Alexandre Avril, maire (UDR) de Salbris (Loir-et-Cher) a organisé pour des écoliers un goûter pour fêter la "Saint-Nicolas". Il s'est indigné sur X qu'une enseignante de sa commune l'ait signalé à l'inspectrice d'Académie pour "atteinte à la laïcité". Signalement qui n'existe pas. Mais depuis, la professeure des écoles subit un déferlement de haine avec des appels au viol et menaces de mort justifiant sa protection fonctionnelle. Voici ce que l'on sait sur cette affaire.
Alors que la semaine dernière, le maire de Salbris, Alexandre Avril et le rectorat expliquaient à France 3 que l'affaire était réglée, il n'en est apparemment rien.
"Il semble qu’il s’agisse d’un malentendu entre les deux parties, et nous sommes confiants que la situation devrait rapidement s’apaiser." C'est d'abord le rectorat de l'Académie Orléans-Tours qui a temporisé l'affaire le 4 décembre 2024 puis Alexandre Avril, le maire Union des droites pour la République (UDR) de Salbris qui a expliqué que "c'est un goûter qui se fera en dehors du temps scolaire donc il n'y a pas d'atteinte à la laïcité. J'ai enlevé mon post. Donc c'est réglé. "
Contactés le 4 décembre par France 3 Centre-Val de Loire, le rectorat de l'académie d'Orléans-Tours et Alexandre Avril, le maire de Salbris ont donc jugé close l'affaire du goûter de la Saint-Nicolas. C'était sans compter sur les conséquences du message posté par l'élu sur le réseau social X le 3 décembre 2024. De ce message est née une déferlante de messages haineux à l'encontre de l'enseignante de Salbris.
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Rappel des faits
Début décembre, le maire de la commune convie les parents d'élèves le 6 décembre à 16h30 via le cahier électronique des écoles "à un goûter de la Saint-Nicolas pour fêter la nouvelle halle de Salbris", explique Alexandre Avril.
"Nous avons eu un échange avec une des enseignantes qui considérait que c'était une attente à la laïcité. Elle m'a demandé de modifier le message et d'enlever la référence à Saint-Nicolas ce que j'ai fait".
Le 3 décembre à 18h39, soit trois jours avant le goûter, Alexandre Avril poste le message suivant sur le réseau social X (ex-Twitter) : "Mon quotidien de maire : nous invitons les enfants de Salbris à un goûter vendredi après l'école, offert par la mairie pour la Saint-Nicolas. La XXX de l'école XXX ( 1) s'indigne et fait un signalement à l'inspectrice pour "atteinte à la laïcité. Tout va bien. "
(1) : Nous avons choisi de remplacer les termes donnés par Alexandre Avril qui permettent d'identifier l'enseignante par des "X" dans le texte et un floutage dans le post afin de la protéger.
France 3 Centre-Val de Loire contacte alors le rectorat de l'Académie Orléans-Tours qui répond par mail :
" Nous avons pris connaissance de ce message circulant sur les réseaux sociaux. Toutefois, aucun signalement officiel pour atteinte à la laïcité n’a été enregistré à ce jour. Nous avons contacté l’établissement scolaire ainsi que la municipalité de Salbris pour clarifier la situation. Il semble qu’il s’agisse d’un malentendu entre les deux parties, et nous sommes confiants que la situation devrait rapidement s’apaiser."
Par téléphone, Alexandre Avril confie à France 3 Centre-Val de Loire que la directrice académique l'a appelé et que suite à cet appel, il a supprimé son post. Mais le mal était fait. Le message a été partagé des milliers de fois, vu plus d'un million de fois et a suscité un déferlement de messages haineux envers l'enseignante.
En agissant ainsi sur les réseaux sociaux, Alexandre Avril savait pertinemment ce qu'il faisait, connaissant le profil de ses abonnés.
