Clermont-Ferrand : des lycéens manifestent pour « la liberté vestimentaire », Laurent Wauquiez dénonce un « rassemblement à caractère communautariste »

Mercredi 19 octobre, un rassemblement a eu lieu devant le lycée Ambroise-Brugière de Clermont-Ferrand. La Région Auvergne-Rhône-Alpes évoque un « rassemblement communautariste », pour le droit de porter le voile. Ce qualificatif est récusé par des syndicats lycéens, enseignants et étudiants.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Que s’est-il réellement passé ce mercredi 19 octobre, devant les grilles du lycée Ambroise-Brugière de Clermont-Ferrand ? En début d’après-midi, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a publié un communiqué de presse, évoquant « un rassemblement à caractère communautariste ». Le communiqué précise : « Un petit groupe d’individus, qui a partiellement bloqué l’accès au lycée pendant une heure, exige que le droit soit accordé aux lycéennes de porter des vêtements islamiques, et notamment le voile, dans l’enceinte de cet établissement public. Cette manifestation vise à remettre en cause un principe sacré de notre République : la laïcité. Ce rassemblement est une provocation qui ne doit souffrir d’aucune tolérance. La réponse de l’Education Nationale doit être extrêmement claire : l’immixtion dans nos établissements publics de ces signes ostentatoires n’est pas admissible. La Région Auvergne-Rhône-Alpes demande l’intransigeance la plus totale à l’endroit des élèves qui tenteraient de se soustraire aux lois de notre République et des prosélytes islamistes qui encouragent et organisent la transgression de la loi dans nos écoles, collèges et lycées ». Un peu plus tard, le président (LR) de la Région s'est fendu d'un tweet : "L’islamisme n’a pas sa place chez nous. Nos lycées doivent demeurer des sanctuaires et nous ne reculerons jamais devant ceux qui contestent nos règles et nos valeurs". 

Un tract distribué

Nous avons pu nous procurer un tract qui a été distribué ce mercredi matin devant le lycée.

Olivia Lalande, responsable fédérale de la Voix lycéenne, était présente ce matin lors du rassemblement. Elle décrit : « Ce matin a eu lieu un rassemblement pacifique, à caractère humaniste devant le lycée. Il y avait environ 300 personnes, de 7h40 à 10 heures. La revendication principale porte sur les tenues vestimentaires. Il y avait un blocage filtrant ». Elle explique le point de départ de ce rassemblement : « Des élèves ont été convoquées par le proviseur et des professeurs à deux ou trois reprises depuis la rentrée. Les jeunes filles ont discuté pendant une heure et en sont ressorties en pleurant. Leur tenue posait problème, elles portaient des vêtements trop amples ou trop longs ». La lycéenne réfute le terme de communautariste employé dans le communiqué de la Région Auvergne-Rhône-Alpes : « Je ne comprends pas ce terme de communautariste. Ce n’était en aucun cas un rassemblement à caractère communautariste. S’il l’avait été, il viserait à enfermer une communauté dans une sphère donnée. Or là, on a agi pour qu’il y ait une forme d’homogénéité de la société et pour qu’il n’y ait pas de communautarisme. Je ne comprends pas les propos de la Région. Le voile n’est pas au cœur du rassemblement. On parle des crop tops et des robes longues. C’était avant tout un rassemblement laïc ».

On demande le droit de pouvoir s’habiller librement

Olivia Lalande, responsable fédérale de la Voix lycéenne

Olivia Lalande explique pourquoi l’installation d’un miroir à l’entrée du lycée fait partie des revendications : « Ces jeunes filles demandent la mise en place d’un miroir afin de vérifier si leurs tenues correspondent aux tenues demandées par l’école de la République. Elles se disent qu’elles s’habillent comme elles veulent en dehors du lycée mais quand elles y rentrent, elles respectent les codes qui leur sont demandés par l’Education Nationale. Ces revendications sur les tenues vestimentaires vont du crop top aux vêtements larges. On veut que les lycéennes et les lycéens, qui parfois portent des survêtements un peu larges, ne soient pas discriminés. On demande le droit de pouvoir s’habiller librement ». Elle poursuit : « Il y a une proposition d’assemblée générale pour aborder la question des tenues vestimentaires dès la rentrée. Le proviseur nous a paru prêt à dialoguer. Les droits des lycéens ou des lycéennes sont remis en question. Ils ne peuvent pas s’habiller comme ils le veulent, mettre un crop top ou une robe longue ».

