Infirmière libérale à Clermont-Ferrand, Marie est sur le front depuis plusieurs semaines. Elle raconte son quotidien difficile et ses peurs depuis le début de la crise du Coronavirus COVID 19.
Marie est infirmière libérale depuis 14 ans, à Clermont-Ferrand. Elle est sur le front depuis le début de la crise sanitaire du Coronavirus COVID 19.
"C'est très anxiogène"
Ce dimanche 22 mars, elle est en repos. C’est le deuxième jour. À la question « comment allez-vous ? », elle répond simplement « J’ai dormi tout le week-end. J’avais vraiment besoin de faire une pause et de couper de toutes les informations, sinon je ne tiendrai pas moralement. J’avais l’impression d’être de la chair à canon cette semaine. C’est très anxiogène ».Les journées semblent être les mêmes sur le papier. Le levé se fait vers 5h15 et la fin de la journée est vers 20 heures. Mais la réalité actuelle est tout autre : « Le fait de bosser avec un masque, c’est compliqué, on est vite essoufflés. Mais là, c'est difficile de travailler avec un masque, j’étouffe et je suis très vite fatiguée. On doit tout le temps faire attention, bien se laver les mains, donner des recommandations aux gens. C’est une tension permanente ».
"On nous promet des masques, mais ça n'arrive pas"
Justement, comme partout ailleurs, les masques manquent. « On nous promet des masques FFP2, mais ça n’arrive pas. Sur Facebook, une personne m’a proposé de me donner 30 masques, mais il faut que j’aille à Aigueperse. Je ne vais pas pouvoir les récupérer ».D’autres comportements agacent l’infirmière. « Quand je vois les gens dans la rue ou dans les parcs, je les interpelle pour leur dire de rentrer chez eux. Je peux comprendre qu’on ait besoin de sortir. Je comprends que c'est dur de rester enfermé, on peut craquer de ne pas pouvoir sortir, mais on n’a pas le choix. On peut contaminer les autres et ça peut être fatal ».
"Il vaut mieux en faire trop que pas assez"
Autre chose : « Si on touche son masque, il sera contaminé. L’autre jour, j’ai vu une personne qui touchait les pommes de terre. Ce sont des choses que l'on ne peut plus faire. Il faut se rendre compte aussi que nous ne sommes pas dans notre quotidien normal. Moi par exemple, je prends un sac de supermarché pour les fruits et les légumes pour les prendre. Il vaut mieux en faire trop que pas assez ».« Le fait d’aller dans les supermarchés, on s’expose. Il ne faut pas sortir si on n’en a pas besoin ».
"Quand on arrive chez certaines personnes maintenant, ils ont presque peur de nous. Ils s’imaginent qu’on est contaminés. C'est faux"
Des recommandations répétées depuis plusieurs jours par les autorités, des gestes barrière, mais ils ne sont pas toujours suivis à la lettre.« Quand on arrive chez certaines personnes maintenant, ils ont presque peur de nous. Ils s’imaginent qu’on est contaminés. C’est faux, on est extrêmement vigilants. On nettoie nos portières, nos poignées, on nettoie tout. On ne touche à rien chez les gens. La première chose que l’on fait quand on arrive, c’est se laver les mains, comme en temps normal et on demande du papier essuie-tout. Ce sont des gestes que l'on fait tout le temps. Tout le monde doit suivre les consignes pour que la situation se calme ».
Sa vie de famille est aussi impactée : « Même si je ne suis pas plus contagieuse, je ne vois plus mes enfants qui sont chez leur père, c'est incohérent. C’est horrible de se mettre à l’écart quand je vais les voir. J’aimerais ne plus avoir à me tenir à un mètre d’eux quand je les vois. Mais je ne les vois plus pour être disponible en cas de réquisition ».
"Je suis persuadée que le pire reste à venir"
Une note positive arrive tous les soirs à 20 heures lorsque quelques Clermontois applaudissent les soignants à leur balcon, « c’est très émouvant et ça me permet de rester optimiste. Même si je suis persuadée que le pire reste à venir. Ca nous fait peur. Il faut que les gens comprennent la gravité de la situation, sinon on ne pourra pas gérer et on risque de tomber malade à notre tour par l’inconscience de certains. Et dans ce cas, qui va soigner les autres ? Et toutes les personnes malades d’autre chose que le coronavirus ».Si en ce moment, il y a les malades du coronavirus, il y a aussi les patients habituels dont il faut s’occuper aussi. Un rythme difficile à gérer.
Elle termine « ce n’est pas le moment d’être revendicatif ou de faire des thèses complotistes. Là, c’est le collectif le plus important. Il faut respecter le confinement. C’est dur pour tout le monde ».