Au marché aux puces de Clermont-Ferrand, écoutez ces objets qui ont tant à raconter

Chaque dimanche matin, le marché aux puces de Clermont-Ferrand fourmille d'objets aux histoires étonnantes. De vieux papiers retrouvés dans la maison d'un ancien déporté, un tableau du XVIe siècle à l'origine inconnue, des éléphants aux charmes insoupçonnés. Laissez-vous conter !

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Des feuilles jaunies qui dépassent d’une petite boîte en bois. On pourrait à peine les remarquer si elles n’étaient pas posées là, sur le devant de la table à côté d’un antique tensiomètre en métal noir et des  tableaux représentant des paysages champêtres ou maritimes. « Ce sont des feuilles de certificat de vendange », indique Abdel Mouffok. Sans pouvoir être plus précis, ce jeune brocanteur, installé sur le marché aux puces de Clermont-Ferrand en ce dimanche matin gris et pluvieux, plonge les mains dans la boîte et se met à explorer les feuillets.

« Je n’avais pas trop regardé mais c’était ancien et ça m’a plu. Je n’ai pas voulu les jeter et je les ai amenés ici car il y a toujours des gens intéressés pour ça », confie-t-il. Une vieille typographie, une écriture ancienne. Les feuilles commencent à révéler leur secret. « Je suis en train de regarder l’année…1911 pour celle-là ! Avec la somme de 868 francs. » Le brocanteur, dans sa doudoune rouge, continue son enquête. « Ça parle de vin, de raisins et de vendange. » Certaines feuilles se présentent comme des quittances, d’autres comme des laisser-passer. « Cela concerne les vendanges mais ce n’est pas forcément des fans de vendange qui vont les acheter mais plutôt des fans de vieux papiers. » 

Brocanteur détective

Abdel Mouffok  reste marqué par un autre document qu’il a vendu dix minutes plus tôt. « C’était un diplôme, comme les diplômes des anciens combattants, qui certifiait que cette personne sortait d’un camp de concentration. » Cette personne, un certain C.Fabre. Un homme aujourd’hui décédé dont le brocanteur a débarrassé la maison du petit-fils dans la région. « Quand on entre dans une maison pour la vider, on entre dans la vie des personnes, on est au milieu de leurs objets personnels et à partir de là, je me fais mes petites idées. »

Abdel Mouffok saisit un vieux cadre de photos qui vient, comme les feuilles jaunies et le diplôme, de la maison de C.Fabre. Un homme moustachu. Digne. En uniforme militaire. Képi sur la tête. Un visage un peu triste au milieu d’autres photos de famille. Des jeunes mariés, un jeune communiant, un garçonnet dans un jardin. Des inconnus mais qui autrefois ont compté les uns pour les autres. « Est-ce que c’est lui ? La photo de l’homme en uniforme date de 1914. Ca colle avec les feuillets de vendange», s’interroge le brocanteur. « Mais est-ce que c’est cette personne-là qui sortait aussi des camp de concentration ? »

A partir des tableaux de paysage maritime qui portent la signature « E.Fabre », il en a déduit que C.Fabre avait une femme qui faisait de la peinture. « Cela ne ressemble pas du tout à des paysages auvergnats. On dirait plutôt des paysages comme ceux du côté de l’île de Ré, j’en ai conclu que sa femme venait du nord de la France. Et quand je suis tombé sur le diplôme du camp de concentration, j’ai compris que c’était quelqu’un qui avait vécu un mauvais passage dans sa vie. »

Avec respect, Abdel Mouffok repose les photos à côté de la petite boîte en bois. Les derniers souvenirs d’une vie passée prêts à être dispersés.  

C'est un Van Gogh !