Un syndicat étudiant mobilisé

Lisa Thuaire, militante du syndicat étudiant UNEF, était au cœur du rassemblement de ce mercredi matin. Elle raconte : « L’UNEF était présent pour assurer un soutien logistique aux lycéens. Des lycéennes, quand elles rentrent dans le lycée en robe longue, se font reprendre par des professeurs. Elles revendiquent de pouvoir s’habiller comme elles le souhaitent, que ce soit en crop top, en mini-jupe ou en robe longue. On a vu des slogans comme « Mon corps, mon choix », des slogans qui sont beaucoup scandés lors de manifestations féministes ». Elle nuance le terme de communautarisme : « Je comprends ce terme de communautariste mais je le remets en question. Il est injuste. Les lycéennes revendiquent de s’habiller comme elles le souhaitent, que ce soit en robe longue ou en mini-jupe. Ce n’est pas du communautarisme, c’est défendre leurs droits. Elles ne portent pas l’abaya, elles portent des robes longues achetées chez H&M. Le proviseur considère que ce sont des abayas et que ce sont des symboles religieux mais les jeunes filles revendiquent le port de la robe longue ou du crop top. Les lycéennes ne revendiquent pas le droit de porter des vêtements religieux. Les lycéennes musulmanes d’Ambroise-Brugière enlèvent le voile avant d’arriver, elles respectent les codes républicains et laïcs. Elles veulent juste porter des robes et des crop tops sans subir des pressions patriarcales, des violences sexistes ».

Je suis outrée par les propos de la Région

Sophie Brutus, cosecrétaire départementale CGT Educ’action 63

Sophie Brutus, cosecrétaire départementale CGT Educ’action 63, n’était pas présente ce mercredi devant le lycée mais des professeurs lui ont fait le récit des événements : « Beaucoup d’élèves se sont rassemblés devant les grilles du lycée. Ils ont mis des poubelles pour mettre en place une entrée filtrante des élèves et des personnels. Ils avaient un tract sur la question des tenues à l’école. Ils abordent des problématiques liées au crop top et aux tenues larges, notamment concernant les filles. Ce blocage a duré jusqu’à 9h30-10h00 et ensuite une délégation de lycéens a été accueillie par la direction de l’établissement. Le rassemblement s’est fait dans le calme ». La représentante syndicale est choquée par le communiqué de la Région Auvergne-Rhône-Alpes : « Je suis outrée par les propos de la Région. Le lycée Ambroise-Brugière est en plein milieu des quartiers nord, où il y a beaucoup d’élèves issus de l’immigration et des populations précarisées. C’est parce qu’on parle d’un lycée des quartiers nord qu’on parle de communautarisme. Dans le tract des élèves, rien n’apparaissait sur la question du communautarisme. Je trouve vraiment choquante cette réponse où on appelle fermement à arrêter toute contestation de ces élèves, sous prétexte qu’on leur attribuerait une communauté, alors que ce sont des élèves ». Sophie Brutus estime qu’une discussion entre la direction et les élèves pourrait être bienvenue : « Je pense que ça pourrait être positif, cela permettrait aux lycéens et aux lycéennes de pouvoir parler, de concevoir leur lycée. On leur demande souvent de s’impliquer au sein de l’établissement. Je suis favorable à l’idée de les faire participer sur les règles de vivre ensemble ».

Une délégation de jeunes reçue

Du côté du rectorat, on évoque « un rassemblement devant le lycée, avec des banderoles au sujet de la liberté vestimentaire ». Le rectorat ajoute : « Il n'y a eu aucun blocage, aucun lycéen empêché de rentrer dans l'établissement, aucune perturbation, aucune dégradation. Le dialogue s'était instauré. Les explications ont eu lieu, tout est rentré dans l'ordre. Il y a eu une explication sur la loi, sur les valeurs de la République. Il y a eu de la pédagogie faîte sur ces questions de tenues vestimentaires. Il y a eu un échange. On a d'abord noué le dialogue avec le proviseur et on a envoyé sur place un membre de l'équipe “valeurs de la République” qui a entamé le dialogue avec les jeunes devant le lycée, car nous avons constaté que ce rassemblement était composé notamment d'adultes qui n'étaient pas du lycée. Néanmoins, prenant les choses au sérieux et voulant comprendre la chose, le chef d'établissement et cette personne du rectorat ont reçu une délégation de jeunes. Ils ont discuté avec eux et se sont expliqué. Ils sont ressortis au bout de 1 heure ou 1h30, avec une décrispation de la situation ». Le rectorat insiste : " L'Education nationale fait son travail de pédagogie et les jeunes ont eu des réponses à leurs questions". 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information