Baisse des dons et hausse des bénéficiaires : pour la Banque Alimentaire d’Auvergne, les calculs ne sont pas bons. L'association a dû passer à un mode de distribution “contraint”, qui limite la quantité de denrées attribuée aux associations d’aide alimentaire.
La Banque Alimentaire ne parvient plus à suivre la demande, et l’Auvergne n’est pas épargnée. L'an dernier, la Banque Alimentaire d’Auvergne a collecté environ 2 800 tonnes de denrées. Sur ces 2 800 tonnes, quelque 16% sont achetés avec les fonds européens, soit 450 tonnes environ. Mais cette quantité est amenée à diminuer. Un trou dans les comptes assez simple à expliquer, pour le président Michel Renault. "C'est l'impact de l'inflation. Les budgets des fonds européens sont restés stables. Avec une inflation à 16% ou plus pour les produits alimentaires, qui a déjà commencé en 2022, ça veut dire que le volume de produits qu'on va recevoir va être plus faible. On pense perdre à peu près 30% de ce volume.”
Les dons en baisse
L'aide alimentaire est essentiellement basée sur le don. Michel Renault détaille : “On a donc 450 tonnes de denrées qui sont achetées, tout le reste, c'est ce qu'on récupère soit dans les magasins, soit sur les plateformes logistiques, soit chez les fabricants. Aujourd’hui, ces dons baissent de 10%.” Alors pourquoi ? Les responsables sont, entre autres, les promotions “dates courtes”. De plus en plus proposées par les grandes surfaces, ces promotions permettent de vendre des produits dont la date de péremption est très proche à prix cassé, autant de produits qui ne sont pas donnés : “Ce sont des produits que l’on pouvait récupérer, avant. Cela a un effet double qui est vraiment pénalisant. Le premier parce qu'on en récolte moins, on va perdre à peu près 10 à 15% lors de nos collectes dans les magasins en ce moment. Le second effet est un peu plus caché, c’est que les produits que l'on récupère sont des produits à date limite de consommation encore plus courte, si j'ose dire. On n'est pas toujours capable de les donner aux associations en respectant les dates. Ce sont donc des produits qu'on ne peut pas utiliser et ça a un impact assez significatif", regrette Michel Renault.
Des distributions rationnées
La Banque Alimentaire se voit donc dans l’obligation de réduire les quantités distribuées : “On va donner un petit peu moins, et comme de l'autre côté, les bénéficiaires ont plutôt tendance à augmenter dans les associations, ça veut dire que la part pour chacun est d'autant diminuée." La Banque Alimentaire a mis en place un “mode de distribution contraint” qui limite la quantité de denrées et produits d'hygiène distribués afin d’assurer un équilibre : “En ce moment, on est très léger sur les produits frais, on a du mal à en récupérer dans les magasins. Cela veut dire que dans ces moments-là, malheureusement on ne les donne pas. Je ne dirais pas forcément qu'on est en pénurie sur certains produits, encore que ça puisse arriver, mais je dirais qu'on limite les volumes distribués, malheureusement.” Ils ne sont pas les seuls à devoir faire des choix difficiles. De son côté, l'antenne du Puy-de-Dôme des Restos du Coeur a décidé de rogner sur la quantité pour leurs prochaines distributions, selon le président de l'antenne départementale Bruno Riche : “On va adapter notre dotation de nourriture. On va baisser la quantité donnée de 20% environ”.
Récupérer plus de denrées
"Au niveau des pâtes, aujourd'hui, on a encore suffisamment de stock”, rassure Michel Renault. Mais, pour la première fois en Auvergne, la Banque Alimentaire va acheter elle-même quelques produits, pour éviter les pénuries : “On a eu quelques budgets supplémentaires, donc on va acheter un petit peu, mais ça ne permet pas de compenser.” Alors, depuis mars dernier, la Banque Alimentaire met en place des solutions pour récupérer plus de nourriture : “On va beaucoup plus sur les grosses plateformes logistiques, parce que c'est là où on arrive à récupérer de gros volumes. Par exemple, au niveau de la Banque Alimentaire Auvergne, on s'est équipé de 2 gros poids lourds et on va sur les plateformes des supermarchés pour récupérer des volumes. On a également mis en place des navettes et des partages entre les Banques Alimentaires de la région. Pour faire simple, quand vous avez beaucoup de fruits sur la Drôme et du fromage en Auvergne, on essaie de fluidifier les échanges entre les Banques Alimentaires. Cela nous permet de faire circuler des produits et de s'approvisionner d'une manière significative.” Ces échanges viennent s’ajouter aux denrées récupérées en magasin.
Une augmentation de la demande
Autres effets pervers de l’inflation : de plus en plus de bénéficiaires font appel à des associations d’aide alimentaire, alors même que la quantité de denrées diminue. Ce phénomène devrait même s’aggraver dans les prochaines semaines, alerte Michel Renault. “La crainte que toutes les associations d'aide alimentaire ont, c'est le pic de la rentrée qui intervient au mois d'octobre en général. Certains sont venus s’inscrire plus tôt, mais traditionnellement, au mois d'octobre, on constate une augmentation de ces bénéficiaires.” Les bénéficiaires ont déjà augmenté de 15 à 20% par rapport aux années précédentes, selon les remontées des associations partenaires. Les bénévoles attendent désormais la collecte annuelle, qui intervient chaque année autour du 20 novembre. "Les gens sont toujours généreux mais donnent un petit peu moins”, a constaté le président. L'an dernier, la Banque Alimentaire a récolté 10% de dons en moins par rapport aux années précédentes.