Mardi 26 novembre, une quarantaine d’enseignants a débrayé pendant une heure, en silence, pour marquer leur mécontentement face aux sanctions contre deux élèves qu’ils jugent "insuffisantes". Deux élèves ont été sanctionnés en moins de deux mois pour "manquement au principe de laïcité".
"Les élèves ont tous les deux été exclus définitivement avec sursis, c’est une décision forte", précise Evelyne Mège, directrice académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) d’Eure-et-Loir. Dans les faits, les deux élèves, l'un étant âgé de 14 ans, convoqués en conseil de discipline sont donc toujours dans l’établissement. L'un des deux a été changé de classe. "Si ils contreviennent à nouveau au règlement intérieur, ils seront exclus, c’est ça le sursis", explique Mme Mège, "ils savent donc qu’il ne faut pas faire d’impair".
Les deux élèves, issus de classes différentes, ont été convoqués en conseils de discipline entre septembre et octobre. Ils auraient contrevenu au règlement intérieur de l’établissement en tenant des propos qui relèveraient d’un "manquement au principe de laïcité." C'est suite à ces conseils de discipline que les deux élèves ont été sanctionnés par une exclusion définitive avec sursis.
Une décision sévère
Pour le rectorat, la direction de l’établissement a employé les outils dont elle dispose. "Le chef d'établissement peut porter des sanctions à son propre niveau, c’est-à-dire, il peut mettre un avertissement, un blâme, il peut aussi demander une exclusion provisoire d'une durée allant jusqu'à huit jours, avant de convoquer un conseil de discipline."
Les faits étant graves, il a souhaité convoquer un conseil de discipline. Une instance où la direction de l’établissement, les représentants de parents d’élèves, l’élève et ses parents aussi bien que les enseignants sont présents. Ils décident par vote de la sanction à apporter.
Un conseil de discipline souverain
Côté association de parents d’élèves, la mobilisation de ces enseignants pose question. Dans un communiqué du 20 novembre 2024, la FCPE CDEN 28 s’étonne que les professeurs puissent "remettre en cause les décisions de cette instance". Un geste qui "est ni plus, ni moins, [celui de] fouler au pied l’un de nos principes républicains : le contradictoire et la voix de la défense."
Pour Gaëlle Bouharati, présidente de la FCPE 28 et administratrice nationale du syndicat, cette mobilisation est "comme contester une décision de justice, d’autant que certains professeurs étaient présents au conseil de discipline, et ont eu le droit de vote." Présente aux deux conseils de discipline, en qualité de jury pour l'un et pour la défense pour l'autre, elle ne comprend pas la polémique. Et s’inquiète des propos tenus.
"Apologie du terrorisme", c’est un terme pénal, jamais aucun conseil de discipline ne s’est tenu sur ce motif.
Gaëlle Bouharati, présidente de la FCPE d’Eure-et-Loir
Quant aux raisons de la convocation des deux élèves, entre le maillot et les propos tenus, ces informations "sont fausses" déclare Gaëlle Bouharati. "L’un avait un maillot de foot avec Neymar et le texte d’une chanson dessus, l’autre aurait tenu des propos qui contrevenaient au règlement intérieur", clôt la présidente de la FCPE d’Eure-et-Loir.
Face à l’ampleur qu’a pu prendre ce dossier, un inspecteur académique a rencontré les membres du conseil d’administration du lycée Branly lundi 2 décembre, dans un souci d’apaisement. Un échange "pour reposer les bases", précise Evelyne Mège, la directrice académique des services de l’éducation nationale d’Eure-et-Loir.
Encore le "pas de vagues" ?
Mise à jour le 7 décembre 2024 : Contactés à plusieurs reprises, les enseignants qui ont débrayé le 26 novembre n’avaient pas souhaité communiquer lors de la publication de cet article, le 4 décembre. Et préféraient attendre un retour des échanges avec leurs représentants suite à la visite de l’inspecteur académique.
Ce vendredi 6 décembre au soir, une professeure du lycée Branly a envoyé des éléments de réponse à France 3. Elle assure que les enseignants "ne remettaient pas en cause la procédure et encore moins les règles de droit des conseils de discipline", contrairement aux dires de la Dasen d'Eure-et-Loir, Evelyne Mège. Les professeurs "s'inquiétaient de la montée sans précédent de la violence dans leur établissement, et de l'absence de réaction de l'institution", accusée de pratiquer le "pas de vagues", "en plein procès de l'assassinat de Samuel Paty".
L'enseignante assure également que les faits reprochés aux deux élèves sont "bien plus graves" que ceux avancés par Gaëlle Bouharati, de la FCPE, dont elle dénonce les "méconnaissances sur le sujet". "C'est une bien triste image de l'École qui est proposée par la présidente de la FCPE 28", conclut-elle.