CHU de Clermont-Ferrand : pourquoi les syndicats craignent des départs parmi le personnel

Mutation, démission, mise en disponibilité... depuis cet été, les syndicats du CHU de Clermont-Ferrand expliquent être très sollicités par le personnel. Le pass sanitaire n'est pas la seule source d'inquiétude. Pour la direction, la situation n’est pas préoccupante.

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Le 26 mai dernier le plan blanc a été levé au CHU de Clermont-Ferrand. Après des mois confrontés à la crise du COVID et à ses vagues successives, le personnel de l’hôpital a été mis à rude épreuve. Depuis quelques jours, nombreux sont les salariés du CHU qui se renseignent auprès des organisations syndicales pour entamer des démarches afin de quitter l’établissement, selon Marie Anne Barlot. La représentante du personnel Sud santé sociaux au CHU de Clermont-Ferrand explique: « Lors d’une réunion la semaine dernière, à une question sur le nombre de demandes de disponibilités, de démissions ou de mutations, la directrice des ressources humaines nous a répondu qu’elle voyait au cas par cas. Mais nous, à Sud santé sociaux, on a connaissance de plusieurs agents qui depuis la levée du plan blanc ont obtenu des mutations intra et interrégionales et des accords de disponibilité pour partir travailler dans des structures privées. Récemment, depuis le début du mois d’août, on a énormément de questions de la part de personnes pour qui le COVID, les modifications de travail, l’obligation vaccinale ont été déclencheurs : ces gens veulent changer de vie ».

C’est révélateur d’un ras-le-bol des conditions de travail et de la rémunération

Même constat auprès de la CGT. Eric Rodier, délégué du personnel CGT, indique : « Nos inquiétudes sont confirmées par les différents appels des agents. Ils nous demandent comment faire pour quitter l’hôpital comme on n'est plus en plan blanc. Mais quand on demande les chiffres à la direction des ressources humaines, on nous répond qu’il n’y a pas de souci. Dans les services, ça pose des problèmes. Les personnels se renseignent pour des mises en disponibilité, des mutations, des démissions. Cela touche les infirmiers, les aides-soignants, les manipulateurs radio par exemple. Ce n’est pas figé à un métier. C’est révélateur d’un ras-le-bol des conditions de travail et de la rémunération. Suite au Ségur, le personnel soignant va être reclassé à partir du 1er octobre mais le résultat c’est 35 à 40 euros brut d’augmentation pour un aide-soignant par exemple. Mais on va nous prolonger notre carrière de 7-8 ans. On n’a aucune reconnaissance salariale. Les infirmières françaises étaient au 28e rang de l’OCDE en matière de rémunération. Avec la revalorisation, elles vont être 23e ».

On était dans la rue avant le COVID pour réclamer des postes et des lits et on n’a pas été écoutés

Marie Anne Barlot avance plusieurs explications : « C’est le signe d’un malaise dans la profession. Rien qu’hier on a répondu à deux infirmiers qui veulent démissionner ou bénéficier d’une rupture conventionnelle qui existe maintenant dans la fonction publique hospitalière. On a aussi des collègues qui font calculer leurs droits à pension de retraite. Ils veulent éviter de subir une réforme annoncée qui allongerait le temps de travail. D’autres cherchent des emplois où les conditions de travail sont un peu meilleures ou ne souhaitent pas rester du tout dans le soin. Les conditions de travail ont été fortement dégradées par le COVID mais pas seulement. Les gouvernements successifs ont voté des coupes budgétaires, on va vers une industrialisation des hôpitaux, on entend des directeurs financiers qui nous parlent de notre production. Il y a de plus en plus de fermetures de lits et on nous dit qu’on les rouvre après. Il y a des mutations de l’hôpital qui font que certains ne s’y retrouvent pas. On était dans la rue avant le COVID pour réclamer des postes et des lits et on n’a pas été écoutés ».

Une direction qui se veut rassurante

Du côté de la direction du CHU de Clermont-Ferrand, on se veut rassurant. Didier Hoeltgen, directeur général, souligne : « Je ne constate pas une hémorragie, ni sur le CHU,ni dans les autres établissements. C’est peut-être ressenti comme un moment difficile mais j’ai comme information que le taux d’absentéisme a un peu augmenté mais il n’est pas explosif. Il était à 10,50% et il est passé à 11,19%. Avec les syndicats on a évoqué ce matin, en CHSCT extraordinaire, la rumeur qui disait qu’il y avait beaucoup de démissions du fait de la situation et du pass sanitaire. Or, on a enregistré aucune démission sur ce thème ». La mise en place du pass sanitaire auprès du personnel du CHU pourrait dégrader la situation. Le directeur général avance : « Je suis témoin de certaines inquiétudes. Au service de la direction des ressources humaines, qui réceptionne toutes les demandes de mutation et de démission, il n’y a pas de demandes pour cause de pass sanitaire ou d’épuisement post COVID. La situation est normale. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de démissions, il y a un turn over qui est normal et qui n’est pas inflationniste. On n’a pas la totalité de la couverture vaccinale. On estime entre 74 et 80% le pourcentage de vaccinés. Je pense qu’on est même au-delà. Il y a des dispositions de loi pour les personnes qui ne se vaccineraient pas. Mais pour le moment, l’objectif n’est pas la sanction, mais faire en sorte que tout le monde soit vacciné. Notre idée est d’accompagner les professionnels pour qu’ils puissent assumer leurs fonctions. Si 12 personnes sur 2 000 sont réfractaires, c’est presque une proportion statistique. On va voir au cas par cas. Des agents ne sont pas encore revenus de vacances ».

