Inspirés du mouvement canadien du « Convoi de la liberté », des opposants aux mesures sanitaires venus de la France entière se donnent rendez-vous samedi 12 février à Paris. La veille, un convoi devrait partir de Clermont-Ferrand. Des soutiens de ce mouvement nous expliquent pourquoi ils se sont ralliés à cette cause.
C’est un mouvement venu tout droit du Canada. Des opposants aux restrictions sanitaires veulent organiser sur les routes de France un "Convoi de la liberté" inspiré de la mobilisation récemment observée en Amérique du Nord. La capitale canadienne, Ottawa, est saturée depuis plusieurs jours de camions bloquant des rues et faisant retentir leurs klaxons. Dans l'Hexagone, les protestataires veulent se rendre à Paris, samedi 12 février. Ils espèrent même aller jusqu’à Bruxelles le lundi 14 février. A Clermont-Ferrand, le convoi devrait partir vendredi 11 février, à 8 heures, du Zénith de Cournon-d’Auvergne. Le mouvement est très actif sur les réseaux sociaux.
Un mouvement contre les restrictions sanitaires
Babeth, une retraitée du Puy-de-Dôme, a rejoint le groupe Facebook du convoi de Clermont-Ferrand. Elle est l'un des rares membres du groupe à avoir accepté de répondre à nos questions. Agée de 60 ans, elle ne sera pas sur les routes samedi mais s’occupe de faire le lien entre l’organisation nationale et le mouvement local. Elle explique son ralliement à cette cause : « Cela fait une quinzaine de jours que le mouvement s’organise au niveau du Puy-de-Dôme. On s’oppose surtout aux restrictions sanitaires et ça a été élargi à d’autres sujets qui concernent la liberté. On dénonce tout ce qui impacte notre vie, tant sur le plan du pouvoir d’achat, que sur la hausse des prix de l’énergie. On est contre le pass vaccinal. Dans ce mouvement, il y a autant de gens qui sont anti-vax que pour le vaccin. C’est une question de restrictions sanitaires. Je trouve ces restrictions sanitaires complètement aberrantes. Je vis dans un petit village qui n’est pas impacté comme une grande ville. Je vois tous les jours des commerçants, des artisans, qui sont alarmés de voir que depuis que ce pass sanitaire existe, ils ont perdu beaucoup de clients. Il y a une espèce de méfiance qui plane en permanence. Les gens n’ont plus confiance. On a atteint un degré de morosité tel que ça se ressent au niveau économique. Tout cela me touche ».
"On avait d’autres moyens de lutter"
Babeth confie avoir participé à plusieurs manifestations contre le pass sanitaire à Clermont-Ferrand. Elle insiste : « Il fallait des mesures car cette maladie était inconnue, se propageait vite, il fallait faire quelque chose. Après un an et demi de connaissances, mettre des restrictions sanitaires n’était pas justifié. On avait d’autres moyens de lutter, comme un traitement, plutôt qu’un vaccin. Ils ont perdu pied et insister sur ce vaccin n’est pas bon. Il n’y a pas besoin de sacrifier la vie des gens, leur travail, leur vie de famille, pour imposer un pass sanitaire. Je ne suis pas d’accord ».
La question du pouvoir d'achat
Si elle fait partie du mouvement du « Convoi de la liberté » c’est aussi dit-elle pour défendre son pouvoir d’achat : « Je connais des gens qui n’ont pas de chauffage. Ils ne se sont pas chauffés de tout l’hiver, malgré les températures qu’on connaît dans notre région. Cela me touche terriblement, je le vois autour de moi. Pour le reste, il y a des augmentations au niveau de l’alimentation, des prestations de services. Les gens n’ont pas toujours les moyens de suivre et ce n’est pas pris en compte. Il y a beaucoup de gens en souffrance ». Babeth est une ancienne Gilet jaune : « J’avais rejoint ce mouvement pour dénoncer l’augmentation du prix de l’essence. Pour différentes raisons, j’ai quitté ce mouvement. Dans le groupe du convoi, il y a des Gilets jaunes. Je pense qu’ils continuent de porter leurs revendications mais ce ne sont pas les Gilets jaunes qui organisent le convoi ».
