Gilets jaunes : ces manifestants qui n'iront pas à Paris mais qui restent mobilisés à Clermont-Ferrand

Aux alentours de Clermont-Ferrand ce vendredi 23 novembre, peu de gilets jaunes semblaient prêts à monter à Paris pour la manifestation de samedi. Ils assurent qu'ils seront bien mobilisés avec des actions organisées sur place. Sur les barrages, la vie s'organise pour tenir dans la durée.

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A quelques kilomètres de Clermont-Ferrand, Florence est sur le rond-point de Saint-Beauzire depuis le début. Ce vendredi matin, l’atmosphère est détendue. Les camions qui passent klaxonnent. Les gilets jaunes les saluent. Ici, pas de blocage. “On n’est pas là pour faire peur aux gens, pour se jeter sur les voitures, on est là pour parler avec eux. Ceux qui le veulent s’arrêtent pour discuter. Tout le monde est convié à prendre le petit-déjeuner avec nous !” Les gendarmes ne sont pas loin. Ils observent et confirment que “ça se passe bien”.

La manifestation à Paris samedi, certains gilets jaunes y pensent. Tous la soutiennent. Le "rendez-vous" est même inscrit sur une des banderoles, mais ici, presque personne ne se rendra dans la capitale. Les contraintes familiales ou de travail sont trop lourdes et le trajet coûte cher. Il y a aussi de la méfiance vis-à-vis du cortège parisien, la crainte d’être “parqué”. Faute d’être sur le Champ-de-Mars samedi, ils feront donc entendre leur colère sur place, en Auvergne.

J'ai annulé un rendez-vous chez le médecin pour rester

Entre le biopôle et le péage de Gerzat, les manifestants ont baptisé leur campement “le village gaulois”. On y trouve de quoi faire la cuisine et s’abriter. Certains dorment sur place, sur des canapés, sous des couvertures. Des habitants et des commerçants des alentours s’occupent du ravitaillement. Une camionnette dépose un carton de brioches. Une autre apporte de grandes barquettes de plats préparés. Il ne fait pas chaud. “Certains sont tombés malades …” indique Florence. “Moi, j’ai annulé un rendez-vous chez le médecin pour rester sur le village. Je n’ai plus rien à perdre !”

Régulièrement, un nouveau gilet jaune arrive, un autre rentre chez lui. Ce matin, ils sont une trentaine. Les manifestants se relaient pour que le “village” soit toujours actif. “Certains disent que le mouvement s’est essoufflé, mais c’est parce qu’on a une vie !” affirme Régis. “On a un boulot, des enfants. C’est pour ça qu’on se relaie.”

Michel, retraité, vient "par solidarité".“Je n’ai pas de gros besoins financiers, j’ai une maison … mais je suis là pour soutenir les gens qui bossent et qui ne finissent pas les fins de mois !” Il dénonce l’accumulation des contraintes depuis les années 60, la facturation des frais bancaires, la mise en place de la CSG “qui devait être temporaire” et qui a augmenté, l’obligation d’avoir internet pour déclarer ses impôts, le contrôle technique ”où on ajoute des normes pour faire dépenser 20 euros de plus aux gens” ou encore la limitation à 80 km/h. “On passe notre temps à donner des allocations aux gens qui ne bossent pas. Les gens qui ont un petit salaire se retrouvent avec le même niveau de vie que ceux qui ne travaillent pas ! Ca n’est pas normal !” Michel aimerait que les bénéficiaires des aides “rendent service à la collectivité, ne serait-ce que deux heures par mois.”

En haut, ils sont déconnectés de la réalité !

Le doyen du village gaulois a 75 ans. Ses camarades le surnomment “Papy Daniel”. “Ma fille a un salon de coiffure. Une fois qu’elle a tout payé, il lui reste à peine le SMIC ! C’est aussi pour elle que je suis là.”

Régis partage le ras-le-bol de ses camarades. Il travaille dans les transports.“Moi, j’ai plutôt une bonne situation. On a acheté une maison, une voiture, mais entre le gaz, l’électricité … les hausses, ça commence à tirer sur les comptes. On est assommés ! Mes beaux-parents, à eux deux, n’atteignent pas les 1.200 euros de retraite … Comment faire ? En haut, ils sont déconnectés de la réalité ! ”

Quand on voit que les taxes ne vont même pas à l’environnement ... 

Les questions d'environnement, de climat ? Ils n’y sont pas insensibles, mais ils dénoncent la méthode. "Je veux bien payer pour le tri sélectif, payer pour créer des voies de vélo … Mais qu’on arrête de nous prendre pour des cons !" s'exclame Michel. "Quand on voit que les taxes ne vont même pas à l’environnement ... ”

“Le gouvernement oppose les citadins et les gens qui vivent à la campagne” s’insurge Régis. “Pourtant, on mange des légumes de notre jardin, on donne les déchets aux poules, on fait même du compost ! Ma seule empreinte carbone, c’est la voiture pour aller au boulot.”

Florence, elle, se chauffe au charbon, mais ça n'est pas un choix. “On en brûle une tonne et demi par an, qu’on essaie de le récupérer chez les gens en passant des annonces sur le bon coin. C’est très mauvais pour la santé, surtout pour moi qui suis asthmatique, mais on n’a pas le moyens d’isoler ou de changer de système de chauffage ! Et parce que mon mari travaille, on n’a pas droit aux aides …”

Macron, il veut qu’il y ait deux classes : les riches et les pauvres

Un sentiment d’injustice unit les manifestants : “Macron, il veut qu’il y ait deux classes : les riches et les pauvres. Et que la marche entre les deux soit très haute pour être infranchissable ! Nous, on ne demande pas à devenir riches, on veut vivre correctement.”

Au bord de la route, une banderole indique : “Réveillon Saint Sylvestre : 15 euros”. Florence explique : “On pense qu’on sera encore là pour le nouvel an.” Des sapins sont déjà en route pour se préparer à passer Noël sur place. “On devrait être en train de préparer les fêtes pour nos proches mais on est là parce qu’on est solidaires. On n’est pas des égoïstes. Les gens seront contents de profiter des avancées si il y en a grâce à nous !”

Des manifestants aux horizons politiques variés

Les annonces prévues mardi par le président ne soulèvent pas beaucoup d’espoir. “Macron a intérêt à faire quelque chose de solide, de crédible !“ dit Jean-Jacques. “On ne veut pas des miettes.” Rémy, lui, se méfie des syndicats : “ce mouvement a commencé sans eux. Maintenant, ils ont vu que ça durait, que l’on s’organisait et ils veulent prendre le bébé. Ils veulent aller négocier à notre place, et on va encore se faire baiser !”

Cette défiance à l’égard des corps intermédiaires se retrouve sur le rond-point suivant, à Gerzat. Ici, c’est barrage filtrant au milieu des tentes et des palettes. Il y a des jeunes, des actifs, des retraités. Ils sont au moins une trentaine. Une automobiliste pressée s’agace. Une manifestante lui répond : “c’est la faute à Macron, pas la nôtre !”

“Sarkozy, Hollande, Macron … Avec toi, c’est le pompon” dit la banderole sous le cédez-le-passage. Un manifestant propose la démission du président, la dissolution de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Un autre cite de Gaulle, qui “lui, donnait l’exemple et qui remboursait sa note d’électricité à l’Elysée”.  L’un s’affirme “de droite”, l’autre est qualifié de “communiste” par son voisin. Chacun a sa raison d’être en colère, chacun une solution à proposer, mais tous sont d’accord sur un point : “Ici, on est ensemble. Et on n’a plus confiance dans les politiques”.
 
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