Elever moins de vaches pour le climat : le rapport de la Cour des comptes perçu comme "une mise à mort de l'élevage français"

Lundi 22 mai, la Cour des comptes a rendu un rapport qui appelle à réduire le nombre de vaches élevées en France, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Des préconisations qui font bondir les professionnels de l'élevage.

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Faut-il moins de vaches pour lutter contre le réchauffement climatique ? C’est ce que propose la Cour des comptes, dans un rapport publié lundi 22 mai. Selon l’institution, le gouvernement devrait « définir et rendre publique une stratégie de réduction » du nombre de vaches élevées en France pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. La France, premier producteur européen de viande bovine et deuxième troupeau laitier derrière l'Allemagne, compte environ 17 millions de têtes de bovins. Or l'élevage bovin compte pour 11,8% des émissions du pays. "Le bilan de l'élevage bovin pour le climat est défavorable", écrit la Cour des comptes dans un rapport sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins.


Ce rapport n’est pas du goût du Cantalien Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine : « Ce rapport de la Cour des comptes nous surprend. On a une diminution forte du cheptel. En 60 ans, en France, on a perdu 3 millions de vaches. Depuis 7 ans, nous avons perdu 1 million de vaches. C’est une décapitalisation très forte que nous vivons. On s’attendait plutôt à des recommandations pour maintenir l’élevage plutôt qu’un rapport qui vise à supprimer des cheptels et supprimer des éleveurs ».

Une séquestration de carbone dans les prairies "insuffisante"

La Cour précise que la séquestration de carbone par les prairies où pâturent les bêtes est "loin de compenser les émissions" de l'élevage. Le bilan de l'élevage est principalement plombé par les rejets de méthane : la production de ce gaz au pouvoir très réchauffant - issu de la digestion des ruminants et de leurs déjections- représente 45% des émissions agricoles françaises. "Le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (...) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel", tranche l'institution qui demande au ministère de l'Agriculture de "définir et rendre publique" une stratégie en la matière.

Les inquiétudes de la Fédération nationale bovine

Patrick Bénézit s’insurge contre ce rapport : « Cela ressemble à une mise à mort de l’élevage français. On se pose des questions. Ce rapport de la Cour des comptes fait écho aux propos tenus par Bruno Le Maire il y a quelques jours, en inaugurant une usine de viande chimique. Cela nous inquiète parce que la Cour des comptes ne fait pas de rapports comme cela, il y a toujours des connections avec la puissance publique. Le fait d’avoir tous les signaux qui sont de cette nature nous inquiète ». Il s’interroge : « Le premier problème qu’il faut poser est de se demander d’où va venir la viande demain. La consommation de viande ne baisse pas : on est à 1,1 % de plus en 2022. Les chiffres de début d’année montrent une consommation de viande plus forte que les autres années. Aujourd’hui on n’est pas autosuffisants en viande bovine. Depuis l’an dernier, on importe de plus en plus. On attendait de la part de la Cour des comptes une condamnation de l’importation de viande, qui aujourd’hui peut venir de l’autre bout du monde. On a des hauts fonctionnaires qui négocient avec le Chili, le Mexique, pour une viande d’élevage qui n’a pas du tout les mêmes qualités positives que peut avoir l’élevage français. L’élevage français c’est 13 millions d’hectares de prairies qui stockent du carbone tous les jours et cela, la Cour des comptes en parle très peu. Ces prairies sont garantes de la biodiversité, du refroidissement des sols. Il y a plus de 100 000 éleveurs dans ce pays. Dans les territoires où l’élevage a disparu, on trouve un désert. D’où va venir la viande si on tape sur des éleveurs français qui ont du mal à résister ? On s’attendait plutôt à un soutien fort de l’élevage qu’à une condamnation ».

La question de l'importation de la viande

Après ce rapport de la Cour des comptes, le président de la Fédération nationale bovine ne compte pas en rester là : « Nous avons écrit une lettre ouverte à la Première Ministre pour savoir comment elle compte faire avec l’élevage français. Ce sont nos gouvernants qui vont décider. Est-ce qu’on maintient un élevage responsable sur le plan écologique ou est-ce qu’on met en place une politique pour importer de la viande de l’autre bout du monde, faite dans des conditions catastrophiques pour assumer la souveraineté alimentaire des Français ? ». Ces inquiétudes soulevées par le rapport de la Cour des comptes, Jean-Jacques Guibert, boucher à Aurillac, les partage également : « C’est une proposition qui m’inquiète. On n’a pas besoin de cela. Je pense que d’ici deux ans, on aura du mal à trouver de la viande ».

"L'agriculture française va en pâtir"

Ce boucher est préoccupé par l’avenir de l’élevage français : « Manger de la viande va devenir un privilège. On a des agriculteurs qui font du bon boulot. On va se retrouver avec des viandes qui viennent du Brésil ou d’ailleurs, et pour lesquelles on ne sait pas trop ce qu’il y a dedans. On ne va pas savoir quoi manger. L’agriculture française va en pâtir. Il faut protéger les éleveurs français. Il s’agit de notre patrimoine. On est dans le Cantal. Si on perd cela, que nous restera-t-il ? ». Le boucher cantalien préfère qu’on regarde ailleurs : « Il faut considérer les émissions de gaz à effet de serre des avions, des bateaux avant celles de l’élevage français ».  
Pour la Cour des comptes, la baisse du cheptel n'entamerait pas la "souveraineté" de la France en matière de viande rouge à condition que les consommateurs suivent les recommandations des autorités de santé de ne pas en manger plus de 500 grammes par semaine (seuil actuellement dépassé par 28% des adultes). Plus largement, elle considère que les dispositifs d'aide actuels aux éleveurs de bovins sont "très coûteux" (4,3 milliards d'euros en 2019).

Ecrit avec AFP

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