On célèbrera en 2023 les 400 ans de la naissance de Blaise Pascal à Clermont-Ferrand. Voici 5 choses que vous ne savez peut-être pas sur Blaise Pascal.
Blaise Pascal est né à « Clairmont » le 19 juin 1623, il compte parmi les plus grands génies de l’humanité, grâce notamment à ses travaux en mathématiques, en physique ou encore en philosophie. La Ville de Clermont-Ferrand se prépare déjà à célébrer l’année prochaine les 400 ans de sa naissance. Dominique Descotes, professeur émérite à l’Université Clermont Auvergne est un ancien directeur du centre international Blaise Pascal. Il explique comment est née sa passion pour cet illustre personnage : « Quand j’étais étudiant, j’avais rencontré un professeur qui était remarquable, Jean Mesnard, un éditeur des livres de Pascal. Il m’a poussé à faire une thèse sur l’argumentation chez Pascal. Cela m’a particulièrement intéressé, parce que cela couvrait tous les domaines, les mathématiques, la physique, l’histoire, le droit, la philosophie et la littérature. J’étais sûr de ne pas m’ennuyer ! Le département de français de l’université de Clermont-Ferrand voulait un pascalisant, pour créer un centre qui réunirait des textes et des documents sur Pascal. C’est pourquoi je suis venu à Clermont-Ferrand ».
Le génie de Pascal
Il confie : « Si le mot génie a un sens, cela vaut pour Pascal. Il touche à beaucoup de domaines différents. Il a développé des choses comme les indivisibles, qui ont donné le calcul intégral et le calcul différentiel. C’était de la mathématique de pointe à l’époque. Dans tous les domaines auxquels il a touché, il a inventé du neuf. Non seulement, il a travaillé dans tous les domaines, mais il y a une interconnexion des domaines ». Dominique Descotes évoque quelques éléments de la biographie de Blaise Pascal : « Il naît en 1623 à Clermont. Il n’a pas connu sa mère, morte très tôt. Son père était magistrat et il a quitté Clermont à la mort de sa femme, pour s’installer à Paris et à Rouen, tandis que son fils commençait très tôt une carrière de jeune savant. En 1656, Blaise Pascal a publié « Les Provinciales », source de polémique avec les Jésuites. Dans les dernières années de sa vie, il a préparé un ouvrage de défense de la religion chrétienne, qu’il n’a jamais achevé et qui a été publié sous le titre de « Pensées ». A côté de cela, il a produit des travaux de genres très différents, comme des traités de mathématiques ou de physique. Il a publié l’expérience du puy de Dôme. Il a inventé la machine arithmétique qui est l’ancêtre de nos ordinateurs, de la pensée artificielle. Il a créé les carrosses à cinq sols, c’est-à-dire des carrosses de transports collectifs, l’équivalent de nos autobus urbains. Cela a marché à Paris : il a dirigé une société de direction de ces carrosses qui ont eu un énorme succès. L’entreprise a très bien marché. Blaise Pascal était aussi un homme d’affaires. Pendant la polémique des « Provinciales », il avait toutes les polices de France à ses trousses qui essayaient de l’identifier car il avait publié cet ouvrage anonymement. Avec ce livre, il a créé la prose française moderne ».
Voici cinq choses que vous ne connaissez peut-être pas sur Blaise Pascal.
