Deux semaines après l'instauration du confinement pour freiner la propagation du coronavirus, des acteurs associatifs des quartiers nord de Clermont-Ferrand alertent sur les difficultés des familles à assurer le suivi scolaire à la maison.
Deux semaines après l'instauration du confinement, pour freiner la propagation du coronavirus, des acteurs associatifs des quartiers sensibles du nord de Clermont-Ferrand alertent les autorités sur les difficultés rencontrées par les familles pour assurer la continuité des enseignements à la maison. Selon ces responsables associatifs, "le confinement est plutôt bien respecté", mais "il renforce les inégalités sociales et scolaires" dans ces quartiers dits "prioritaires" du nord de l'agglomération clermontoise. Croix de Neyrat, Champratel, les Vergnes, la Gauthière, mais aussi Saint-Jacques et la Fontaine-du-Bac au sud de Clermont-Ferrand concentrent environ 19 000 habitants, soit moins de 7% de la population de la métropole Clermont Auvergne, mais ils totalisent près de 12% des chômeurs de la métropole, soit environ 3 250 demandeurs d'emploi (toutes catégories). C'est aussi dans ces quartiers que la proportion de familles monoparentales et de familles nombreuses est bien plus élevée.
Les quartiers "difficiles" à l'épreuve du confinement
"La Croix de Neyrat, c'est pas le 9.3 ! " souligne d'emblée le président de l'ASC Clermont Nord. L'association sportive et culturelle propose des actions de soutien scolaire. Yacine Laglil qui réside dans le quartier, se dit tout de même "surpris" par le respect des mesures de confinement ."C'est assez respecté sur Croix de Neyrat et la Gauthière, j'ai pas vu grand monde dehors même aux heures de pointe". Dans le quartier des Vergnes, Khalid Gharib, le président de l'association d'entraide "Family Social Club" confirme, mais il s'interroge."Comment les gens vont se comporter sur la durée ? Je n'en sais rien. C'est beaucoup plus facile dans un quartier résidentiel que dans un bâtiment de quinze ou vingt étages avec cinq appartements sur le même palier". Un constat aussi partagé par Jean-Damien Colombeau, le directeur chargé du développement social urbain (DSU). Il s'appuie sur les retours de "l'unité mobile de veille sociale" mise en place depuis une semaine par la ville de Clermont-Ferrand. Des agents qui vont au contact dans les espaces publics pour rappeler les règles de confinement, les messages de prévention et faire remonter les problématiques des quartiers. "Le confinement est plutôt bien respecté...il n'y a pas plus de difficultés qu'ailleurs" avec certaines particularités. "Dans ces quartiers, on retrouve souvent des lieux de trafic, de distribution de la drogue, on voit que cette économie s'est adaptée au confinement, on a plus à faire à des squats dans les halls d'immeuble, ils sont moins visibles par les forces de l'ordre" .Le confinement aggrave les inégalités
"J'ai peur que le fossé se creuse encore plus entre l'école et les enfants qui sont déjà en difficulté scolaire et leurs parents qui ont déjà du mal à aider les enfants à l'école" résume Youssef Tajani, vice-président de l'association "Coup de pouce". L'association vient de créer deux groupes whatsapp, un pour la Croix de Neyrat et un autre pour Champratel, pour mettre en relation, 135 élèves du CE 1 au lycée, recensés dans ces quartiers et faciliter l'aide scolaire en mettant en relation par visioconférence ou skype, les parents, les enfants et les intervenants de l'association."Les autres, sont contactés par appel téléphonique ou par mail" souligne Y.Tajani.Il y a des familles qui n'ont pas d'ordinateur, qui font les devoirs avec un smartphone ou qui n'ont pas d'imprimante, c'est un gros problème
Le "Family Social Club" dispense" via les réseaux sociaux, whatsapp et discord " des cours de soutien à une quinzaine d'élèves, du CP au CM 2, sur le quartier des Vergnes et de la Seconde à la Terminale, sur la Fontaine-du-Bac dans les quartiers sud de la ville. "Mais pour les familles qui n'ont pas internet, c'est beaucoup plus difficile" déplore le président Gharib. Sur la difficulté d''accès aux devoirs envoyés par les professeurs, il témoigne: " Mon épouse est enseignante, elle a encore des élèves avec lesquels elle n'a pas encore eu d'échanges téléphoniques, il y a des familles qui ne sont pas connectées, qui vont rarement sur l'ENT, les outils pédagogiques à disposition des enseignants". Mais il y a plus difficile encore. "Il y a des familles qui n'ont pas d'ordinateur, qui font les devoirs avec un smartphone ou qui n'ont pas d'imprimante, c'est un gros problème" souligne pour sa part le président de l' ASC Clermont Nord Yacine Laglil. Par le biais de son association, des étudiants en service civique donnent des cours en visioconférence sur whatsapp à une quarantaine de collégiens et de lycéens ."A la fracture numérique s'ajoutent les difficultés pour des parents qui n'ont pas le bagage pour aider les enfants. Quand ça dure une semaine encore, mais là c'est parti pour durer jusqu'à fin avril, les familles ne vont pas suivre." prévient Y.Laglil.
Des mesures en préparation avec l'Education Nationale
"L'inégalité d'accès au numérique on la connaissait déjà, mais le confinement vient renforcer ces inégalités. On sent qu'il faut qu'on aille beaucoup plus loin" reconnaît le directeur du développement social urbain (DSU). Sur les difficultés que rencontrent les familles de ces quartiers dépourvues d'imprimante, "on peut envisager un lieu ou les éleves puissent imprimer le travail à faire, ça pourrait être une première piste à étudier dans les jours qui viennent" estime Jean-Damien Colombeau.Autre possibilité avancée "peut être que cette équipe mobile qui se déplace aujourd'hui dans les quartiers, pourrait, en restant dans l'espace public, fournir les documents demandés par l'Education Nationale". Autre probléme soulevé "on a des jeunes qui ne donnent plus de nouvelles, dont on n'arrive pas à savoir s'ils ont reçu le travail à faire ou pas". L'objectif selon le directeur du DSU " c'est d'aller chercher au maximum le contact avec ces jeunes, comme le font les associations, ça fonctionne beaucoup sur whatsapp". Les unités mobiles de veille sociale continuent à aller au contact, dans l'espace public, dans les commerces. "On a beaucoup de demandes pour avoir des documents d'information traduits dans les langues parlées dans ces quartiers, l'arabe, le turc et un peu le russe". Une réunion pour coordonner différents types d'initiatives est prévue cette semaine avec l'éducation nationale.