Le marché est encore émergent. Dans le Puy-de-Dôme, une société s’est lancée dans l’élevage de vers de farine destinés à la nutrition animale. Un bâtiment pilote est en construction dans la plaine de la Limagne.
Imaginez des vers de farine pour nourrir poissons, poules, chiens et chats… L’idée est déjà une réalité. Dans le Puy-de-Dôme, la société Invers élève des larves de Tenebrio molitor. « C’est un petit coléoptère noir, un scarabée. On place des adultes reproducteurs dans un bac qui contient majoritairement du son de blé. On les laisse pondre pendant 2 semaines à 1 mois. Ensuite, les adultes sont retirés. On laisse les vers se développer. Entre la ponte et la récolte, il faut 10 semaines », explique Sébastien Crépieux, ingénieur agronome et président de la société Invers.
L’élevage de vers de farine se fait dans des conditions bien spécifiques : l’insecte a besoin d’obscurité, dans une atmopshère « chaude et tropicale ». La température se situe autour de 26 ° et le taux d’humidité atteint 60%.
Remplacer les farines de poisson
C’est un changement de réglementation européenne qui a permis à cet entrepreneur de se lancer sur ce marché de l’insecte encore émergent. Depuis le 1er juillet 2017, l’utilisation des vers de farine est désormais autorisée pour l’alimentation animale, en aquaculture, pisciculture ou pour les animaux de compagnie. Un changement que Sébastien Crépieux attendait pour concrétiser son projet. « L’idée est venue d’un constat : une grande partie de la pêche mondiale est dédiée à la nourriture d’autres poissons. C’est une farine assez peu réglementée issue de zones de pêche surexploitées. On voulait fournir une alternative durable », affirme-t-il.Créée en mars 2018, la société a installé son site de production dans un ancien poulailler réhabilité à Saint-Ignat dans le Puy-de-Dôme. Mais un bâtiment pilote est en construction en Limagne, avec une mise en service espérée début 2020. Ces nouvelles installations, qui représentent un investissement d’environ 1,5 million d’euros, devraient permettre de multiplier la production par 10, pour atteindre 10 à 15 tonnes de vers de farine frais par mois, contre 1 tonne actuellement.
Une nouvelle filière d'élevage ?
A ce stade, une majeure partie des vers de farine est déshydratée et commercialisée dans les jardineries pour le grand public. Mais en accroissant ses volumes, la société puydômoise espère accrocher de nouveaux marchés. Et convaincre des agriculteurs de se lancer eux aussi dans cette nouvelle filière. « On a voulu les associer au projet. Au début, ils n’étaient pas forcément emballés. Les insectes, ils ont plutôt l’habitude de lutter contre, mais on a mis à disposition des containers maritimes comme outil de production. On a notamment 3 agriculteurs testeurs », poursuit Sébastien Crépieux.En augmentant la production, il s’agit de toucher une clientèle professionnelle, pisciculteurs ou éleveurs de poulets. L’entreprise teste également des croquettes pour chiens et chats. « A l’échéance 2025, en Auvergne-Rhône-Alpes, j’aimerais qu’on puisse se passer de farines de poisson », espère l’ingénieur agronome. Un objectif ambitieux, mais qui pourrait rebattre les cartes en matière de nutrition animale.