1. Un publicitaire avant l’heure
Certes Blaise Pascal n’est pas un Jacques Séguela de son époque. Mais d’après Dominique Descotes, il savait parfaitement faire parler de lui : « Il a publié des travaux sur l’existence du vide dans le monde et sur l’existence de la pression atmosphérique. Il a été très original car l’expérience du puy de Dôme, qui a eu un retentissement énorme, était pour lui une façon d’attirer l’attention des gens, non seulement les savants, mais les gens du monde, qui après les guerres de religion, avaient repris une vie sociale assez intense. Il écrit en général des petits textes. Le compte-rendu de l’expérience du puy de Dôme est un petit opuscule. Il a un don de la publicité, trois siècles en avance. Il prend comme titre non pas l’expérience du puy de Dôme mais « La grande expérience de l’équilibre des liqueurs ». Il ne place pas cela dans le décor habituel des expériences de physique, dans des cabinets de curiosité. A l’époque où il est à Rouen, il convoque le beau monde et le monde intellectuel pour voir des expériences faites avec des tuyaux plein de mercure, de 15 mètres de haut. Il présente son expérience de la pression atmosphérique non pas dans un coin de laboratoire, mais il choisit une montagne, au milieu de la France, bien connue. On retrouve ce talent publicitaire lorsqu’il présente son ouvrage sur la machine arithmétique. Il envoie un prospectus en s’adressant à son lecteur. Il explique qu’il a offert une calculette, une pascaline, au chancelier Séguier, qui est le second personnage du royaume. Il invente la publicité moderne et dit que c’est une machine facile à utiliser, jolie dans un bureau, solide car elle fonctionne convenablement sur les routes les plus cahoteuses entre Clermont et Rouen. De même, « Les Provinciales » sont écrites pour le grand public » .
2. Ses « Pensées » ne sont pas un ouvrage si érudit
Les « Pensées » font parfois peur mais d’après le spécialiste de Blaise Pascal, l’ouvrage est accessible. Dominique Descotes indique : « C’est un ouvrage qu’il a entrepris sur la fin de sa vie. On dit que c’est une démonstration de la religion chrétienne mais ce n’est pas le cas. Il y a bien sûr des passages consacrés aux prophéties, à l’histoire du peuple juif, à des épisodes de l’histoire sainte. Mais c’est plus fait pour secouer l’inertie d’un certain nombre de personnes indifférentes en matière de religion et ce n’est pas du tout un ouvrage érudit. Il y a des parties qui sont complètement développées, avec par exemple un texte sur l’imagination qui est brillant, un texte sur le divertissement qui montre comment l’homme se passionne pour des choses pas toujours très utiles, comme la chasse. Il ne connaissait pas encore le football mais disait que les gens se divertissent en s’envoyant une balle. Il y a aussi des fragments très importants, comme l’argument du pari. Ce n’est pas une preuve de l’existence de Dieu mais cela démontre seulement une chose, que les gens qui ne croient pas choisissent la solution la pire. C’est un texte qui a provoqué des discussions très intenses depuis des siècles. Il y a un très beau texte sur les trois ordres. Pascal dit qu’il y a trois ordres : il y a l’ordre de la force c’est-à-dire l’ordre des corps, au-dessus il y a l’ordre des esprits et au troisième étage, l’ordre de la charité. Il affirme que ces ordres sont complètement indépendants les uns des autres. Il dit que l’ordre de la force, l’ordre des souverains, n’a pas à intervenir dans l’ordre des esprits. Il ajoute que l’ordre des esprits est l’ordre des savants : ils comprennent bien ce qu’il se passe dans l’ordre des corps mais l’ordre des esprits n’a rien à faire dans l’ordre de la charité, qui est l’ordre de la religion. Tout cela est décrit dans un langage poétique. Pascal est probablement un de nos poètes ignorés. Cet ouvrage est inachevé, il avait développé certaines idées mais pas toutes ».
3. Sa théologie est marquée par Saint-Augustin
On a souvent qualifié la piété de Blaise Pascal de janséniste. Mais d’après Dominique Descotes, il faut aller chercher plus loin : « Les gens de Port-Royal suivaient un théologien qui s’appelait Jansénius. La piété de Pascal remonte plus à Saint-Augustin. L’augustinisme est une forme religieuse qui n’est pas du tout hérétique. Ce courant est présent chez les grands auteurs du XVIIe, comme Racine, La Rochefoucauld, La Bruyère. C’est une forme religieuse qui n’est pas de la théologie scolastique. C’est surtout un mode de spiritualité qui est très bien incarné chez Pascal. Quand on dit de quelqu’un qu’il est janséniste, on dit qu’il est austère jusqu’à la stupidité mais ce n’est pas ça du tout. L’augustinisme insiste sur la faiblesse de la nature humaine, suite au péché originel : les hommes ne peuvent faire le bien que s’ils sont aidés par Dieu et par la grâce. Il y aussi une prière à Dieu sur le bon usage des maladies. Ce n’est pas une prière pour demander la guérison car il considère que la maladie vient souvent d’une maladie désordonnée. Si on est malade, c’est peut-être que Dieu la bien voulu. Ce qui est terrible dans la maladie, c’est que cela n’a pas de sens. Sa prière s’interroge sur le sens donné à cette expérience terrible qu’est la maladie ».
