Coronavirus et déconfinement. Clermont-Ferrand : " Les pharmacies ne seront jamais livrées en masques pour le 11 mai "

Depuis le dimanche 26 avril, les pharmacies ont désormais le droit de vendre des masques non sanitaires pour le grand public. La mesure doit permettre de s’équiper plus facilement contre le coronavirus avant le déconfinement. Mais à Clermont-Ferrand, difficile d'en trouver.

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Yann François a du mal à cacher sa colère. « Depuis deux jours, on raconte n’importe quoi aux Français ! ». Ce pharmacien de Chamalières (dans l'agglomération de Clermont-Ferrand) est loin de se réjouir de voir la vente de masques non sanitaires autorisée dans les officines. La mesure était pourtant réclamée par les pharmaciens eux-mêmes. Mais c’est une question de contexte. Les motifs de mécontentement sont multiples : les délais, les normes, les prix, la désinformation... « La décision est trop tardive. C’est une organisation à la petite semaine. Il aurait fallu s’y prendre un mois à l’avance, pas quinze jours avant la fin du confinement », résume le commerçant. « Les pharmacies ne seront jamais livrées en masques pour le 11 mai ».

 

Nouveaux acteurs

Difficile en effet de faire face à la demande. Au lendemain à peine de l’autorisation pour les pharmacies de vendre des masques alternatifs, Yann François en a déjà pré-vendu 500. Pré-vendu car pour le moment, il n’en a aucun. « On n’a pas passé les commandes avant parce qu’on ne savait pas si on pourrait les vendre et les fabricants n’ont pas lancé les productions parce qu’ils ne savaient pas s’ils pourraient nous les vendre », explique le pharmacien. L’approvisionnement est en tension. Contrairement aux masques vendus dans d’autres commerces, ceux des officines doivent respecter des normes d’efficacité prouvée. Et la preuve demande du temps…

Pour faire face au besoin massif, de nombreuses entreprises d’ordinaire bien éloignées du secteur paramédical ont converti leur production. Ainsi en Auvergne, un fabricant de textile matelassé (D’Ennery en Haute-Loire), un fabricant de tissus d’ameublement (Valdeco en Haute-Loire) et un fabricant de fauteuils (Technologistique dans le Puy-de-Dôme) figurent sur la liste des sociétés françaises identifiées par la direction générale des entreprises (DGE) comme producteurs de masques alternatifs. Il y en a plus de 140 au total mais plus de la moitié étaient encore en attente des résultats de tests de filtration et de perméabilité de la direction générale de l’armement (La DGA qui dépend du ministère des armées) le vendredi 24 avril.

Ces nouveaux acteurs ne sont pas encore en capacité de répondre à la demande soudaine. « Certains fournisseurs ne répondent pas. On tombe sur des boites vocales. Et quand on nous répond, certains disent qu’ils ne prennent pas de commande en attendant les résultats de leurs tests », rapporte Yann François qui a appelé plusieurs entreprises pour tenter d’approvisionner son officine.


Besoin de trésorerie

Les pharmaciens se trouvent aussi face à un casse-tête parmi les produits. L’appellation générale « masques non sanitaires » cache en réalité des protections différentes : à usage unique ou réutilisables, lavables 5 fois ou jusqu’à 60 fois, au pouvoir filtrant allant de 70% à plus de 90% de performance (sur les particules supérieurs à 3 microns). Des différences qui se font sentir sur les prix. Du simple au triple ! De 4 à 12 euros hors-taxe, directement auprès des fournisseurs. Loin des 2 à 5 euros l'unité évoqués par le ministre de la santé Olivier Véran le 24 avril sur France Inter.

Ces tarifs limitent l’approvisionnement des pharmacies qui n’ont pas toutes les moyens d’investir. « On est dans une situation nouvelle. Les fournisseurs ne connaissent pas les clients, donc ils demandent de payer en avance. Beaucoup de pharmacies n’ont pas la trésorerie nécessaire pour commander » explique Nicolas Verdier, président de l’union des syndicats de pharmaciens d’officine du Puy-de-Dôme (USPO 63). Un état de fait qu’a pu constater Yann François. « Pour commander dix-mille masques, ça nous coûte 45 000 euros ».
 
 

Prix coutant

Les prix pourraient échauder les pharmaciens, mais aussi leur clientèle. « L’immense majorité vendra à prix coutant » assure le président de l’USPO 63, mais la facture pour les particuliers pourra tout de même vite grimper. « Il faut changer de masque au bout de 4h. Donc quand on travaille, il en faut au moins deux par jour. Si vous les lavez tous les deux jours, ça veut dire qu’il vous en faut au minimum 4 par personne », détaille Yann François. Même avec une TVA réduite à 5,5%, une famille de 4 aura tôt fait d’en avoir pour une centaine d’euros par semaine. De quoi les pousser vers d’autres commerces vendant des masques beaucoup moins chers car non soumis aux mêmes normes d’efficacités ni de qualités que ceux disponibles en pharmacie.

 « C’est très nébuleux » reconnait Nicolas Verdier. « Ça fait plusieurs semaines qu’on est dans le flou. Quand on interroge l’administration (sur les normes, l’encadrement des tarifs, les fournisseurs NDLR), on ne nous répond pas toujours. Et quand on nous répond, on nous répond à côté » regrette le président syndical. « La plupart de mes confrères sont dans l’expectative. Certains m’ont dit qu’ils ne vendraient pas de masques ». Le pharmacien conseille d’ailleurs d’appeler les officines avant de se déplacer pour éviter un aller-retour inutile.
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