En janvier dernier, le CHU de Clermont-Ferrand a inauguré son unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped), au sein du pôle Femme et enfant du site Estaing. Une enceinte qui permet de prendre en charge les enfants victimes de violences, dans une même unité de lieu et de temps.
En janvier dernier, le CHU de Clermont-Ferrand a inauguré son unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped), au sein du pôle Femme et enfant du site Estaing. Si cette unité est récente, le CHU a toujours été très engagé dans la prise en charge des personnes victimes de violences, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles. Dès octobre 2000, le service de victimologie a proposé un accompagnement global, des soins médicaux au suivi psychologique, ou encore juridique, tant pour les adultes sur le site Gabriel-Montpied que pour les femmes enceintes et les enfants sur le site Estaing. Ce qui change réellement, c’est la création d’une salle d’audience.
Une même unité de lieu et de temps
Mais alors, à quoi sert cette unité ? Marianne Manneville, psychologue à 60 % à l’Uaped nous éclaire. Mais avant de commencer, il semble importer de rappeler qu’un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes ; un enfant meurt tous les cinq jours dans la sphère familiale.
La fonction de l’Uaped est d’accueillir des enfants mineurs en danger ou possiblement en danger. Elle accompagne des victimes de tout type de violences, volontaires ou involontaires. Il peut s’agir de violences physiques, violences sexuelles, maltraitantes, négligences, harcèlement, violences intrafamiliales.
Comme expliqué précédemment, cette unité permet de regrouper, dans un même endroit, tous les acteurs qui participent à la prise en charge de ces enfants. "Cela permet d’accueillir les enfants dans une même unité de temps et de lieu, sur plusieurs volets", explique Marianne Manneville avant de poursuivre. "Souvent, les enfants sont baladés d’un endroit à un autre. Déjà, il y a le moment de la révélation, où l’enfant parle. Déjà ça, c’est compliqué. Si parler peut-être libérateur, cela peut aussi déclencher beaucoup d’angoisses, avec la crainte que cela bouleverse beaucoup de choses ou celle de ne pas être cru. La première n’est pas simple. Et si à chaque personne qu’il voit, il doit tout répéter, l’enfant est de nouveau exposé à ce qu’il a vécu, à son traumatisme. D’ailleurs, cette répétition au récit peut aussi être traumatique."
Une prise en chargé ciblée et adaptée
L’Uaped permet donc d’éviter cela. Il y a une communication entre les professionnels, avec une prise en charge ciblée et adaptée. "Par exemple, si un enfant n’est pas victime de violences sexuelles, le médecin ne va pas faire d’examen gynécologique, et ce, sans avoir à demander à l’enfant de raconter une nouvelle fois son histoire, met en lumière Marianne. Tout cela est plus contenant et sécurisant pour l’enfant." Sans oublier que cela évite la déperdition d’informations et apporte un gain d’efficacité et de cohérence.
La psychologue insiste sur le fait que ces prises en charge sont un véritable enjeu de santé publique. "Il faut avoir en tête que les violences commises ont des conséquences en matière de santé somatique et psychique, développe Marianne Manneville. Il y a beaucoup de consultations psy et médicales, avec de la symptomatologie qui est la conséquence des violences subies. Les problèmes d’addiction, les troubles du comportement… sont généralement des conséquences de ces violences vécues. Tant qu’on n’a pas compris cela, on passe à côté des diagnostics. Et tout cela a un coût énorme pour la société."
Les enfants qui ont été victimes ont trois fois plus de risque d’être à nouveau victimes dans leur vie adulte, mais aussi de devenir auteurs. Parce qu’être auteur, c’est ne plus être victime.
Marianne Manneville, psychologue à l'Uaped de Clermont-Ferrand
Pour éviter cela, la prévention est la solution. "On s’en rend compte quand on reçoit les enfants : quand il y a eu des interventions, cela permet de libérer leur parole. C’est souvent suite à ça qu’ils parlent pour la première fois." Selon Marianne Manneville, il est donc nécessaire de renforcer la prévention, en ayant une réelle politique en ce sens.