4. Les « Provinciales » ont été un best-seller
Dominique Descotes insiste sur le très grand succès qu’a connu Blaise Pascal grâce à cet ouvrage : « C’est un texte qui a fait la réputation de Pascal. C’est le grand succès de librairie clandestine du XVIIe siècle, avec « L’Astrée ». Il s’agit d’un recueil de 18 lettres, des lettres ouvertes où Pascal commence par protester de la manière dont certains augustiniens étaient traités par le gouvernement et l’Eglise. Ils étaient très mal vus et très mal traités. Il a aussi écrit sur la morale des jésuites et sur la charité chrétienne en lien avec la polémique. Il a également évoqué la calomnie. Son style est très amusant. Cet ouvrage a connu un très grand succès. Dès que les livres étaient saisis par la police, il fallait les réimprimer ».
5. Pascal n’a pas toujours écrit sous son nom
Les lecteurs de l’époque ne savaient pas forcément qui signait les ouvrages qu’ils lisaient. Blaise Pascal a eu recours à divers pseudonymes. Dominique Descotes raconte : « Pour les « Provinciales », il a signé sous le nom de Louis de Montalte (les « Provinciales » étaient anonymes; le pseudonyme n'est apparu que lorsqu'on les a publiées en recueil). Pour les « Traités sur la roulette », il a signé Amos Dettonville. Amos est le nom d’un prophète alors que Dettonville est un nom bien français. Il était persuadé qu’il dessinait les mathématiques de demain. Pour les « Pensées », il avait prévu Salomon de Tultie (on le sait par l'un des fragments du manuscrit des « Pensées », le pseudonyme n'a jamais été publié). Salomon est la sagesse et Tultie fait référence à la folie en latin. La folie de la sagesse est la religion. Les trois noms en question sont des anagrammes. Il y a plusieurs raisons pour expliquer ces pseudonymes. L'auteur des « Provinciales » avait toutes les polices de France et les agents des jésuites aux trousses. Les auteurs d'opuscules qui allaient contre les volontés de l'État pouvaient fort bien finir à la Bastille. Secundo, c'est une habitude de ne pas confondre l'identité propre d'un homme et son état d'auteur ; des personnes de rang élevé (comme La Rochefoucauld, duc), ne devaient pas faire profession d'auteur ; Pascal n'est que de petite noblesse, mais à ses yeux, il faut être discret sur sa production littéraire et scientifique (même s'il n'y a pas de danger du côté de la police). Enfin, mettre son nom en tête d'un livre peut fort bien être marque de vanité ou d'orgueil, chose mal vue chez les augustiniens. Mais Pascal n'a pas hésité, malgré tout, à mettre son nom sur la machine arithmétique "Blasius Pascal inventor" est marqué sur le boîtier de la machine arithmétique). Il a aussi mis son nom (les initiales B.P.") sur le récit de l'expérience du puy de Dôme. La satire contre les "auteurs" qui portent sur leur air leur qualité d'auteur est très fréquente au XVIIe siècle. Pensez au Trissotin et au Vadius des « Femmes savantes » de Molière. Pascal est très sévère pour la vanité d'auteur dans les « Pensées ». Et puis c'est en partie un jeu. La troisième « Provinciale » est signée : E. A. A.B. P. A. F. D. E . P., au lecteur de deviner ce que cela veut dire ! La solution serait, d'après les sources: Et Ancien Ami Blaise Pascal Auvergnat Fils d'Étienne Pascal. Mais bien entendu, personne n'a été assez malin pour trouver... ».
Si vous souhaitez découvrir les « Pensées » de Blaise Pascal, avec des extraits du manuscrit, l’ouvrage est accessible en ligne. Ce site a été co-créé en 2011 par Dominique Descotes.