COVID 19 : « Je ne ferai pas le repas de Noël avec mes parents » confie un médecin du CHU de Clermont-Ferrand

A l’approche des fêtes de Noël, de nombreux Français s’interrogent pour savoir s'ils maintiendront le repas de famille. Laurent Gerbaud, chef du pôle de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand, nous explique pourquoi il ne fêtera pas Noël avec ses parents, COVID 19 oblige.
 

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C’est une question que bon nombre d’entre nous se posent à moins d’un mois de Noël : faudra-t-il maintenir le traditionnel réveillon en famille avec papy et mamie ? L’épidémie de COVID 19 est venue jouer les trouble-fêtes. Laurent Gerbaud, chef du pôle de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand est formel : ces réunions de famille autour d’un repas sont à éviter. Il explique : « Je ne ferai pas le repas de Noël avec mes parents. Il y a beaucoup d’articles scientifiques à ce sujet et ils sont concordants. Le dernier, publié aux USA, raconte comment on a suivi les données téléphoniques de 98 millions d’Américains. Ils ont été tracés en termes de déplacement et on a pu mettre un lien avec les dates de contamination. Toutes les circonstances où on est sans masque, dans un espace pas bien aéré, pas bien ventilé, sans être à distance les uns des autres, occasionnent le maximum de contaminations. C’est aussi là où les contaminations sont les plus graves. La gravité de la contamination est liée à la quantité de charge virale initiale que l’on inocule en début de maladie. Le coronavirus est plutôt contrôlé par ce qu’on appelle l’immunité cellulaire, une première ligne de défense, et l’immunité par anticorps n’intervient qu’en seconde ligne, quand l’immunité cellulaire est débordée. Or dans ce cas, la forme de la maladie est beaucoup plus grave ».

Je n’ai pas envie qu’ils meurent

Le scientifique rappelle : « Les repas sont des moments où nous sommes ensemble les uns avec les autres, proches. On mange ensemble, sans masque, et si on a des gens fragiles, une façon de les protéger est d’aller les voir, en gardant les masques, en échangeant des cadeaux, mais personnellement je ne passerai pas les fêtes de Noël avec mes parents. Je n’ai pas envie qu’ils meurent ». « On coupe la bûche de Noël en deux et papi et mamie mangent dans la cuisine » a déclaré le professeur de médecine Rémi Salomon le 24 novembre dernier sur France Info. Cette sortie a créé la polémique mais a soulevé un vrai problème. Pour Laurent Gerbaud, un compromis est possible : « La phrase « On met papi et mamie dans la cuisine pour manger la bûche » n’est pas très adroite. Je pense qu’on peut se retrouver, se souhaiter bon Noël, ouvrir ses cadeaux mais on ne mange pas ensemble, on ne boit pas ensemble. On fait les réveillons entre personnes non fragiles ».

Répéter le message

Mais les Français, "ces Gaulois réfractaires" selon Emmanuel Macron, vont-ils appliquer ces recommandations ? Le chef du pôle de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand souligne qu’il faut multiplier les efforts de pédagogie afin que les habitants comprennent le message : « Au moment du premier confinement, on a été le peuple qui l’a le plus appliqué. Le côté gaulois réfractaire est sans doute un poncif. Il y a moins de manifestations ici contre le confinement et le port du masque qu’en Allemagne, même si on m’explique que les Allemands sont beaucoup plus obéissants. Je pense qu’il y a un travail constant d’explication à faire. Il faut redire que les repas, les pauses café, les verres partagés, parce qu’on n’a pas de masque, parce qu’on est près les uns des autres, sont des situations de contamination avec des doses virales élevées. Si on le dit, les gens le feront. Mais il y a des personnes âgées qui n’ont pas envie de vivre comme on le propose, avec ces restrictions. A-t-on le droit d’imposer à quelqu’un de vivre selon une norme ? C’est quelque chose de très difficile sur le plan éthique et moral car une personne âgée qui ne va pas bien, qui a du mal à rester chez elle, qui refuse l’hospitalisation en EHPAD, ne va peut-être pas respecter cette norme. Il est important de donner la recommandation, ce n’est pas un drame que tout le monde ne l’applique pas et ce n’est pas le signe que les gens n’ont pas compris. Mais à un moment donné, une personne âgée peut se dire que c’est peut-être son dernier repas de Noël car elle a une autre maladie qui évolue. Au nom de quoi irait-on dire que ce n’est pas bien ? ».

Vers une troisième vague

Selon Laurent Gerbaud, une troisième vague est inévitable. Il indique : « Il y aura de toute façon une troisième vague. A quel moment ? Il y a quelques mois j’avais des espoirs concernant une immunité collective à 30 ou 40 %. La deuxième vague nous montre que ce n’est peut-être pas la bonne hypothèse. On est sur un modèle type grippe avec 70 à 80% d’immunité collective. L’hypothèse pessimiste est le modèle rougeole, avec 75 % d’immunité collective. Partant de là, il y aura une troisième vague. Il ne faut pas oublier qu’on ne vit pas une crise sanitaire majeure. Globalement, tout ce que l’on sait sur le taux de mortalité n’a pas bougé depuis le mois de février. On est, sur l’ensemble de la population, entre 0,3 et 1% de décès. C’est énorme : 1% de la population c’est 600 000 morts. Je ne suis pas en train de dire que c’est peu. On a des maladies émergentes potentielles, Ebola, des résurgences de la variole, où le taux de mortalité est à 20 ou 30% de la population : ça serait une crise sanitaire majeure. La crise actuelle révèle des fragilités structurelles majeures comme la fragilité des hôpitaux qui ne parviennent pas à absorber une épidémie importante. C’est lié depuis 30 à 40 ans à la gestion des questions de santé. De plus, dans l’été on a continué à fermer des lits en France. Sur le plan hospitalier, la seconde vague se passe un peu mieux que la première mais il n’y a pas eu de changement radical d’échelle. Au moment du déconfinement, le virus va se remettre à circuler».

Un confinement efficace

Le scientifique rappelle l’efficacité du confinement après la deuxième vague : « On a eu 5 à 6 fois plus de contaminations quotidiennes avec un peu moins de gens en réanimation et moins de décès pendant la deuxième vague. Le confinement ralentit la circulation de l’épidémie. Il ralentit les liens sociaux. Mais il n’arrête pas l’épidémie. On prend souvent comme exemple le Japon et la Corée du Sud. La Corée du Sud est en train d’affronter une deuxième vague, le Japon une troisième. Mais comme ils ont des moyens de réaction et d’hospitalisation plus souples et plus rapides, ils arrivent à contenir l’épidémie. En France, si on arrive à vacciner la population française au mois de juin ça sera bien mais je ne crois pas qu’on ira plus vite ». En attendant le vaccin, l’application de gestes barrières et d’un comportement prudent semblent constituer l’unique rempart face à l’épidémie. Ce Noël 2020, même déconfiné, aura à coup sûr une saveur particulière.
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