Michelin est née à Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme, mais l’annonce le 6 janvier 2021 de la suppression de 2300 postes en France en 3 ans va faire chuter un peu plus sa présence. Que reste-t-il de l’attachement des fondateurs et de leurs successeurs à la capitale Auvergnate ?
En annonçant un « plan de compétitivité » qui entrainera la suppression de 2300 postes en 3 ans, l’entreprise Michelin a créé la surprise le 6 janvier 2021. A Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme où l’entreprise a été créée en 1889, on a compté jusqu’à 30 000 salariés, mais aujourd’hui ils ne sont plus que 9 800 employés. Et en France c’est environ 10% des effectifs qui vont être supprimés.
Cependant la direction de Michelin assure qu’il n’y aura pas de licenciements secs, elle anticipe environ 60% de mesures de pré-retraite et 40% de départs volontaires, dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives. Pour Thierry Martin-Lassagne, Directeur des affaires publiques France de Michelin "L’ensemble de ces mesures nous amèneront à créer le Michelin de demain, mais ça n’est pas sans transformer le Michelin d’aujourd’hui et sans licenciements, sans fermeture de sites et sans charge de travail supplémentaire pour le personnel qui reste. Face à ce vrai besoin de simplification que nous avons, le résultat est une réduction des effectifs, mais ça n’est pas un but en soi".
Mais alors que les négociations avec les syndicats sont en cours sur les modalités de la RCC José Tarantini en tant que délégué syndical central CFE-CGC Michelin (le principal syndicat dans l’entreprise) estime que "l’on n’est pas là pour définir la stratégie du groupe. A la CFE-CGC, on a la vision du besoin d’actionnaires pour financer notre croissance de l’entreprise qui doit créer de la valeur pour assurer les emplois de demain et des salariés qui participent à la création de cette valeur. La problématique dans cette mutation, du changement de cœur de métier, c’est quid des salariés ? Comment prépare-t-on l’avenir, comment permet-on à des salariés de procéder à une mutation professionnelle, comment on accompagne ce changement ? C’est tout le but de l’engagement syndical".
Des inquiétudes partagées
Pour le maire de Cébazat et conseiller départemental Flavien Neuvy (une partie du centre de recherche et des pistes d’essais de Michelin à Ladoux sont sur le territoire de sa commune) : "En tant qu’élu local je suis attentif à l’évolution de l’entreprise Michelin parce qu’elle a une importance très particulière dans le développement économique de nos territoires, à la fois par les emplois directs que par les emplois indirects".
Sur le plateau de Dimanche en Politique, Jérôme Auslender adjoint au Maire de Clermont-Ferrand en charge du réseau international des villes Michelin qui regroupe une trentaine de villes d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Afrique dit : "Que Michelin porte l’image de Clermont-Ferrand dans le monde entier est une évidence. Nous avons en commun cette identité industrielle, la présence de sites de production ou de recherche sur notre territoire, ça nous fait une identité commune et forte. Nous sommes dans des villes de mono-industrie dans lesquelles la Manufacture a un impact très fort sur notre territoire. On est souvent confrontés à des problématiques socio-économiques communes. Et il y a des flux entre ces villes. Des Clermontois sont allés vivre dans les différentes villes du réseau des villes Michelin et inversement beaucoup d’étrangers sont venus vivre à Clermont".
Alors que l’histoire de la Manufacture Michelin et de Clermont-Ferrand sont intimement liées comme le rappelle le journaliste Pierre-Gabriel Gonzalez, auteur de plusieurs livres sur le sujet et organisateur chaque année de la Convention internationale des objets et guides Michelin, elles semblent aussi devoir partager une part importante de leur avenir : "Clermont a un lien particulier avec Michelin, et chaque Clermontois a un ami, un cousin qui est Michelin, ça crée des liens".
Le pneu au cœur des nouvelles mobilités
Si Michelin semble si convaincu de la nécessité de faire évoluer son organisation, c’est que son activité « cœur de métier » dépend très largement de l’évolution de nos rapports à la mobilité et à l’automobile. « La fracture automobile », c’est le titre que Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, a donné à son rapport annuel pour 2020. S’il nous est souvent impossible de nous passer de voiture, on la rêve idéale et surtout moins polluante. "En Europe et notamment dans les grandes métropoles, l’usage de la voiture va baisser, c’est-à-dire qu’il y aura plus de place pour les mobilités actives, la marche, le vélo et que donc l’usage de la voiture va baisser et que cette croissance qu’a connu l’industrie automobile a été fabuleuse pour les constructeurs mais cette décennie dorée est derrière nous" explique-t-il.
Pour Thierry Martin-Lassagne, "Il est révélateur d’interroger les jeunes automobilistes qui seront l’essentiel des consommateurs de ce type de mobilité de demain qui ne veulent pas renoncer à leur liberté, mais utiliseront leur véhicule autrement et sans crainte pour l’environnement. C’est là que nous avons notre rôle à jouer. Il y aura toujours des véhicules particuliers et sur ces véhicules des pneumatiques. Donc on pense à une stagnation du poids des volumes fabriqués mais il y aura aussi la pile à hydrogène et l’impression 3D sur lesquelles nous travaillons"