"Je ressens un ras-le-bol total de cette société"
Habitant à Issoire, Guillaume, se prépare à partir samedi pour Paris. Agé de 50 ans, il travaille pour un syndicat intercommunal d’ordures ménagères. Il avoue sans complexe : « Je suis en train de chercher un docteur pour pouvoir avoir un arrêt de travail pour lundi et mardi. Je partirai avec ma voiture pour aller à Paris et jusqu’à Bruxelles ». S’il a rejoint le mouvement du « Convoi de la liberté », c’est pour exprimer un "ras-le-bol de la société" : « A force de se faire pomper partout, pour l’électricité, l’essence, la mutuelle, l’assurance, on n’en peut plus. Les gens ne pensent qu’à nous taxer du pognon. Dans l’ensemble, je dénonce des Jeux Olympiques alors qu’il n’y a pas de neige, des Coupes du monde de foot dans des stades climatisés et avec des ouvriers qui meurent pour construire ces stades. Ca ne rime plus à rien ».
Contre le pass vaccinal
Non vacciné, Guillaume dénonce également les restrictions sanitaires : « Pour le pass vaccinal, je ne comprends pas bien qu’on nous l’impose. Les gens font ce qu’ils veulent. Je ne vois pas à quoi ça sert. Tout le monde tombe malade une fois qu’il est vacciné ». Il poursuit : « Je veux mettre la pression sur le gouvernement et sur tout le monde. Mais je n’attends pas grand-chose de ce mouvement. L’argent sera plus fort que nous et l’humanité se perdra d’elle-même. Avec le « Convoi de la liberté », je me dis que c’est le moment d’agir. Je n’ai jamais participé au mouvement des Gilets jaunes mais j’étais pour, même si pour moi, le sujet de pouvoir d’achat est secondaire ». Pour Guillaume, la future élection présidentielle ne va pas changer grand-chose à son sort : « Ils ne sont là que pour le pognon. Il n’y a personne qui a quelque chose à proposer ». Sur les réseaux sociaux, les internautes partagent des cartes de trajets. Les autorités surveillent ce mouvement dont on ne sait pas quelle ampleur il prendra. Mardi 8 février, la préfecture du Puy-de-Dôme indiquait : « A ce stade, il n’y a pas de manifestation déclarée ».
La "lassitude" des Français
Mercredi 9 février, interrogé à l'issue du Conseil des ministres sur les appels lancés sur les réseaux sociaux à "rouler sur Paris" contre le pass vaccinal, Gabriel Attal a déclaré que le gouvernement était "lucide, parfaitement conscient, qu'il y a une lassitude vis-à-vis de cette épidémie et des mesures qui continuent à s'appliquer". "Il y a plus que quelques centaines de milliers de personnes qui en ont marre de vivre avec ce virus et, en France comme partout dans le monde, des mouvements politiques, souvent radicaux, ont cherché à capitaliser sur cette lassitude", a ajouté le porte-parole du gouvernement. Mais "la France est probablement l'un des pays d'Europe qui a pris le moins de mesures contraignantes, qui entravent la liberté de ses concitoyens", selon le porte-parole. "Nous avons fait ce choix de limiter au maximum les mesures de restriction grâce notamment aux (...) pass sanitaire hier, au pass vaccinal aujourd'hui", a-t-il ajouté, en assurant que ces mesures seront levées "dès lors que la situation s'améliore(ra)".
La candidate du RN, Marine Le Pen, a dit mercredi "comprendre" ce mouvement, tandis que le numéro 2 de La France insoumise Adrien Quatennens a "encouragé" "les Insoumis qui souhaitent à y aller". "Ce convoi des libertés, c'est parfois malheureusement un convoi de l'oppression" a, en revanche, jugé le chef de file des députés LR, Damien Abad.