La fin de vie revient au cœur du débat public. La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée en faveur d'une "aide active à mourir". Guillemette, infirmière et membre du collectif 'Soulager mais pas tuer', s’oppose à cette solution d'euthanasie. Elle nous explique pourquoi.
À l’issue de quatre mois de discussion, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est enfin prononcée. Elle est favorable à une "aide active à mourir", qu'il s'agisse du suicide assisté ou l'euthanasie. Certains professionnels de santé craignent une volonté de l’exécutif de légaliser l’euthanasie. Parmi eux, Guillemette, infirmière clermontoise et membre du "collectif Soulager mais pas Tuer".
Question : Que pensez-vous de l’annonce du président Emmanuel Macron sur un éventuel projet de loi d’ici la fin de l’été ?
Avec le collectif Soulager mais pas tuer, nous sommes inquiets. Je me mets du côté des plus fragiles et le plus souvent ces personnes-là ne demandent pas l’euthanasie mais un meilleur accompagnement. Ils souhaitent seulement un soulagement de leur douleur. Cette issue donnée à la Convention citoyenne est un signal négatif envoyé à ces personnes fragiles.
Question : L’euthanasie, le suicide assisté, vous y êtes opposé. Pourquoi ?
Quand on parle entre nous, on est évidemment d’accord que personne ne souhaite mourir tout en souffrant. Mais l’euthanasie reste un geste actif en vue de tuer. C’est ici l’intention qui est très importante et que je rejette. L’argument le plus souvent en faveur du suicide assisté se base sur la notion de dignité ou de liberté. Expliquez cela au proche d'une personne qui vient de se suicider. C’est inaudible. On s’aperçoit toujours que cette décision fait suite à une souffrance non apaisée. Cela veut dire qu’on a été incapable de trouver une solution pour soulager ces personnes. Choisir l’euthnasie, c’est donc un aveu de faiblesse.
Question : En tant qu’infirmière, ce débat est-il ‘connecté’ au terrain ?
L’euthanasie est déjà un sujet complexe et on a tendance à le caricaturer. C’est souvent des cas exceptionnels qu’on prend en exemple lorsqu’on parle d’euthanasie. Ce sont des cas biens précis, et parfois on les instrumentalise pour parler d’un sujet beaucoup grave et complexe. La réalité dans mon service, c’est que les patients veulent plus d'écoute, plus de transparence, plus d’accompagnement. On voit, nous, dans la pratique soignante, que lorsque les patients sont pris en charge dans des unités de soins palliatifs, la demande euthanasique diminue en l’espace de quelques jours. Mais pour cela, il faut des moyens. Dans les services de cancérologie dans lesquels j’ai travaillé, il n'y a pas une réelle équipe formée en soins palliatifs. C’est dommage. Il faut donner les moyens aux patients d’être pris en charge correctement et de pouvoir réclamer des soins palliatifs sans attendre qu’il soit tard.
Question : Qu’aimeriez-vous que le gouvernement fasse à ce sujet ?
L’euthanasie est un sujet tabou. Par conséquent, les gens connaissent mal cette question. À travers ce que je constate chaque jour, il faut, selon moi, généraliser l’accès aux soins palliatifs. Il y a 27 départements qui n’ont pas accès à ce type de soins. C’est déjà un gros manquement et une grande injustice. La question des soins palliatifs est au cœur du sujet de l’euthanasie. Il faut aussi mieux lutter contre la douleur. Le personnel soignant doit être formé aux différents outils et technologies qui évoluent énormément. Le fait de soulager la douleur nécessite aussi une meilleure écoute, une meilleure prise en charge. Ce qui amène à un autre point : la mort sociale des personnes fragiles. Les personnes âgées, handicapées doivent être mieux entourées et soutenues . Si on réussit à faire tout cela, je suis certaine que la demande d’euthanasie va probablement diminuer de manière très importante en France.
Guillemette reste sur ses positions.