Politique : retour sur 100 ans de communisme auvergnat avec l'historien Mathias Bernard

Mercredi 30 décembre, le Parti Communiste Français fêtait ses 100 ans d’existence. Du congrès de Tours en 1920 à André Chassaigne, député de la 5e circonscription du Puy-de-Dôme, retour sur un siècle d’histoire auvergnate avec Mathias Bernard, président de l'Université Clermont Auvergne.

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Le parti communiste s'implante dans le Puy-de-Dôme et l’Allier dès sa fondation en 1920. L’historien et politologue Mathias Bernard décrit une spécificité auvergnate : « un communisme rural, presque inventé dans le massif central. »

Un premier député socialiste au XIXe

Dès la fin du XIXe siècle, le socialisme est présent dans la région auvergnate où sont établis beaucoup d’ouvriers et des travailleurs ruraux. Dans l’Allier, les bassins de Montluçon et de Commentry hébergent déjà une forme de socialisme radical. Pour Mathias Bernard, « Commentry est considéré comme la première municipalité socialiste du monde. » Christophe Thivrier, mineur puis ouvrier, y est élu maire en 1882. C'est un communiste avant l'heure.

1920 : création du parti et hésitations

En 1920, lors du Congrès de Tours, les communistes font sécession des sociaux-démocrates (SFIO) et forment la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), fidèle à l’Internationale initiée par Lénine. Dans l’Allier et le Puy-de-Dôme, beaucoup de militants rejoignent la SFIC mais la plupart des barons socialistes établis en politique s’y refusent. « Les ténors politiques, comme Joseph Claussat, député du Puy-de-Dôme, restent à la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière). » La SFIC se veut révolutionnaire, ils n'y sont pas prêts.

Dans les années 1920 et 1930, le parti communiste souffre du manque de leaders. « Malgré le bras de fer qui s’installe entre communistes et socialistes, ces derniers restent dominants, explique Mathias Bernard. C’est par exemple le cas avec des hommes comme Alexandre Varenne (fondateur du journal La Montagne), Marx Dormoy (député et sénateur de l’Allier, ministre sous le Front Populaire) ou Joseph Claussat. » Eugène Jardon, élu dans l’Allier en 1939, est le premier député communiste de la région. A l'échelle nationale, le Front Populaire se forme entre 1936 et 1938. Cette coalition de partis de gauches réalise des avancées historiques, comme la semaine de 40 heures et les congés payés.

L’essor du parti avec la Résistance

L’histoire du parti communiste, en Auvergne comme dans le reste de la France, prend un réel tournant avec la Seconde Guerre mondiale et l'engagement en Résistance de nombreux militants. « Des hommes comme Pierre Villon ou Pierre Besset s’imposent dans le paysage politique en Allier et dans le Puy-de-Dôme. » Après la guerre, 800 000 personnes adhèrent au Parti en France.
L'apogée de la guerre froide bénéficie à sa popularité dans les années 1950 et 1960. Dès la fin des années 1960, le PCF perd de la vitesse. Les positions internationales soviétiques et l'opposition du parti aux révoltes de mai 1968 en France lui coûtent une partie de son électorat.
En 1972, avec le Programme commun d'union de la gauche, le PCF s'associe au Parti Socialiste pour porter un projet gouvernemental, qui aboutit finalement à un échec et une victoire de la droite. Le PS dépasse peu à peu le PCF à gauche.
Aux élections législatives de 1997, le PCF obtient 35 sièges et participe à la gauche plurielle, plusieurs ministres sont nommés sous le gouvernement Jospin. Dès 2002, la progression du Front National, notamment dans les milieux ouvriers, entraîne des pertes d'électorat dans le parti communiste, qui tombe dans les sondages.

Un « communisme rural » propre à la région

« Dans nos départements, il y a une bonne résistance du communisme rural, analyse Mathias Bernard. Il est même presque inventé dans le massif central. » André Chassaigne, le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, est député d’une des circonscriptions les plus rurales du département du Puy-de-Dôme, celle de Thiers-Ambert. « Il n'a pas exactement un positionnement ouvrier, mais plutôt de défense des exclus de la croissance et de la mondialisation. » A l’inverse, les ouvriers des usines Michelin sont plutôt guidés vers un syndicalisme chrétien, avec une forte représentation CFDT.
« On peut considérer Thiers comme un bastion communiste encore aujourd’hui, affirme Mathias Bernard. C’est une ville marquée à gauche par la culture ouvrière et associative. » L’ancien maire de Saint-Amant-Roche-Savine, André Chassaigne est élu député dans la circonscription en 2002.  « Il s’est établi pendant vingt-cinq ans avant d’être élu sur la scène nationale, son héritage lui survivra-t-il ? »

Une force politique affaiblie aujourd'hui

« Il semble aujourd’hui illusoire de revenir à un PC hégémonique à gauche, analyse le président de l’université Clermont Auvergne. L'électorat communiste se partage entre un noyau d'anciens plutôt sensibles à l'héritage résistant et une jeunesse assez radicale. » Or la France Insoumise (LFI) attire de plus en plus cet électorat jeune et engagé. Dans les recompositions des gauches à venir, le parti communiste devra certainement faire un choix entre rester un pôle de gauche radicale contestataire et intégrer une majorité de gauche gouvernementale, comme sous François Mitterrand, Lionel Jospin ou le Front Populaire.
Malgré les pertes de certaines villes emblématiques aux municipales de 2020, le PCF conserve plus de 600 municipalités en France, comme Courpière ou Billom, dans le Puy-de-Dôme.

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