« Combien ? », demande un passant. « 120 euros », répond le propriétaire du stand. La peinture est posée sur deux pages du Progrès, le journal quotidien de Lyon. A l’autre bout du marché aux puces, loin des souvenirs du vigneron d’Issoire, un autre morceau d’histoire tente de se livrer.   « C’est un Van Gogh ! », lance pour se marrer un homme qui s’intéresse vite à un autre objet du stand. « Elle date du XVIe siècle », indique le vendeur. Une toile visiblement découpée. Sans cadre. Epaisse. On pourrait en décrocher la peinture par morceau. Deux personnages masculins semblent chuchoter au fond quand une femme, au premier plan, lève des yeux implorants pour regarder. Mais quoi ? « Je trouve ça joli mais c’est un ensemble dont il manque des parties». Le client intéressé la soulève et la retourne pour l’ausculter de plus près mais finalement lâche l’affaire. « Elle a de la valeur mais ce sera difficile de savoir à quel peintre l’attribuer à moins de faire une recherche sur internet. »

C’est vrai que le trait est maîtrisé. L’allure des grandes œuvres. Comme on en voit dans les musées ou les églises. Mais  l’information se fait rare. Le propriétaire du stand, vieux monsieur peu loquace, ne lâche que des miettes, se plaisant à jouer le mystère. Nullement antiquaire, il se dit simple particulier. Son stand, composé d’objets raffinés, trahit pourtant le connaisseur, l’homme de goût. « Nous l’avons récupérée dans une maison de la région lyonnaise », consent-il à dévoiler entre deux renseignements accordés à ses clients. « C’étaient des personnes âgées qui avaient ça. C’est bien fait. Nous l’avons montrée à un spécialiste. Mais nous n’en savons pas plus. »

Inutile d’insister. L’homme est à l’image des personnages de sa toile. Insondable.

Marie, la panthère rose, Mickey et Olav

Dans un autre angle du marché, là, nul mystère. Ils s’étalent au grand jour. C’est un vrai troupeau. Un comptage au doigt mouillé laisse penser qu’il y en a bien une soixantaine. De toutes les tailles. De toutes les matières. De toutes les couleurs. Avec Fafa pour gardien.

Ce ne sont pas les bibelots qui manquent sur le stand de cet autre vendeur du marché aux puces. Des caisses remplies de vieilles boîtes métalliques, de DVD, de vieux sacs de jute. Une Vierge Marie en plastique côtoie la panthère rose dans sa version lampe. Un savant bric-à-brac. Joyeux comme son propriétaire. Un grand type tout élancé, le visage barré par un sourire constant. Qui virevolte d’un client à l’autre. Un homme au regard timide repart avec une minuscule figurine de Mickey à un euro, un autre aux allures de chasseur s’en retourne avec une statuette de viking russe nommée Olav.

Mais au milieu de cette foire à tout foutraque, ils intriguent. « C’est la première fois que je les expose », annonce Fafa. Dorés. Translucides. En paille. Sous forme de théière. Il y a l’embarras du choix. Défenses en avant, trompe bien en l’air. Des éléphants. Par dizaine. Le plus beau troupeau de pachydermes du marché aux puces. « J’en ai encore. Je ne sors jamais tout », prévient le jovial brocanteur. « Je les ai récupérés chez quelqu’un qui ne jetait rien depuis les années 80 et qui a fini par me les vendre. »

Mais qui peut tant aimer les éléphants ?  Il y a même un mammouth ! « J’en ai déjà vendu trois ! », rétorque Fafa, amusé. « Regardez ! Ca plaît à tout âge ! » Une dame, octogénaire, observe un éléphant gris qui porte un tronc d’arbre avec sa trompe. « Cela semble être un souvenir du Cambodge », confie-t-elle en connaisseuse. « L’éléphant est un porte-bonheur. » Regard étonné. « Il faut qu’il ait la trompe en l’air.» Regard encore plus étonné. «Oui, c’est phallique. »  Mais l’éléphant du Cambodge que l'octogénaire observe tient sa trompe vers le bas. «Alors, elle n'a pas dû l'offrir à son amant !» Regard plus qu'amusé.

La vieille dame reste très sérieuse. Reprend son chemin, l’air de rien. Les éléphants, soudainement, ne semblent plus pareils. Un peu moins kitsch. Ou l’inverse.  

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