Grève du 12 septembre à Clermont-Ferrand: des manifestants expliquent les raisons de leur colère

Environ 3500 personnes ont manifesté dans Clermont-Ferrand, le 12 septembre. À l'appel des syndicats, des ouvriers, étudiants, enseignants, ou encore personnel hospitalier sont descendus dans les rues contre les « ordonnances travail ». Portraits de mécontents qui ne se sentent « pas écoutés ».

Devant la place du 1er-Mai, dans le nord de Clermont-Ferrand, des centaines de personnes convergent vers le camion de la CGT, où la musique et l'ironie tentent de pallier la morosité ambiante. « Salut, ça va fainéant ? -Et toi ça va cynique? » Deux manifestants s'apostrophent, en référence aux récents qualificatifs du président Macron employés pour présenter les opposants à la réforme du Code du travail. Des propos aussitôt dénoncés dans les slogans scandés au mégaphone, dès le départ du cortège vers 10h30.

Le vocabulaire utilisé à Athènes par le président de la République n'a pas du tout plu à Jean-Paul. « C'est tout simplement de l'injure publique vis-à-vis des gens qui luttent en bas, signale cet ancien employé des usines Michelin, aujourd'hui à la retraite. Syndiqué à la CGT depuis 1977, il a participé aux manifestations de la loi El Khomri en mai 2016.




Aujourd'hui, il regrette surtout le coup de rabot sur les APL et les cotisations retraite prévu par les ordonnances Macron. Un sacrifice social qu'il interprète comme un « dérapage libéral de la société, qui a débuté sous Sarkozy. » En mai dernier, Jean-Paul n'a pas glissé de bulletin Emmanuel Macron dans l'urne. « Il n'était pas menacé, confie le militant, qui s'attendait à devoir redescendre dans la rue suite à l'élection. « le problème, dit-il, c'est que le peuple d'en bas n'est plus écouté. »

Départ place du 1er-Mai pour défendre le Code du travail


À partir de la place au nom évocateur, 3000 à 3500 manifestants ont cheminé jusque devant la préfecture du Puy-de-Dôme, avec pour objectif d'obtenir une entrevue avec le haut-fonctionnaire occupant les lieux. Les banderoles et drapeaux rouges de la CGT se mêlent à ceux de FSU, Solidaires, l'UNEF... et Force ouvrière, syndicat pourtant favorable à la réforme au niveau national.




Mais devant, c'est plutôt le blanc qui domine avec les professionnels de la santé. Christine et Isabelle, aides-soignantes, ont participé à toutes les récentes manifestations. Elles reconnaissent un mérite aux réformes de l'actuel gouvernement : elles sont « dans la continuité du casse du service public,» avec les économies prévues notamment dans le domaine de la santé.

Certaines familles me font : "Laissez, je vais faire manger ma mère..."

Isabelle, aide-soignante clermontoise

 
Les deux collègues travaillent dans des EHPAD, auprès de personnes âgées dépendantes. « On n'a plus les moyens de travailler convenablement, observe la première. Aujourd'hui, on ne remplace plus les départs en retraite, on appelle le personnel sur les congés pour finalement venir travailler, la vie de famille en pâtit considérablementLes résidents en pâtissent aussi: niveau soins, on est rendus à faire le travail minimum,» énumère la quinquagénaire.



« D'ailleurs, les familles commencent à nous soutenir, observe sa collègue Isabelle. À l'EHPAD, certains parfois me font : "Laissez, je vais faire manger ma mère..." Elles sont témoins du peu de temps que nous possédons pour chaque patient.» La vingtaine d'aide-soignants présentes craignent une privatisation croissante des hôpitaux afin de mutualiser les moyens, avec le développement de contractuels "indépendants" plutôt que d'infirmiers en poste dans un même établissement. « Moi je n'ai pas signé pour ça lorsque j'ai commencé ma carrière, signale Christine. Parfois je me suprends à dire à mes collègues que je suis bien contente d'avoir fait mes années. »

Contre une vision de société


Dans cette foule, certains ne brandissent pas d'étendarts. Des jeunes pour la plupart. Cédric n'est pas encarté ni syndiqué, mais c'est senti concerné par la lutte contre ces réformes. « Tout ce qui se passe aujourd'hui va à l'encontre du modèle de société que j'imagine, d'un partage de pouvoirs et de richesses, et où on accorderait une bonne place au social et à l'environnement, glisse le doctorant en biologie, la vingtaine avancée.


C'est quand même notre avenir qui est en jeu!

Marion, étudiante à Clermont-Ferrand et militante à l'UNEF


À 18 ans, Maxime et Valentin sont eux aussi de la manifestation. Le premier étudiant se dit animé par « l'opposition au libéralisme, une utopie » et le second par « la convergence des luttes ». À côté d'eux, Marion, militante de l'UNEF, synthétise : « C'est contre les ordonnances, mais aussi bien contre l'état d'urgence permanent et la fusion des universités que nous sommes ici ». « On regrette qu'il n'y ait pas plus de jeunes, d'étudiants, qu'ils ne se sentent pas plus concernés que ça, expose Valentin. C'est quand même notre avenir qui est en jeu. »



Le cortège est arrivé à la préfecture du Puy-de-Dôme sur les coups de midi, sans aucun incident. Malgré la satifaction d'avoir surpassé la prévision de 1800 manifestants de la Préfecture, les délégués syndicaux se sont vu refuser une entrevue avec le préfet du département. Parmi les militants et sympathisants présents, beaucoup ne se font pas d'illusions: les ordonnances ont de fortes chances d'être adoptées. Mais les mêmes assurent qu'il continueront la lutte pour défendre leur vision de la société. 

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