Le Premier ministre Michel Barnier doit dévoiler son budget 2025 jeudi 10 octobre. Il veut réduire la dépense publique. Parmi les pistes envisagées, il a évoqué l’apprentissage. En Auvergne, certains acteurs économiques sont inquiets.
“Nous devons tous faire un effort et nous retrousser les manches” a annoncé le Premier ministre Michel Barnier dans un entretien à La Tribune Dimanche, dimanche 6 octobre. Il doit présenter jeudi 10 octobre son budget 2025 et trouver 60 milliards d’économies. Parmi les pistes évoquées, il a évoqué la fraude fiscale et l’apprentissage pour réduire la dépense publique. L’aide de 6 000 euros versée aux entreprises comme prime à l’embauche d’un apprenti pourrait être revue à la baisse. Le gouvernement réfléchit également à réserver cette prime à l’embauche aux entreprises de moins de 250 salariés. Un projet d’économies qui préoccupe les syndicats patronaux en Auvergne. Nicolas Bagel, président de la CAPEB 63, une organisation professionnelle qui représente l’artisanat et les petites entreprises du bâtiment, explique : “Ce projet nous inquiète et c’est un très mauvais signal. L’aide à l’apprentissage est actuellement de 6 000 euros quand on embauche un apprenti. D'après ce qu’on nous dit, elle va être rabotée à 4 500 euros, soit 25 % de moins. Une aide à l’apprentissage est une aide à la décision pour prendre un apprenti”.
"L'apprentissage est la voie de l'excellence"
Il craint des conséquences sur le plan de l’emploi : “L’apprentissage est la voie de l’excellence. Six mois après la sortie de l’apprentissage on a 83 % des jeunes qui sont en insertion professionnelle et qui ont été embauchés. Les aides permettent à un employeur d’embaucher un apprenti. Cette enveloppe compte beaucoup car lors de la première année, l’apprenti coûte à l’entreprise. Il ne connaît pas encore le métier. On est obligés de consacrer beaucoup de temps pour le former. Il va moins vite qu’un salarié normal. Ces 6 000 euros servent à compenser la perte de temps et de chiffre d’affaires pour l’entreprise”. Nicolas Bagel ajoute : “Sur le plan national, on doit en être à 1 million d’apprentis. Au BTP CFA du Puy-de-Dôme, on est passés de 350 apprentis à 750 aujourd’hui. Sans cette aide, les entreprises hésiteront à embaucher des apprentis. On risque d’avoir un fléchissement des embauches d’apprentis”. Nicolas Bagel siège au conseil d’administration du BTP CFA. Il confie : “Moins d’apprentis c’est aussi moins de financement pour les CFA. Ils sont inquiets”.
" C’est l’avenir de nos jeunes et de nos entreprises que l’on met en jeu"
Même son de cloche pour Claude Vincent, président du MEDEF 63. Il indique : “C’est une mesure qui nous inquiète. On a enfin relancé l’apprentissage depuis 2018, dans un pays où il était un peu mal vu. Il me paraît dommage de ralentir cela. On attend de savoir quelle sera l’épaisseur du coup de rabot”. Il craint que les mesures d’économies ne soient radicales : “J’aimerais être sûr qu’il reste 4 500 euros d’aides sur l’ensemble des contrats, ce qui n’est pas gagné. Si on en restait là, le frein ne serait pas énorme. On prenait la totalité de l’aide et on jouait notre rôle de formateur. Si on baisse cette aide, il y aura forcément des personnes pour dire qu’elles n’auront pas les moyens de payer 1 500 euros de plus. J’ai bien peur qu’on baisse encore plus l’enveloppe d’aide, voire qu’on la supprime complètement sur certaines catégories”. Pour lui, il faut défendre l’apprentissage : “On est passé de 300 000 alternants en 2018 à 1 million aujourd’hui. On sait bien que c’est la meilleure façon de former les jeunes. C’est l’avenir de nos jeunes et de nos entreprises que l’on met en jeu”.
"La stabilité financière des CFA est en jeu"
Du côté des CFA, le projet du gouvernement inquiète aussi. Benoît Ayme est le directeur du CFAS Auvergne : ce centre de formation d’apprentis est spécialisé dans l’accompagnement de personnes en situation de handicap. Il souligne : “On entend parler d’une baisse de cette aide à 4 500 euros ou de la réserver aux entreprises de moins de 250 salariés. Si les entreprises sont moins aidées, on peut craindre qu’elles soient moins prêtes à embaucher des apprentis”. Benoît Ayme redoute des conséquences pour les CFA : “Notre CFA s’adresse plutôt à des petites entreprises, de moins de 250 salariés, sur des petits niveaux de qualification. On sera peut-être moins impactés mais cela va forcément nous toucher aussi. Quand l’écosystème est moins favorable, on a des entreprises qui sont plus frileuses. L’apprentissage a fait ses preuves pendant des années et il mérite d’être soutenu". Il poursuit : "Dans les CFA on sait qu’on a un coût contrat : selon la formation, un CFA touche X milliers d’euros. Cela fait des années que ce coût contrat a tendance à baisser. À un moment, il devient plus difficile pour les CFA de continuer à investir, de moderniser l’appareil de formation. La stabilité financière des CFA est en jeu”.
Michel James est le directeur du CFA Formasup Auvergne, une structure qui accompagne 2 900 apprentis cette année. Il est plus mesuré : “Il faut faire un effort et il est gérable par l’ensemble de l’écosystème. Les entreprises de plus de 50 personnes seront capables de se passer d’aides. Pour les plus petites, cela risque d’être plus compliqué. Une baisse de l’aide de 6 000 à 4 500 euros est absorbable par une grande partie des acteurs”. Il conclut : “Cette mesure peut impacter nos effectifs. On aura probablement une baisse, mais on n’est pas trop inquiets. L’alternance a aussi un rôle social”.
À la veille de la présentation du projet de loi de Finances 2025, le gouvernement cherche encore à réaliser des économies. Dans La Tribune Dimanche, Michel Barnier avait estimé : “L’apprentissage est une belle réussite. Mais cela a pu créer des effets d’aubaine coûteux”. L’apprentissage va-t-il en faire les frais ? Fin du suspense demain.