La colère monte chez les chauffeurs de taxi du Puy-de-Dôme. En cause : la mise en place d’une nouvelle convention par la Caisse nationale d’assurance maladie, jugée "totalement inacceptable" par les professionnels.
Après les agriculteurs, les fonctionnaires et les cheminots, c'est au tour des taxis de monter au créneau : une nouvelle réforme de la CNAM menace, selon eux, leur survie. En effet, une réforme annoncée par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) prévoit une réduction d’« environ 20 % » des tarifs des transports sanitaires à partir de 2025, d'après les syndicats. Cette mesure provoque la colère des chauffeurs de taxi du Puy-de-Dôme. Déjà confrontés à des charges élevées et des marges en baisse, ils se disent prêts à se mobiliser pour défendre leur avenir face à cette réforme qu’ils jugent catastrophique.
"On perdra 30 à 40 % de notre chiffre d'affaires annuel"
Pour Philippe Bru, vice-président de la Fédération des taxis indépendants du Puy-de-Dôme (FTI 63), la situation est devenue insupportable. « La convention avec la CNAM est encore plus dure que les précédentes. On grignote constamment sur nos marges. C'est insupportable. Nos entreprises et nos trésoreries sont mises à mal. »
Il précise : « Nos véhicules sont de plus en plus chers à acheter, à entretenir, et les charges sociales n'ont cessé d'augmenter. Mais les tarifs, eux, continuent de baisser. Si cette nouvelle convention entre en vigueur, on perdra 30 à 40 % de notre chiffre d'affaires annuel. C’est une perte énorme pour des petites entreprises comme les nôtres. Cette réforme va nous tuer. »
Philippe Bru prend l'exemple d'un trajet pour une dialyse : « Aujourd’hui, un transport simple d'une vingtaine de kilomètres coûte environ 40 euros. Avec la nouvelle convention, ce même trajet serait facturé 25 euros. Vous enlevez un tiers de notre chiffre d’affaires, et vous avez notre situation de demain. » Il prévient que de nombreux collègues, pour qui le transport sanitaire représente leur activité principale, risquent de se retrouver en faillite.
La crainte d'une déréglementation et d'une concurrence déloyale
Phillippe Bru n'est pas le seul à s'inquiéter de cette réforme. À Riom, Nans Planat, chauffeur de taxi depuis 15 ans, confie : « Le transport sanitaire représente 60 % de mon chiffre d’affaires. Si on nous divise le tarif par deux, dans un an, ce ne sera plus viable. On court à la catastrophe. » Il ajoute : « Les VSL [véhicules sanitaires légers, NDLR] pourraient devenir plus compétitifs. Mais ce qui nous inquiète vraiment, c’est la concurrence qui pourrait arriver des grandes entreprises de transport, comme Uber ou Bolt. Ces plateformes pourraient se lancer dans le transport sanitaire et nous, les petits artisans taxis, on ne pourra pas rivaliser. Cela au détriment de la population qui aura besoin de ces services. »
Le secteur, déjà fragile, craint une déréglementation qui ferait le jeu de ces géants de l’économie numérique, et qui priverait les patients de services de qualité. Nans, tout comme d’autres chauffeurs, est particulièrement inquiet pour les patients des zones rurales, qui dépendent en grande partie des taxis pour leurs déplacements médicaux.
Une profession à bout de souffle
Anthony Bru, un autre chauffeur de taxi, exprime également son exaspération face à la situation : « Depuis 2019, nos marges sont de plus en plus réduites. Les charges de fonctionnement, l’Urssaf, les prélèvements sociaux… Tout augmente, mais nos tarifs restent les mêmes. Ce sont nos salaires qui servent d’ajustement, et ça ne tient plus. » Il précise : « Le transport sanitaire représente 75 % de mon chiffre d’affaires. Si cette baisse des tarifs se confirme, beaucoup d’entre nous ne pourront plus tenir. La situation est déjà critique, mais avec cette réforme, certains taxis vont devoir fermer leurs portes. »
Selon les chauffeurs interrogés, la réforme de la CNAM, qui vise à rationaliser les dépenses de santé, pourrait entraîner une catastrophe dans le secteur du transport sanitaire, à la fois en termes économiques et sociaux. Dans un contexte de coûts toujours croissants pour les taxis (assurances, carburant, entretien des véhicules, etc.), une telle baisse de revenus pourrait être fatale à certaines entreprises.
"On ira jusqu'à Paris s'il le faut"
Dans ce contexte, les chauffeurs de taxi du Puy-de-Dôme ne comptent pas rester les bras croisés. « Si la CNAM campe sur ses positions, on ira jusqu'à Paris, s'il le faut, pour nous faire entendre », promet Nans Planat. « Il est difficile pour nous de laisser nos clients malades pour manifester, mais il le faut. Ce n’est pas seulement pour nous, mais pour toute la population. Si cette réforme passe, beaucoup de taxis vont disparaître, et il sera difficile de remplacer ce service de proximité indispensable. »
Pour Philippe Bru, « faire des économies, oui, mais pas à n’importe quel prix. Il faut que la CNAM comprenne que derrière chaque transport sanitaire, il y a un être humain à accompagner. »
Les chauffeurs de taxi du Puy-de-Dôme, solidaires dans leur colère, sont prêts à défendre leur profession et l'avenir du transport sanitaire, un secteur essentiel à de nombreux patients. Une réunion est prévue ce mercredi 20 novembre pour envisager une mobilisation. La question est désormais de savoir si les pouvoirs publics entendront leurs revendications.