Pas de doute, la deuxième vague d'épidémie de COVID 19 frappe de plein fouet le CHU de Clermont-Ferrand. Le responsable du pôle de médecine périopératoire indique que 43 patients sont en réanimation. "On est monté au maximum de nos capacités et on espère tenir avec ça" indique-t-il.
Ce mardi 10 novembre, 43 patients se trouvent en réanimation au CHU de Clermont-Ferrand, dans un contexte d'épidémie de COVID 19. Le Pr Jean-Etienne Bazin est le responsable du pôle de médecine périopératoire, le pôle qui recouvre essentiellement toute l’anesthésie et la réanimation sur les deux sites du CHU de Clermont-Ferrand. Il souligne : « La situation est tendue. Sur le plan COVID, cela monte progressivement mais il y a encore des places de disponibles. Paradoxalement on est presque mieux qu’il y a une semaine parce qu’on a moins de patients non COVID : on a vidé les réanimations des patients non COVID. On a ouvert 18 lits supplémentaires sur des salles de réveil. On est prêt à attendre la vague et prêt à recevoir des patients d’ailleurs. On est monté au maximum de nos capacités et on espère tenir avec ça ». Le CHU dispose d'un potentiel de 90 places en réanimation. Outre 43 malades du COVID, il accueille pour l'heure 25 autres patients.
Le cas particulier de l'Auvergne
Pour le responsable du pôle de médecine périopératoire, l’Auvergne ne subit pas au même rythme l’épidémie de COVID 19 : « Pour nous ça tient, car nous ne sommes pas autant impactés que Saint-Etienne, Grenoble ou Lyon. On fait partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes, donc on est dans les mêmes prévisions mais on n’a pas la même évolution épidémique. Même si ça monte, ça n’a rien à voir avec Saint-Etienne ». Le médecin réfute l’idée d’un profil type de patients. Il détaille : « Il y a des jeunes, des moins jeunes. Globalement c’est plutôt des hommes entre 65 et 70 ans. Mais il y a des personnes de 40-50 ans, des gens de 70-80 ans, des femmes. Tous les patients ne sont pas obèses, loin de là. Tous ne sont pas diabétiques. Les comorbidités ne sont pas autant évidentes qu’on veut le dire ».Deux vagues différentes
Pour le Pr Jean-Etienne Bazin, il faut bien distinguer les deux vagues de l’épidémie. Il raconte : « La première vague était totalement différente. On a eu très peu de patients locaux. On a eu beaucoup de transferts de l’extérieur, de l’Est et de l’Ile-de-France. Là on a eu une dizaine de transferts de Lyon et de Saint-Etienne. Par contre on a beaucoup plus de patients locaux. Ils arrivent au fur et à mesure, de façon très imprévisible. Par exemple, dans la nuit de vendredi à samedi on a eu 8 patients rentrés en réanimation et on s’est dit que l’on allait prendre l’eau. Mais dimanche, de nouveau c’était calme, tout comme hier. C’est cette incertitude qui est difficile à gérer. On mobilise beaucoup de monde et il y a des gens qui disent qu’on les a mobilisés pour rien, mais on ne pouvait pas savoir de quoi serait fait le lendemain ».Engagés dans une véritable course de fond, les soignants ne semblent pas baisser les bras. Le médecin précise : « Tout le monde est motivé. Les gens sont probablement plus fatigués et plus blasés sur cette vague. Mais on n’a pas de souci. Après, on a tous notre lot de tire-au-flanc qui se cachent ou qui se trouvent des bonnes contre-indications mais on a aussi des gens super motivés. Globalement je trouve que les gens réagissent très bien. On a aucun problème de motivation ou de mobilisation ».Tout le monde est motivé
Des durées de séjour en réanimation qui varient
