loi. On a commandé énormément mais on reçoit très peu. On a commandé 10% de plus. Ça ne sera pas suffisant mais on ne peut pas avoir plus pour l’instant. On passe des commandes mais ça n’arrive pas ». Il appréhende l’affluence qui devrait arriver selon lui dans le courant du mois d’octobre, et en prévision, il a déjà embauché de la main-d’œuvre : « J’ai embauché une personne supplémentaire. On va devoir faire des heures supplémentaires pour compenser, parce qu’on ne trouve pas de main d’œuvre. Déjà habituellement, en hiver, on est parfois obligé d’amplifier nos horaires d’ouverture sinon on ne s’en sort pas. »
"Je pense qu’on va avoir beaucoup de monde au dernier moment"
A Thiers, Hazim Cetinkaya, le gérant du centre « Allô pneu Thiers » remarque une augmentation de sa clientèle : « C’est un peu compliqué. Je pense qu’on va avoir beaucoup de monde au dernier moment mais on est obligés de travailler sur commande, on ne peut pas tout avoir. Les ruptures de stock sont souvent sur les tailles qui se vendent le plus, donc celles-là on les commande en avance. Il y a déjà des problèmes, comme le 205-55-16, ceux-là on n’arrive pas à les trouver en 4 saisons. » Pour lui, le problème vient aussi des clients, qui ne sont pas toujours conscients que l’échéance se rapproche : « Pour eux, c’est dans longtemps ou ce n’est pas sûr encore ». Ces 10 derniers jours, sa petite structure a vendu 4 paires de pneus hiver et 14 paires de 4 saisons.
Une loi "importante pour la sécurité"
Le syndicat des professionnels du pneumatique se veut plus rassurant : « Que ce soit du côté des manufacturiers ou des revendeurs, depuis un an, les dispositions ont été prises. Néanmoins, on conseille vivement aux usagers de véhicules aux dimensions un peu particulières de prendre le plus tôt possible leurs dispositions. Concernant le montage, on craint un afflux de clients dans les points de vente dans la dernière semaine du mois d’octobre », précise Dominique Stempfel. Malgré ces craintes, la filière du pneumatique est favorable à cette loi : « Cela fait des années qu’on alerte les pouvoirs publics sur cette carence. Tous les pays frontaliers de la France ont, d’une manière ou d’une autre, mis en place cette obligation dans les zones de montagne. C’est important pour la sécurité de légiférer. De plus, les véhicules immobilisés sur la route des sports d’hiver coutent très cher aux collectivités locales qui doivent dépêcher des secours, ouvrir des gymnases pour héberger les gens… ». Au 1er novembre, les conducteurs qui circuleront dans les zones concernées sans équipement risqueront 135 euros d’amende et une immobilisation du véhicule.