FSU 41, Syndicat enseignant
"Parmi les commentaires, on en trouve notamment un appelant au viol et un autre à la mort de notre collègue", s'insurgent les représentants du syndicat enseignant FSU du Loir-et-Cher par voie de communiqué le 4 décembre en fin de journée qui parle d'une "campagne de haine en ligne venant manifestement de personnes liées à l'extrême droite".
Le syndicat qui "dénonce les agissements de ce maire qui se pense au-dessus des lois de la République" tient à soulever la responsabilité de l'élu. "En agissant ainsi sur les réseaux sociaux, Alexandre Avril savait pertinemment ce qu'il faisait, connaissant le profil de ses abonnés."
La Fsu 41 rappelle que ce n'est pas la première fois que le maire de Salbris "s'attaque aux personnels de l'Éducation nationale en les jetant en pâture à l'aide de médias proches de l'extrême droite". Le syndicat enseignant explique qu'en 2022, "il avait pris à partie les enseignants du collège de Salbris après une action d'éducation à la citoyenneté et à la lutte contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle et l'homophobie".
En juin 2022, il avait en effet écrit au principal du collège Gaston-Jollet de Salbris pour lui demander de "repenser l'organisation" de cette action de sensibilisation.
Le syndicat enseignant demande au Rectorat et à la Préfecture "un rappel à l'ordre en bonne et due forme et l'expression publique de soutien ferme et inconditionnel aux personnels victimes de tels agissements".
La réaction d'Alexandre Avril
"Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions. L'enseignante n'était pas visée nominalement. Je suis responsable de ce que j'ai écrit. Dans ma publication, l'école n'est pas citée. Le fait que j'ai rapporté concernait la laïcité en général et c'est ça qui a entraîné ces réactions", précise le maire de Salbris. Et d'ajouter "Je condamne tous les propos qui ont pu être tenus sur le réseau. On soutient tous nos enseignants et on est à leurs côtés. Ce n'est pas parce qu'on a avec eux un différend d'interprétation qu'on doit en arriver à ces situations".
Alexandre Avril regrette qu'il y ait eu un emballement et qu'il y ait eu autant de commentaires. "Cela montre que c'est un sujet très sensible. En revanche, je ne regrette pas d'avoir organisé ce goûter pour la Saint-Nicolas. Je considère que l'école a bien d'autres problèmes que les goûters de la Saint-Nicolas ou des sapins de Noël. "
Concernant les abonnés d'extrême droite qui ont commenté et partagé son post, le maire de Salbris répond que "le sujet de la laïcité a fait le tour de l'actualité dans tous les partis politiques". "J'ai la position d'Alexandre Portier qui est notre ministre à la réussite scolaire. Le président de l'association des maires de France a repartagé ce tweet. " Il maintient que l'affaire est close.
La protection fonctionnelle mise en place pour l'enseignante
Alertée le 4 décembre par l'inspectrice de la circonscription de Romorantin qui a Salbris sous sa responsabilité, la directrice académique du Loir-et-Cher, Solène Berrivin a constaté l'ampleur des commentaires accompagnant le tweet d'Alexandre Avril. "J'ai tout de suite demandé au maire de Salbris de supprimer son message pour éviter au maximum que l'emballement se diffuse et pour protéger l'enseignante. Il fallait assurer sa sécurité. "
La directrice académique a prévenu la gendarmerie pour s'assurer de la sécurité aux abords des écoles de Salbris et qu'une surveillance serait mise en place.
Par ailleurs, l'enseignante bénéficie d'une protection fonctionnelle. "Elle assure aux enseignants que l'Éducation nationale est auprès d'eux dans l'accompagnement dont ils pourraient avoir besoin en matière juridique", explique Solène Berrivin.
Au regard des commentaires "haineux particulièrement virulents" qu'il y avait sur le réseau social, la direction académique a aussi saisi le parquet pour signaler ces commentaires dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale. "C'est beaucoup plus efficace qu'une plainte".