La durée moyenne d’un séjour en réanimation est variable. « Si on prend en réanimation des patients pour leur éviter d’être intubés, ils ne restent souvent pas très longtemps, 4 à 5 jours. Ceux qui sont intubés et ventilés, notamment les patients venus de Lyon et Saint-Etienne peuvent rester presque 4 semaines. Les patients très lourds et dont l’état se dégrade restent en moyenne 3 semaines » confie le responsable du pôle de médecine périopératoire. Difficile pour lui d’envisager la suite. Il s’attend à un afflux de patients : « On peut encore monter un petit peu donc on n’est pas très anxieux. Il ne faudrait pas que ça monte trop, que l’on soit débordé et que l’on soit obligé de s’occuper des patients dans de mauvaises conditions dans des secteurs dégradés, qui n’ont rien à voir avec la réanimation et qui poseraient des problèmes de prise en charge. Je pense que ça va continuer à monter pendant une semaine à 10 jours et après on espère que ça va se stabiliser et descendre ».La question des transferts
Jeudi 5 novembre, deux patients de son établissement ont été transférés par avion vers Strasbourg. Deux transferts qui n’auraient pas dû se produire selon le médecin. Très critique, il indique : « On devrait recevoir des patients de Lyon dans la semaine. Des évacuations en dehors de Clermont-Ferrand seraient complètement ridicules. Les deux de la semaine dernière vers Strasbourg étaient ridicules. Au moment de l’évacuation de ces deux patients, on avait encore 8 places disponibles à Clermont-Ferrand, plus la possibilité d’en créer largement, alors qu’on n’était pas les plus en tension. Les patients n’étaient même pas dans l’avion qu’on nous demandait de prendre des malades de Lyon. Je pense qu’il aurait été plus simple d’envoyer directement les patients de Lyon à Strasbourg. Quand on leur dit que leur proche va partir à Strasbourg et qu’ils apprennent que 2 heures après on prend des patients de Lyon, je pense que les familles ont un peu de mal à comprendre ».
De son côté, l'ARS (Agence régionale de santé) justifie la stratégie adoptée : "Dans ce cadre, au vu du taux d’occupation des lits de réanimation du CHU de Clermont-Ferrand en fin de semaine dernière et des projections de flux entrant de patients en réanimation, il a été décidé d’organiser le transfert de deux patients, créant ainsi des capacité d’accueil nouvelles en réanimation.
Actuellement, à l’échelle de la région, ce sont entre 70 et 80 nouveaux patients qui intègrent tous les jours les services de réanimation et soins critiques, et environ 40 qui en sortent, ce qui induit de disposer de 30 à 40 places pour des patients Covid, avec la nécessité de garder une marge pour les patients hors covid (accidentés, blessés, etc.)
Pour la mise en œuvre effective des transferts, qu’ils soient interdépartementaux ou extra-régionaux de nombreux paramètres sont à prendre en compte nécessitant un pilotage par l’ARS, en lien quotidien avec les directions, les chefs de service de réanimation et les équipes de SAMU des établissements d’origine et de destination, sous la coordination du Ministère des solidarités et de la santé. Ce sont des opérations humainement et logistiquement lourdes.
Pour l’organisation effective de ces transferts, de nombreux paramètres entrent en compte comme, par exemple, des critères médicaux qui peuvent influer sur la mobilité des patients : les patients doivent être stables et ceux présentant une obésité par exemple ne peuvent pas être transportés par avion mais uniquement par voie terrestre avec dans un véhicule du SAMU, de ce fait, ils sont éligibles aux transferts interdépartementaux mais par extra-régionaux.
Ce fut le cas avec les patients lyonnais qui eux, ne pouvaient pas être transférés à Strasbourg pour ces raisons et devaient donc être pris en charge dans un établissement de la région". Et de préciser : "Nous savons bien que pour les familles il est difficile de voir leurs proches éloignés, c’est pourquoi leur consentement est indispensable. Le gouvernement réfléchit d’ailleurs à des modalités d’accompagnement.
Nous sommes bien dans un contexte de crise sanitaire face auquel des mesures exceptionnelles sont prises pour répondre aux besoins de soins de tous les patients".