Le problème du pass sanitaire

Marie Anne Barlot ne cache pas ses craintes : « On est très inquiets par la mise en place du pass sanitaire. On a beaucoup d’agents qui nous posent des questions avec cette obligation vaccinale qui s’impose tant aux soignants qu’aux techniciens, aux ouvriers et aux administratifs. Notre syndical n’est pas hostile à la vaccination mais on défend le droit de chacun à une liberté de choix. On surveille que le secret médical soit bien respecté. Fin juillet, on a eu une note de service expliquant qu’on avait 80% de personnes vaccinées au CHU. La direction nous a récemment dit que 4 300 personnes ont récemment déposé leur statut vaccinal, soit environ 50% du personnel médical et non médical ». Elle poursuit : « A partir du 15 septembre, il faut avoir une première dose et un test, ou une vaccination complète. A partir du 15 octobre, il faut avoir une vaccination complète. On est en état d’urgence jusqu’au 15 novembre. L’encadrement a pour consigne de demander aux agents s’ils sont en règle. Ils vont être convoqués par l’administration pour leur expliquer à quoi ils s’exposent s’ils ne sont pas en règle. S’il y a des sanctions et des personnes mises à pied, ça va créer des tensions dans les services. Avec le pass sanitaire, certains se demandent s’ils peuvent poser des congés s’ils ne sont pas vaccinés. Il y aura une fuite de personnel. Les employeurs peuvent proposer du télétravail, de la mise à l’abri du contact. Mais c’est difficile à l’hôpital. Si des gens sont mis à pied car non vaccinés, comment vont tourner les services ? C’est notre grande inquiétude. Les agents vaccinés reprochent aux autres de les lâcher ».

 Il y a 18 mois, on nous applaudissait à 20 heures. Là, on nous dit qu’il faut être vacciné sinon on nous suspend

Eric Rodier, délégué du personnel CGT, ajoute : « Il y a 18 mois, on nous applaudissait à 20 heures. Là, on nous dit qu’il faut être vacciné sinon on nous suspend. A partir du 15 septembre, il y aura des suspensions sans salaire. On est interpellés par des agents qui réfléchissent et qui ne veulent pas être vaccinés. Comment vont-ils vivre ? On a un absentéisme à Clermont-Ferrand de 11 %. Avec le pass sanitaire, comment vont-ils faire pour faire tourner les services, s’il y a du personnel suspendu ? La direction dira qu’elle verra en temps utile. Les lits vont-ils fermer ou les horaires du personnel vont-ils être restructurés ? ».

Des difficultés de recrutement

De son côté, la direction de l’hôpital se veut moins alarmiste : « Pour les infirmiers du CHU, on n’a qu’une douzaine de personnes qui disent qu’ils ne sont pas d’accord avec le pass sanitaire : c’est 12 personnes sur 2 000. Je ne dis pas que le ressenti est faux mais il y a une différence avec ce que l’on voit sur le terrain. On gère la situation ». Cependant, le directeur général du CHU concède certaines difficultés : « On a une difficulté de recrutement car les viviers, tant sur les aides-soignants, que les ASH et les infirmiers sont à sec. D’habitude, à cette époque, on avait un vivier de postulants potentiels et là, ce n’est pas le cas. Les collègues des EHPAD n’ont pas non plus de demandes de recrutement. Voilà ce qui est préoccupant. La difficulté est aussi qu’il faut relancer toutes les filières de soins à la rentrée. On a eu durant la période des congés quelques lits fermés dans certains services. Au CHU, on arrivera à les rouvrir mais peut-être que dans les filières d’aval, les EHPAD et les hôpitaux locaux, ça sera plus compliqué. On a besoin de ces lits d’aval. Aux urgences, on reçoit 200 patients par jour mais si on n’a que 10 lits d’aval, cela va être compliqué. Cette situation est normale chaque année ».

Des lits fermés l'été

La représentante du personnel Sud santé sociaux au CHU de Clermont-Ferrand précise : « Les conditions de travail sont difficiles, car il y a tout l’affect lié à la profession. Même si le gouvernement annonce des places dans des instituts de formation, pour l’instant, les promotions d’infirmières ou d’aides-soignantes ont tout le mal du monde à combler les besoins de remplacement en raison de l’absentéisme dans nos professions. Cet été, l’hôpital a fermé des lits pour donner des vacances aux agents qui en attendaient depuis des mois ». A peine les vacances terminées, le personnel sait qu'il sera à nouveau très sollicité pour faire face à l'épidémie.

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