Elle était médecin du SAMU. Il était ambulancier au SMUR. Deux personnels du CHU de Clermont-Ferrand ont mis fin à leurs jours, courant mai. A l’hôpital, certains de leurs collègues ont décidé d’en parler pour dénoncer la pression qu’ils disent subir et "éviter de nouveaux drames".
Ils avaient tous les deux une cinquantaine d'années. Ils travaillaient au SAMU de l'hôpital de Clermont-Ferrand. Ils se sont donné la mort au mois de mai, à quelques jours d'intervalle. Elle était médecin, lui ambulancier.
Vincent Olivier se présente comme le porte-parole d’un groupe de salariés du CHU, des ambulanciers, des infirmiers et aussi des médecins. Avec émotion, il évoque la mort de son collègue : « C’était un pilier, dans tous les sens du terme, 32 ans d’expérience, le plus ancien ambulancier du service, un très grand professionnel ». S’il a choisi de médiatiser ce suicide, ainsi que celui d’un médecin du SAMU survenu quelques jours plus tôt, début mai, c’est, dit-il, « pour alerter, pour éviter qu’on en ait d’autres ».
"Retrouver de la bienveillance"
D’après France Bleu Pays d’Auvergne, qui a révélé l’information mercredi 27 mai, « ces deux piliers du service n’ont pas pu résister à une série de changements à marche forcée ».
Vincent Olivier explique : « Ça fait des années qu’on subi des pressions, des intimidations à l’hôpital. En septembre dernier, mon collègue avait très mal vécu une sanction suite à une demande d’interview dans le cadre du mouvement social. Lui qui n’avait jamais connu de problème de carrière jusqu’ici s’est retrouvé en burn out. Nous ne voulons pas faire de raccourci ni dresser d’accusation, mais nous nous posons beaucoup de questions ». Le problème, selon lui, vient d’un manque de reconnaissance au travail. «Avec la mutualisation des effectifs du SAMU et des urgences, on demande aux agents plus de polyvalence. On a besoin de retrouver de la bienveillance et le respect du travail effectué ». Il réclame une vaste table ronde avec la direction et avec l’Agence Régionale de Santé.
"Ça se dégrade depuis des années"
Ces deux suicides de personnels de l’hôpital de Clermont-Ferrand restent des faits extrêmement rares. Il n’y avait semble t-il pas eu d’antécédent ces dernières années, d’après les agents que nous avons joints. Pascale Guyot, secrétaire du syndicat Force Ouvrière au CHU, reste prudente : « Sont-ils en lien ou non avec les conditions de travail, on ne le sait pas ». Cependant, quand on l’interroge, elle évoque immédiatement la pression et la souffrance au travail. « Ça fait des années que ça se dégrade, la mise en place de la tarification à l’acte (T2A) et l’ONDAM (Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie) ont entrainé des restrictions de budgets. La charge de travail augmente et on a de moins en moins d’effectifs. Demander à l’hôpital d’être à l’équilibre budgétaire, c’est impossible ». D’après la syndicaliste, le nombre d’agents en arrêt maladie, en burn out et le mal être psychologique augmentent.
« On travaille un peu comme des robots alors qu’on s’occupe de malades, d’êtres humains », ajoute-t-elle, « un contexte qui pourrait favoriser le passage à l’acte ».
La direction a mis en place un soutien psychologique
De son côté, le directeur du CHU de Clermont-Ferrand, Didier Hoeltgen, s’est exprimé dans un communiqué après la mort du conducteur ambulancier du SMUR. Il explique qu’ « un courrier de solidarité a été adressé à la famille au nom de l’ensemble de la communauté hospitalière ». Qu’ « un soutien psychologique assuré par le Service de Santé au Travail a été mis en place ». Il conclut : « Le temps actuel est celui du deuil mais la direction restera attentive dans la durée au suivi et à la compréhension de cet évènement tragique qui affecte l’ensemble de l’établissement et toute la communauté hospitalière ».