Le textile est l’un des secteurs les plus polluants. Pour y remédier, une entreprise de Clermont-Ferrand a développé une technologie révolutionnaire qui permet de recycler le polyester. On vous explique comment ça marche.
Recycler les textiles : les défenseurs de l’environnement en rêvent, la société Carbios l’a fait. Cette entreprise de Clermont-Ferrand s’est emparée du problème de pollution de l’industrie textile en utilisant une méthode qu’elle a précédemment développée : le biorecyclage du plastique.
"Tout commence par les enzymes”, explique Bénédicte Garbil, vice-présidente des affaires institutionnelles et développement durable de Carbios. L’entreprise est en effet spécialiste du bio-recyclage ou recyclage enzymatique. “On a développé des petites enzymes qui viennent décomposer, découper le déchet plastique pour revenir à ses composants de base. Le plastique est un polymère. Le recyclage le décompose en deux monomères, à partir desquels on peut refaire du plastique, du textile, avec les mêmes qualités qu'un plastique en PET (polyéthylène téréphtalate) ou un textile en polyester pétro sourcé. Ce sont deux produits qui viennent du pétrole. On refait du plastique ou du textile polyester, avec les mêmes qualités que le pétrole, mais sans passer par le pétrole, en faisant uniquement de la transformation des déchets”, décrit Bénédicte Garbil.
Préparer les textiles
La société a commencé à développer le biorecyclage du plastique, avant de passer au textile : “Le polyester et le PET, c'est la même chose. On dit PET quand c'est du packaging et polyester quand c'est textile”, détaille Bénédicte Garbil. Pour recycler le polyester, pas besoin de transformer le vêtement, explique-t-elle : “Il y a des polyesters qui sont purs, mais il y a aussi beaucoup d'entreprises, qui ont fourni des matériaux qu'ils utilisent et qu'on a recyclés à Clermont-Ferrand, pour lesquels s’est posée la question d'enlever ce qui n'est pas du polyester.
Dans un vêtement, vous avez des fermetures éclair, des boutons pressions, des petites boutonnières... Il faut les enlever parce que ça ne sera pas dégradé par l'enzyme. On a développé une ligne de préparation textile dans laquelle vous pouvez mettre les fameux vêtements. La ligne permet d'enlever ce qu'on appelle les points durs, tous ces boutons, ces pressions et à la fin, c'est prêt à entrer en recyclage dans l'atelier de l'autre côté du mur”. Le vêtement est recyclé de la même manière, par exemple, que les paillettes de bouteilles déchiquetées.
Un procédé avec peu de déchets
Pour les vêtements en tissu mélangé, l’enzyme se charge elle-même de séparer les matières, selon Bénédicte Garbil : "L'enzyme est spécifique. L'enzyme se concentre sur le polyester ou le PET. Dès qu'elle en voit, elle va le dégrader. Le reste, elle ne s'en occupe pas, donc ça sort du processus. C'est notre marque de fabrique d'avoir développé ces fameuses enzymes qui sont inspirées de la nature. La nature n’a pas su dégrader le plastique en 70 ans, on a essayé d’être un peu plus rapide que la nature. On a développé ces fameuses enzymes. C'est naturel, on en trouve partout. Vous en avez plein votre corps, il y en a plein dans la nature, dans vos lessives... Les nôtres sont développées pour s'attaquer aux PET et aux polyesters."
Le procédé n’est pas polluant, assure-t-elle : "Il n’y a pas de rejet de polluants parce qu'on est sur un process industriel dans lequel tout est contrôlé. On sort de produits finis, des monomères sous forme d’une poudre et un liquide. Le déchet du procédé, qui peut arriver même s’il y en a peu, est valorisé. Ça peut partir par exemple en cimenterie, pour une valorisation énergétique.”
Des matières premières à partir de déchets
En assemblant les deux monomères obtenus, on peut recréer des vêtements neufs à partir de vêtements recyclés : “Notre produit sera vendu à des sociétés qui fabriquent du PET ou du polyester. Plutôt que d'acheter de la matière première chimique pétro-sourcée, qui vient de l'industrie pétrolière, ils peuvent acheter des matières premières qui sont faites à partir de déchets. Ils n’ont pas besoin de changer leur installation industrielle et la qualité de ces monomères est strictement équivalente à ce qu'ils avaient. On peut même en faire des applications à usage alimentaire qui sont assez compliquées pour des raisons évidentes de sécurité, de contamination. On peut très bien en faire aussi du fibre à fibre”, se félicite Bénédicte Garbil.
Une industrie très polluante
Cette enzyme, quand on la met dans le réacteur pour ce qu'on appelle la dépolysation, va "découper” " le polymère en petites billes. En 24 heures, l'enzyme va dégrader 95 % du PET. “Elle est très spécifique, elle est très efficace. Elle travaille à des températures qui sont relativement froides pour du plastique, à 65°C, ce qui veut dire qu'on n'a pas besoin de chauffer le plastique”, ajoute Bénédicte Garbil.
Pour elle, l’enzyme est une des solutions à l’enjeu de la pollution liée à l’industrie textile : "On parle beaucoup de la mode, la fast-fashion, la fin de vie des textiles qui est un vrai enjeu aujourd'hui. Le tiers du plastique sert à faire de la fibre. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de solution de recyclage, donc ça posait quand même un problème. Le recyclage change énormément la donne dans le secteur".
Selon un rapport de l’ADEME, l'industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau dans le monde après la culture du blé et du riz. La production de textile utilise 4 % de l’eau potable disponible dans le monde et 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre sont émis chaque année par le secteur du textile, ce qui représente jusqu’à 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiaux.
Une usine en construction
Actuellement, le polyester recyclé n'est pas fait à partir de fibres, mais à partir de bouteilles plastiques. Le projet de Carbios va bientôt devenir une réalité à grande échelle : "On est en train de construire notre premier site en Meurthe-et-Moselle. C'est la première usine de biorecyclage au monde avec notre technologie et qui va permettre de recycler l'équivalent de 300 millions de t-shirts ou deux milliards de bouteilles chaque année. Pour vous donner une idée, cela représente 50 000 tonnes de déchets par an". L’ouverture est prévue courant 2025.
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